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Le père Noël au CPAS d'Herzele

Fin décembre, la commune de Herzele (Flandre orientale), en boni, a annoncé qu’elle décidait d’annuler toutes les dettes des habitants de la communeà l’endroit du CPAS. Une mesure qui n’est manifestement pas au goût de tout le monde.

16-01-2009 Alter Échos n° 265

Fin décembre, la commune de Herzele (Flandre orientale), en boni, a annoncé qu’elle décidait d’annuler toutes les dettes des habitants de la communeà l’endroit du CPAS. Une mesure qui n’est manifestement pas au goût de tout le monde.

C’est une coalition violette (SP.A et Open VLD) qui a décidé d’inscrire au budget communal les 270 000 euros nécessaires pour effacer les dettes de 250familles de la commune vis-à-vis du CPAS. Lors d’une séance houleuse et en présence de très nombreux médias, le collège de la petite commune afinalement voté la mesure début janvier. Pour l’occasion, le bourgmestre Johan Van Tittelboom (Open VLD) a déclaré que cette mesure « entrerait dansl’histoire comme une mesure avec une dimension sociale exceptionnelle ». À cette somme, le collège a encore ajouté 10 000 euros afin d’octroyer aux 25bénéficiaires du revenu d’insertion et aux 15 demandeurs d’asile de la commune un bonus de fin d’année de 250 euros « pour leur donner un coup depouce à l’approche des fêtes, en ces temps de baisse de pouvoir d’achat ». Pour le bourgmestre, « il ne faut pas seulement parler de la pauvreté mais fairequelque chose. Celui qui a des dettes sort très difficilement de la pauvreté parce qu’il porte ses dettes comme un fardeau, ce qui le démoralise pour chercher un travail ouun logement. En effaçant les dettes en question, on prend le problème à la racine. »

Pour lui, il ne s’agit pas d’un chèque en blanc : « Les personnes en question seront obligées de garder le contact avec le CPAS pour qu’on puisse lessensibiliser davantage et éviter qu’ils ne retombent dans la même situation. » Et puis, souligne la commune, il s’agit uniquement des dettes vis-à-vis du CPAS :des avances sur garanties locatives, par exemple. Les factures de GSM ou les traites pour l’achat d’une voiture n’entrent pas en ligne de compte. La situation de personnessurendettées qui sont en médiation de dettes non plus, même si leur cas est actuellement étudié par la commune. Mais la municipalité – lapremière en Flandre à avoir pris une initiative de ce genre – espère amorcer une réaction en chaîne et, plus encore, susciter le débat.

Irresponsable ?

Celui-ci n’a pas manqué de s’enclencher. Ainsi, l’Union des villes et communes flamandes (VVSG) n’approuve pas du tout la mesure. Pour Nathalie Debast, de la VVSG,« il est digne d’éloges d’essayer d’aider les gens dans leurs problèmes de dettes mais pas avec une mesure collective telle que celle-là. Si le CPASavance l’argent d’une garantie locative, on se met d’accord sur un plan de remboursement. On peut constamment modifier ce plan voire, dans certains cas extrêmes, effacer ladette. Mais ce type de décision doit toujours se faire sur la base d’un dossier individuel. Quel signal donne-t-on avec une mesure collective ? Le danger existe que les gens neremboursent plus, en se disant qu’il y aura bien une amnistie à la fin de l’année suivante. »

L’éditorialiste du Standaard, Guy Tegenbos, abonde dans le même sens. Pour lui, c’est l’essence même de la philosophie des CPAS : donner une aide surmesure, adaptée à la situation spécifique d’un individu ou d’une famille. Il estime qu’une telle amnistie collective sape le travail de longue haleineeffectué par le personnel du CPAS avec ses usagers et érode même la crédibilité de l’institution auprès du public. Mais pour lui, la commune a quandmême mis « le doigt sur une blessure » : le revenu d’insertion et l’aide sociale sont devenus insuffisants pour sortir les gens de la pauvreté.

Même son de cloche chez Guido De Padt, président du CPAS de Grammont (et, depuis, appelé à d’autres fonctions…) : « avec 270 000 euros, on peutmettre 27 allocataires au travail pendant un an via l’article 60 et leur redonner le respect d’eux-mêmes, plutôt que de les materner. » Lesbénéficiaires de la mesure ne sont – on s’en doute – pas de cet avis. Pour Rita, 52 ans, allocataire sociale et en traitement pour un cancer du poumon, quidéclare se lever tous les matins « avec l’angoisse des nouvelles factures qu’elle va trouver dans sa boîte aux lettres », le cadeau se montera à 3 000euros et c’est franchement inespéré à un moment où elle se voyait « aller dans le mur ». Paul, 51 ans, a, lui, depuis peu retrouvé un travail degardien mais il a aussi dix ans de chômage et un méchant divorce derrière lui. Les 1 580 euros du CPAS seront donc plus que bienvenus.

D’après De Morgen et De Standaard

Pierre Gilissen

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