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Regard critique · Justice sociale

Les marchés publics : important levier pour l’alimentation durable

Frédérique Hellin est chargée de missions pour la restauration collective à BioForum Wallonie. Elle conseille notamment des collectivités (écoles,hôpitaux, etc.) sur l’intégration de critères durables dans leurs achats alimentaires. Elle nous montre en quoi les marchés publics permettent
de soutenir le développement de l’alimentation durable.

19-09-2012 Alter Échos n° 344

Frédérique Hellin est chargée de missions pour la restauration collective à BioForum Wallonie. Elle conseille notamment des collectivités (écoles,hôpitaux, etc.) sur l’intégration de critères durables dans leurs achats alimentaires. Elle nous montre en quoi les marchés publics permettent de soutenir ledéveloppement de l’alimentation durable.

Alter Echos : Qu’existe-t-il en Wallonie et à Bruxelles comme marchés publics dans le secteur de l’alimentation durable ?
Frédérique Hellin :
Pour les collectivités, on distingue deux types de marchés : les marchés de produits et les marchés de services. Dans le premier cas,les collectivités commandent leurs produits alimentaires de manière individuelle et disposent de cuisines internes permettant de les transformer en menus. Les marchés deservices, eux, concernent des collectivités qui font appel à des sociétés de catering, telles que Sodexo ou TCO Service. Précisons que lorsqu’unecollectivité élabore un appel d’offres pour recourir à un service de catering, elle peut soit tout commander de A à Z – matières premières,personnel, locaux, matériel, préparation et service des repas –, soit décider de travailler en tout ou en partie avec son propre personnel.

Dans ces deux types de marché, des clauses durables peuvent être introduites. Dans la majorité des appels d’offres, l’achat de denrées estcompris ; c’est surtout sur ces appels d’offres-là qu’un travail de « durabilisation » est mené depuis quelque temps. Amener des clausesd’alimentation durable dans un marché public signifie que l’on est attentif aux trois piliers du développement durable : le social, l’économique etl’environnement.

AE : Le durable prend de l’ampleur. Concrètement, ça se traduit comment ?
FH :
D’année en année, on constate une prise de conscience de la part de tous les acteurs, qui va dans le sens d’une nette amélioration. La Villed’Ottignies-Louvain-la-Neuve a, entre autres, été pionnière en la matière, tout comme la Région de Bruxelles-Capitale qui, depuis longtemps, a inscritl’alimentation durable dans son programme. Plus récemment, les Provinces de Namur et du Luxembourg ont suivi. Ce développement est notamment dû à des organismes commele nôtre. BioForum Wallonie1 via son pôle Collectivités, effectue un travail de sensibilisation et de formation de l’ensemble des acteurs concernés par lesystème alimentaire : pouvoirs publics, associations, équipes pédagogiques, gestionnaires chargés des achats, chefs cuisiniers, etc. Nous insistons surtout surl’approvisionnement et la préparation de produits frais, locaux et de saison.

AE : La Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve a servi d’exemple…
FH :
Oui. Avec d’autres institutions, comme le SPF Santé publique qui a émis un cahier des charges type sur la préparation et la livraison de repas dans lesécoles2. Ce modèle de cahier des charges incluant de nombreuses clauses durables va être diffusé le plus largement possible aux collectivités afinqu’elles puissent s’en inspirer. Chaque collectivité a cependant ses propres spécificités. Il faudrait également un accompagnement du service public pour lescollectivités qui souhaitent passer à l’alimentation durable. Un élan au niveau communautaire, régional ou – mieux – fédéral seraitsouhaitable. On notera qu’en Région bruxelloise, un tel accompagnement existe déjà : le Helpdesk de Bruxelles Environnement permet aux entreprises soumises à desmarchés publics de poser toute question relative à la manière d’introduire des clauses durables dans leurs appels d’offres. Il faudrait un service similaire enWallonie.

