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"Michel Jadot : "La stratégie européenne pour l'emploi n'est pas menée dans des conditions optimales""

18-12-2000 Alter Échos n° 88

L’originalité du sixième millésime du « Rapport Jadot » consiste dans un choix : celui de cadrer le travail d’évaluation dans la stratégie européenne decoordination des politiques d’emploi (« Processus de Luxembourg »). Michel Jadot, secrétaire général du ministère de l’Emploi et du Travail, le justifie pard’évidentes raisons « opportunistes et de calendrier » vu l’approche rapide de la présidence belge de l’Union en juillet 2001. « Il est nécessaire de réfléchir sur leseffets de cette nouvelle manière de faire du social, avant la probable réévaluation de cette stratégie européenne en 2002, et sans être soumis à lacontrainte de se faire passer pour de bons élèves », ajoute-t-il.
Le rapport s’ouvre sur le traditionnel « éditorial » du secrétaire général et se compose de trois parties : la première est le tableau de bord du marché del’emploi. La seconde est l’énumération, la description et le commentaire des évolutions de toutes les mesures fédérales d’emploi. La troisième est uneétude approfondie de la manière dont la Belgique met en œuvre chacune des Lignes directrices pour l’emploi et les Grandes Orientations de politique économique (Gope), pourvenir étoffer et illustrer les propos du secrétaire général.
Michel Jadot part d’un paradoxe évident : l’écart de préoccupations entre les leitmotive de la stratégie européenne pour l’emploi, et les thèmes de nosgrands débats nationaux de la rentrée. Le partage des fruits de la croissance, la norme salariale et le financement de la réduction du temps de travail ne cadrent absolument pasavec les quatre axes de convergence européens que sont l’employabilité, l’esprit d’entreprise, l’adaptabilité et l’égalité des chances.
Il insiste ensuite sur la rupture entre la manière traditionnelle, certes lente, de construire un droit social commun européen, et les nouvelles modalités d’encadrement despolitiques nationales, soumises à d’ambitieux objectifs de création d’emploi. Son hypothèse, qui affleure partout dans la troisième partie : « En Belgique, on situetoujours les débats dans le cadre du partage de la richesse alors que l’Europe les subordonne à une logique de création d’emplois ou de retour dans l’emploi. » Autrement dit : ilfaut tirer tout le profit possible d’un héritage de 55 ans d’histoire sociale…
Et ses critiques fusent : le calendrier de révision annuelle des lignes directrices est « infernal », il n’est ni celui du budget ni celui de la concertation, « on ne sait plus faire ladifférence entre ce qui finit et ce qui recommence ». La délégation belge est stigmatisée pour son « manque de préparation » et la concertation avec les partenairessociaux nationaux est insuffisante. Les procédures de concertation entre toutes les instances européennes sont décrites comme beaucoup trop complexes pour être efficaces ousimplement transparentes, ce qui permet à la Commission européenne de « mener la danse » … et donne une influence indûment prépondérante aux grands Étatsmembres de l’Union. Les Lignes directrices sont évaluées avec des « indicateurs à la carte qui relèvent plus du marketing politique que de l’évaluationindépendante ». Et la distance est énorme entre l’Europe des sommets et la réalité de terrain : ainsi p. ex. « Il faudrait créer 85.000 nouveaux emplois par an pourrespecter les engagements de Nice, alors qu’en Belgique on n’arrive qu’à 50.000 les bonnes années… »
Uais il précise : il ne s’agit pas de remettre en cause la stratégie européenne mais « d’attirer l’attention sur certaines lourdeurs et inquiétudes. » Et sans doutemême de se décomplexer un minimum face à des affirmations telle la stigmatisation des « effets désincitiatifs » de notre système d’indemnisation du chômage quiserait « trop généreux », ou tels les doutes émis sur l’efficacité des politiques actives. C’est donc bien de se regarder dans un miroir non déformant qu’il s’agit,sans angélisme sur les limites de nos particularismes comme la multiplicité des mesures pour l’emploi ou la construction autonome d’une bonne partie du droit du travail par lespartenaires sociaux eux-mêmes.

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