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Regard critique · Justice sociale

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"Le sansticketisme militant : une dérive si dangereuse pour la démocratie?"

18-02-2002 Alter Échos n° 114

La diffusion large de la « carte de droit au transport » du Collectif sans ticket (20.000 exemplaires à ce jour) vise à confronter les dirigeants des sociétés detransport et les mandataires politiques, en suscitant un débat, avec le personnel et les autres voyageurs. C’est ainsi que le Collectif sans ticket (le CST pour faire court)1résume en quelque sorte sa philosophie dans un ouvrage paru en novembre 2001 : Livre-accès2. Loin de l’image du Collectif souvent réduite à un simple refus de payer,rencontre avec l’un de ses membres actifs, David Vercauteren.
Historique
“En juillet 99, après la fin du Centre social, le ‘Collectif sans Nom’ et ‘Chômeurs pas chien’ se sont revus. La volonté et lanécessité de se rencontrer et de s’organiser nous avait amenés à nous déplacer en train et de plus en plus souvent (entre Bruxelles, Liège, Charleroi,la Flandre et le reste de l’Europe). Après quelques mois de bricolage et de bouts de ficelle (cartes de trains partagées, prêts des uns aux autres), Nous nous sommesretrouvés avec des dépenses de transport impossibles à supporter, explique David. Cette situation nous a rappelé une évidence : les tarifs pratiqués par lessociétés de transport sont une entrave majeure à la possibilité de se mettre en lien pour tous ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les moinsfriqués. Partant de ce constat, nous nous sommes réunis autour d’une volonté d’intervention directe à la fois liée à nos conditionsmatérielles d’existence (comme travailleurs précaires, chômeurs, allocataires sociaux, étudiants, …) et sous-tendue par le projet de transports de servicepublic, c’est-à-dire accessibles à tous, indépendamment du statut ou des revenus. L’espace d’intervention était encore vierge. Assez rapidement, nousavons adopté la carte de droit aux transports reprenant les coordonnées et la photo de son titulaire et montré au personnel des sociétés de transport lors de toutcontrôle des billets. Selon les cas, il accompagne ou se substitue au titre de transport valide.”
Un objet nomade
La carte s’adresse à tous et son émission n’est pas centralisée. « Nous l’avons construite sur le mode « no-copyright » : pas de numéro d’identification, pas decachet de délivrance, ni de date d’expiration. Une simple photocopieuse devait permettre à chacun d’entrer dans la danse. Nous voulions cet objet politique nomade, capablede circuler, d’être adopté et réinventé par chacun de ses usagers. En Belgique, de fait, la plupart des utilisateurs de la CDT s’en servent au quotidien pourleurs trajets « ordinaires », individuellement et sans pour autant être en rapport direct avec les initiateurs de la démarche. »
Du coup, la singularité de la carte et de ses promoteurs ne renvoyait plus à une identité ou à une catégorie sociale, même par défaut, ni à unmouvement de lutte déterminé, mais bien à « un collectif d’usagers des transports publics qui se définit lui-même à partir de son « refus de conversion enclientèle », et qui fait de la question de l’accessibilité son travail spécifique. « Le pari de cette constitution collective nous entraînait dans l’analyse et ladéconstruction des différentes figures en présence : l’usager, le client, le fraudeur. »
Paroles d’usagers
« Nous organisons aussi des assemblées d’usagers. Là, il s’agit d’amener d’autres gens à la réflexion, de poser le problème dansl’espace public. Il y a réunion de cette assemblée une fois par mois dans nos locaux. Le but est de faire sortir une parole d’usager, souvent des fraudeurs, et de mettre encommun les savoirs de chacun sur la débrouille. Les réunions connaissent un certain succès mais nous commençons à avoir certains problèmesd’organisations parce qu’il faut à la fois concilier la mise en commun des bonnes pratiques, la réflexion sur la gratuité des transports, l’accueil de nouveauxà qui il faut réexpliquer nos objectifs et qui parfois participent pour la première fois de leur vie à une réunion.
Mais nous allons développer bientôt une seconde étape, notre chantier en fait pour 2002 : sortir du métro et se centrer sur l’aménagement du territoire :comment concilier ville et transports, esthétique, urbanisme. Nous sommes en train de préparer des interventions avec des associations de quartier, des groupes d’urbanisme, desassociations écologiques, etc. Nous voudrions travailler sur les parkings, les zones d’aménagement, les chancres SNCB. Il faut qu’on arrive à décloisonner leproblème de la gratuité des transports ; tout est lié dans la ville. »
Tribunal et criminalisation…
Les récents démêlés judiciaires des membres du Collectif sans ticket, suite aux opérations “free zone”3 ont souvent défrayé la chroniquemais sont loin de les avoir réduits au silence…
« À l’occasion de ces procès, c’est chaque fois de démocratie dont il est question. Depuis l’année passée, nous avons connu une trentaine depassages au tribunal de police. Différentes plaintes ont été déposées au pénal et au civil mais cette fois dans l’autre sens : le Collectif a eu desproblèmes avec une brigade d’intervention de la STIB particulièrement musclée. Le 18 janvier, le tribunal correctionnel de Bruxelles a confirmé le jugement dutribunal de police à l’encontre d’un des 17 membres du CST condamnés à des amendes allant de 62 euros avec sursis et à 498 euros sans sursis pour avoiremprunté les lignes de la SNCB sans titre de transport. L’amende a été augmentée de 25 euros. Le tribunal n’a pas retenu la notion de « délit politique ».Quant à la STIB, là, c’est de la criminalisation pure et simple. Nous ne cherchons pas à avoir un procès, ce n’est pas notre but, cela bouffe del’énergie, du fric, etc. Mais nous ne voulons pas non plus que la criminalisation qu’on nous impose nous fige, donc lorsqu’il y a un procès, nous tentons d’entirer profit. On y met une certaine dramaturgie. Si l’État a voulu nous criminaliser pour nous faire taire, l’objectif est loupé, nous ne sommes pas éteints, nouscontinuons à distribuer notre carte de transports, nos tracts, nous continuons à parler.
1 CST, rue Van Elewijk, 35 à 1050 Bruxelles, tél. : 02 644 17 11, courriel : collectifsansticket@altern.org
2 Livre-accès, Collectif sans ticket, Éd. du Cerisier, 159 p., 7 euros.
3 Opérationau cours desuqelles le CST prévient les passagers des contrôles et ainsi crée des micro-solidarités et des échanges sur le transport : commentvoyage-t-on sans fric, qui finance quoi à la STIB ? Etc.

catherinem

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