AE : Quel est aujourd’hui l’impact des critères durables dans les marchés publics ?
FH :
Lorsqu’on analyse les chiffres des sociétés de catering centralisant la majorité des services alimentaires aux collectivités, on observe qu’on estencore à mille lieues d’une alimentation durable. Ces entreprises qui fournissent un très grand nombre de collectivités en Belgique sont le plus souvent internationales, etles produits qu’elles proposent n’incluent généralement pas de critères durables. Elles négocient, aux prix les plus bas, d’énormesquantités d’aliments qui proviennent des quatre coins de la planète. Cela étant, ces grosses sociétés commencent à percevoir la demande des clients etconsommateurs pour une alimentation durable et font dès lors des efforts en ce sens.

AE : Quel genre de clauses durables peut-on intégrer dans les marchés publics alimentaires ?
FH :
Travailler avec des produits de saison est une clause essentielle : ça a un impact environnemental important, dans la mesure où ces produits viennent de moins loin, et unimpact économique, parce que ces produits sont moins chers que ceux hors saison. Une autre clause consiste à favoriser des produits de qualitédifférenciée3, comme les produits issus de l’agriculture biologique. Une autre encore concerne le respect de l’apport nutritionnel nécessaire en fonctiondes tranches d’âges, selon le Plan national nutrition santé (PNNS) établi par le SPF Santé. Hélas, dans bon nombre de collectivités, on en est encore– pour répondre à la volonté des consommateurs, il est vrai – à servir un steak de 200 grammes, alors que 100 à 150 grammes de protéines animalessont suffisants. On a souvent affaire aussi à des repas fortement déséquilibrés, au détriment des fruits et légumes. Sur le plan social, on peut citer, commeclauses importantes, la formation continue du personnel et l’insertion socioprofessionnelle.

AE : Y a-t-il des freins juridiques au développement de l’alimentation durable dans les marchés publics ?
FH :
Une des plus grandes difficultés dans les marchés publics concerne l’approvisionnement en denrées alimentaires locales. Afin de favoriser la libre concurrence, lalégislation européenne interdit de mentionner l’origine des produits. On ne peut par exemple pas indiquer qu’on souhaite des « pommes belges ». Dans certainesrégions à l’étranger, notamment en France, pour favoriser les produits locaux et les circuits courts, certains réussissent à contourner cette interdiction,par exemple en déterminant un nombre d’heures maximal entre l’abattage et la distribution (pour la viande) ou en fixant un seuil maximum d’émissions de carbone (CO2)pour les produits.

Les marchés publics constituent un important levier au développement de l’alimentation durable pour au moins trois raisons. D’une part, par leur vol
umed’achat, ils contribuent à l’organisation des filières d’approvisionnement et à sortir les produits durables de leurs marchés de niche.Deuxièmement, émanant des pouvoirs publics, ces marchés ont valeur d’exemples pour les autres acteurs de la société civile. Enfin, le moded’alimentation proposé à la cantine scolaire, au restaurant communal, etc. contribue à sensibiliser les consommateurs et à les encourager à changer leurscomportements alimentaires dans la sphère privée.

1. BioForum Wallonie :
– adresse : rue Nanon, 98 à 5000 Namur
– tél. : 081.390.690
– courriel : wallonie@bioforum.be
– site : www.bioforum.be
2. Ce cahier des charges est téléchargeable sur le site www.achatsverts.be
3. Un décret du gouvernement wallon (19/12/2002) définit un produit de qualité différenciée comme un « produit présentant un intérêt depar un certain nombre de caractéristiques identifiables liées à son processus de production ou de transformation, en respectant un cahier des charges intégrant notammentdes critères d’emploi et d’environnement approuvés par le Gouvernement. » D’un produit à l’autre, la qualité peut se différencier pardes critères environnementaux, de sécurité alimentaire, de qualité gustative et/ou de qualité nutritionnelle.
4. Les axes stratégiques du PNNS sont consultables sur le site www.health.belgium.be

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