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Regard critique · Justice sociale

Lever un coin du voile sur le sans-abrisme bruxellois

La Strada a recensé la population des maisons d’accueil et des centres d’hébergement d’urgence en Région de Bruxelles-Capitale. Objectif : donner une vision d’ensembledes personnes sans-abri accueillies en 2010.

04-02-2012 Alter Échos n° 331

La Strada1 a recensé la population des maisons d’accueil et des centres d’hébergement d’urgence en Région de Bruxelles-Capitale. Objectif : Donner une visiond’ensemble des personnes sans-abri accueillies en 2010.

Profils de SDF

Elle est belge, âgée de 28 ans, isolée, souvent avec enfants. Il est belge et isolé aussi, mais plus âgé (35 ans) et généralement seul. Lui avécu dans la rue avant d’arriver en hébergement, elle était accueillie dans sa famille ou bénéficiait d’un domicile privé. Son séjour en centred’accueil ou d’urgence à elle est plus court que le sien à lui. Il et elle sont peu éduqués, vivent en situation précaire, résidaient à Bruxelles etétaient dépourvus de revenus à leur admission. Voici les portraits type d’un homme et d’une femme sans-abri étant passés par des centres d’hébergementd’urgence ou d’accueil à Bruxelles en 2010.

Le centre d’appui au secteur bruxellois d’aide aux sans-abri (La Strada) a dressé des profils type de SDF après avoir regroupé les données de 24 (des 27) centresd’hébergement de la capitale. Il ressort de cette première compilation des lignes directrices relevantes dans la perspective d’améliorer la compréhension, mais aussi– et surtout – l’action (sociale et politique), adaptée aux difficultés et aux besoins des sans-abri.

En 2010, 2 051 personnes ont occupé plus d’une nuit l’une des 1 118 places qu’offrent les centres d’hébergement et ont à ce titre étérépertoriées. Il convient d’y ajouter un chiffre non négligeable, celui des enfants accompagnant leurs parents : ils étaient 964. Notons que près de 60 %des sans-abri sont belges alors que 4 % seulement viennent directement de l’étranger : 3/4 vivaient déjà à Bruxelles avant l’accueil.

Le sans-abrisme bruxellois se décline au féminin comme au masculin dans des proportions qui varient en termes de statut familial, de durée de séjour et d’âge. Onrépertorie 57 % de femmes et 43 % d’hommes. Ce rapport de force est présent jusqu’à l’âge de 35 ans. Passée cette barre, la tendance s’inverse.

Autres différences significatives : alors que les hommes font la démarche de prendre contact avec la maison d’accueil (ayant vécu, pour 1/5e d’entre eux, dansla rue, ils connaissent bien les circuits d’accès à l’hébergement), les femmes sont orientées par un large panel de services. La durée de séjour des hommes(jusqu’à 6 mois en moyenne) est par ailleurs plus longue que celle des femmes (6 semaines).

Le sans-abrisme n’est pas qu’une affaire d’adultes isolés. En effet, 1/4 des séjours (523) concernent des familles. Dans huit cas sur dix, elles sont monoparentales, les femmesassumant le plus souvent la charge des enfants. Si ces dernières sont plus rapidement prises en charge. La durée de séjour augmente avec le nombre d’enfants, les famillesnombreuses éprouvant de grandes difficultés à se reloger.

Après l’accueil

Quelles sont les destinations à la sortie de l’accueil, d’autant que le séjour ne dépasse qu’en de rares occasions une année ? Il reste à ce sujet une partimportante d’inconnu. Selon les données, la moitié des femmes avec enfant retrouveraient un logement privé alors que cela concerne moins d’1/3 d’hommes.

« Cette première analyse permet de préciser les caractéristiques des personnes répertoriées, d’en étayer les profils, mais aussi de donner uneidée du flux tout comme une vision générale de la situation », explique Laurent Van Hoorebeke, coauteur du recueil avec Olivia Dardenne. Un bémolcependant : le type de places offertes influence fortement le profil étudié des personnes accueillies. Il y a une « boîte noire » concernant ceux quin’ont pas été accueillis, faute d’une offre suffisamment élargie. « Nous avons découpé le sans-abrisme en morceaux, il conviendrait maintenant de creuserle reste », admet La Strada.

« Le sans-abrisme est une réalité complexe : il commence avant la rue et se poursuit au-delà du service », fait remarquer Laurent Van Hoorebeke.Cependant, « c’est un pas vers une vision globale de tous les publics précarisés », se réjouissent les auteurs du rapport.

La Strada souligne avoir compilé les données pour objectiver les chiffres. Elle ne les a donc pas interprétés. C’est une photo prise du sans-abrisme en 2010, enRégion de Bruxelles-Capitale. L’an prochain, La Strada remettra le couvert. « Avec un point de comparaison, nous comprendrons mieux les évolutions »,précise l’institution.

Pour l’heure, le travail en est à la publication des résultats et à l’interpellation politique. « Évaluer et faire évoluer le secteurd’aide », résumait Olivia Dardenne. « Utiliser ce rapport comme un instrument pour cibler les priorités », poursuivait Laurent Van Hoorebeke.

Alors que la Belgique connaît une vague de froid, que les logements à des prix abordables et décents sont en nombre insuffisant dans la capitale et que laprécarité augmente et se diversifie, ce rapport tombe à point. Et vient étayer la problématique générale du sans-abrisme.

1. La Strada :
– adresse : avenue Louise, 183 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 880 86 89
– courriel : lvanhoorebeke@lastrada.irisnet.be
– site : www.lstb.be

Valentine Van Vyve

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