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Regard critique · Justice sociale

Miss SDF cherche maison à louer

Les organisatrices du concours miss SDF semblent avoir trouvé la poule aux œufs d’or. La finale à peine terminée, elles comptent s’attaquer au concours misterSDF.

27-10-2009 Alter Échos n° 283

Les organisatrices du concours miss SDF1 semblent avoir trouvé la poule aux œufs d’or. La finale à peine terminée, elles comptent s’attaquer auconcours mister SDF. Quant aux miss, nous nous sommes penchés sur leur « accompagnement personnalisé ». Instructif.

10 octobre 2009, c’est la finale du concours miss SDF, 400 personnes ont fait le déplacement à Tour et Taxis. Le spectacle, puisque c’est bien ainsi qu’il fautl’appeler, est classé dans la catégorie famille et évènement socio-culturel ! Prix unique de la place 35 euros. L’ « heureuse gagnante » estMarie-Thérèse Van Belle, 58 ans. Prépensionnée après une carrière de plus de 25 ans comme femme d’ouvrage dans les écoles, elle a connu la ruedurant un mois. « J’avais donné mon renom à mon propriétaire car mon appartement était plein de cafards et au moment d’emménager dans mon nouvelappartement, le propriétaire a subitement décliné, je me suis donc retrouvée à la rue durant un mois. J’avais parfois des repas chauds donnés par mafille ou ma petite-fille, c’est Mathilde [NDLR une des organisatrices du concours Miss SDF] qui est venue me chercher et a proposé de m’héberger dans une des maisonsqu’elle gère pour loger les sans-abri comme moi. »

Marie-Thérèse Van Belle a connu au cours de sa vie de nombreux déboires et une situation financière pour le moins précaire. « Je n’ai jamais eu dechance, ce concours est la première qui m’est donnée. J’ai un fils de 36 ans, handicapé mental, qui vit avec moi, mais son administrateur de biens ne veut rien medonner. » Le prix attribué à Marie-Thérèse Van Belle ? Le loyer d’une maison pendant un an et un encadrement pour les neuf autres concurrentes pour tenter dedécrocher un emploi stable.

Cherche un toit

Un toit pour un an. L’idée émane de Mathilde Pelsers, qui gère quatre centres non agréés d’accueil, de guidance et d’hébergement pour personnesdémunies en Région bruxelloise et de sa fille, Aline Duportail, ex-dauphine du concours Miss Belgique. « On m’a demandé comment je pouvais lier les SDF avec l’idéed’un concours de beauté, explique Mathilde Pelsers. C’est simple : je veux combattre l’idée que parce qu’on serait à la rue, on n’aurait plus la volonté de s’en sortir. Sic’est un moyen d’aider, je dis : pourquoi pas ? » La volonté de s’en sortir, un argument qui revient aussi sur le site web du concours : « Les candidates doivent avoir lesouhait explicite d’abandonner la vie de la rue et de s’engager, avec un encadrement, à développer une vie sociale ». Y aurait-il donc deux catégories de SDF : ceux quiveulent s’en sortir et ceux qui ne veulent pas ? Les organisatrices semblent le penser…

Mais de quel encadrement bénéficient-elles, au fait, ces miss ? Deux semaines après la finale, nous avons interrogé Mathilde Pelsers. « Pour la maison deMarie-Thérèse, nous cherchons toujours, essentiellement à Evere, explique Mme Pelsers, mais ce n’est pas facile car elle veut emmener ses deux chiens, son canari et sonpoisson avec elle et tous les propriétaires n’acceptent pas les animaux. » Quant à savoir qui exactement va payer le loyer ? La réponse se fait pour le moinsévasive, et nos questions sont de suite qualifiées d’indiscrètes. « Nous nous sommes engagés à payer le loyer, répond Mathilde Pelsers, mais nousn’avons pas encore tous nos sponsors, nous devons compléter. Deux sont des sponsors étrangers, mais je ne peux rien vous dire car nous avons signé une clause deconfidentialité… » Qu’adviendra-t-il après un an ? « Thérèse pourra toujours partager la maison avec des co-locataires et ainsi diviser le loyer.»

La maison une fois trouvée devrait être meublée grâce au concours de Televil2, un Kringloopcentrum (atelier social en Flandre spécialisé dans lerecyclage) qui vend vêtements, meubles et électroménagers de seconde main. « Aline Duportail, nous a contactés l’année passée pour avoir descouvertures pour les sans-abri, nous explique Ingrid De Roo, qui s’occupe de la communication de Televil. Elle nous a parlé du concours miss SDF et nous avons décidé del’aider. Nous avons fourni les meubles pour loger les miss dans les maisons de Mme Pelsers. Nous avons également fourni les bijoux, les tissus et les vêtements de soiréepour le défilé du concours. Nous étions également membre du jury. Quant à savoir de quelle manière nous allons intervenir dans l’aménagement del’habitation de la gagnante, nous devons encore y réfléchir. »

Parmi les autres sponsors affichés sur le site, un restaurateur, une épicerie de quartier, un fleuriste, une bijouterie… essentiellement des PME bruxelloises mais aussi laCroix-Rouge flamande, qui a offert une formation de secouriste aux candidates, et la KBC. Nous avons joint la KBC pour connaître la teneur de leur sponsoring et, surprise, voici laréponse de l’attaché de presse de l’institution bancaire : « Ni le siège central de KBC, ni les sièges régionaux de KBC n’ont sponsorisél’élection de miss SDF. Or je constate que notre logo figure sur le site des organisateurs, bien qu’au niveau central ou régional il n’y a pas eu de contact avec les organisateurs. Nousn’excluons toutefois pas qu’une agence locale ait peut-être contribué de l’une ou de l’autre manière à cette initiative, comme ils ont une certaine autonomie locale (et unbudget restreint) au niveau du sponsoring, mais nous n’avons pas eu de mention quelconque à ce sujet. » Ici encore Mathilde Pelsers ne souhaite pas faire de commentaires, tout au plusnous a-t-elle précisé qu’ « au sujet du sponsoring de la KBC, ils nous ont offert tout ce qui est assurance pour les miss ainsi que pour l’asbl. »

De l’accompagnement aux bons

Quant à l’accompagnement à l’emploi des miss, nous avons cherché vainement les détails de l’accompagnement personnalisé promis sur le site webdu concours. Bredouilles, nous avons contacté Marie Rimbold, renseignée comme éducatrice de rue dans le dossier de presse, et indiquée par Mathilde Pelsers comme lapersonne se chargeant de l’accompagnement. Employée bénévole, Marie Rimbold, nous détaille le travail effectué jusqu’ici : « Lorsqu’ellessont arrivées chez nous, j’ai remis en ordre leur situation administrative, pour qu’elles puissent retrouver des revenus, une mutuelle, etc. Quant à trouver un vrai emploi,il s’agit plutôt de formations. Une a entamé un baccalauréat comptabilité, mais elle le suivait déjà avant le concours, une autre souhaiteraitintégrer une école de coiffure de Bruxelles et une autre encore se lancer dans une formation d’esthéticie
nne. Pour les autres miss, rien n’est envisagéactuellement. » Les dix miss sont logées depuis les épreuves de présélection dans les maisons de Mathilde Pelsers, deux touchent des allocations de chômage,quatre sont sur la mutuelle et trois bénéficient du revenu d’intégration sociale. Quant à Marie-Thérèse Van Belle, aujourd’huiprépensionnée, elle n’envisage pas de reprendre un emploi : « j’ai bien trop d’arthrose », nous explique-t-elle.

En ce qui concerne le prix des autres miss, mis à part les voyages effectués avant la finale à Bruges, Knokke, à Lourdes (!) et en Espagne, tous pris en charge par lessponsors, certains journaux avaient indiqué qu’elles recevraient « un soutien personnalisé… sous forme de bons pour des produits de beauté et des entrées dansdes salons de coiffure « pour les aider à se réinsérer dans la société » ». Ici encore, Mathilde Pelsers n’a pas voulu nous donner de plus amplesdétails : « Les autres miss ont reçu plusieurs prix dont elles pourront profiter tout au long de l’année. » De quels prix s’agit-il ? Mystère, ni lesite, ni le dossier de presse n’en font mention. Les organisatrices, elles, ne comptent pas en rester là et ont, d’ores et déjà, prévu pourl’année prochaine un concours de mister SDF, « il y aurait de la demande »…

Interrogée par l’agence Belga après la polémique suscitée par le concours, l’une des organisatrices, Aline Duportail, s’est ainsi justifiée : « Nousvoulons, avec cette élection, mettre en avant la problématique des sans-abri. Ils reçoivent ainsi la chance de se reprendre en main. Ce qui est sûr, c’est que cela faiténormément de bien pour leur confiance en eux. » À l’analyse, il apparaît surtout certain que le concours a fait énormément de bien à la com’d’Aline. Il suffit de se souvenir de la conférence de presse de présentation du concours miss SDF couplée à la présentation du recueil de poèmes del’ex-miss Flandre orientale ou encore de jeter un œil à la bande annonce de présentation du concours miss SDF pour s’en convaincre(http://www.youtube.com/watch?v=xiDNpvtocbY&feature=player_embedded). « Gageons que les plateaux télé réserveront le même accueil à Thérèse,58 ans, qu’à Aline, la blonde de 18 ans. Qui, si elle a un très bon plan com’, n’a pas encore trouvé de solution à la misère du monde (ni de cesfilles)3. »

1. www.misssdfbelge.be Lire l’édito que nous avons consacré à ce concours dans l’AlterÉchos nº 262 : Miss gadgets.

2. Televil vzw :
Mechelsesteenweg 588 D à 1800 Vilvoorde
– tél. : 02 255 19 40
– courriel : Ingrid.De.Roo@televil.be
– site : www.televil.eu
3. Extrait de l’article Thérèse Van Belle, Miss SDF belge, gagne un toit pour un an publié sur www.rue89.com

catherinem

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