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Le modèle social européen est-il à la merci de la politique monétaire de la Banque centrale européenne ?

En invoquant la montée du prix du pétrole et la croissance rapide du crédit, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé, jeudi 1erdécembre, après l’avoir annoncé, de relever les taux d’intérêt d’un quart de point. Ceux-ci passent donc de 2 à 2,25 %.

Avec ce geste de lutte contre l’inflation dans la zone euro, la BCE n’a pas tenu compte de l’avis des principaux acteurs européens. Contre cette initiative, les ministresdes Finances de l’Eurogroupe espèrent du moins que la BCE ne s’engagera pas dans un cycle de relève des taux susceptible de bloquer la relance de la croissance et de laconsommation, déjà anémique. Jean-Claude Trichet, président de la BCE, a démenti ce scénario.

13-01-2006 Alter Échos n° 200

En invoquant la montée du prix du pétrole et la croissance rapide du crédit, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé, jeudi 1erdécembre, après l’avoir annoncé, de relever les taux d’intérêt d’un quart de point. Ceux-ci passent donc de 2 à 2,25 %.

Avec ce geste de lutte contre l’inflation dans la zone euro, la BCE n’a pas tenu compte de l’avis des principaux acteurs européens. Contre cette initiative, les ministresdes Finances de l’Eurogroupe espèrent du moins que la BCE ne s’engagera pas dans un cycle de relève des taux susceptible de bloquer la relance de la croissance et de laconsommation, déjà anémique. Jean-Claude Trichet, président de la BCE, a démenti ce scénario.

Contre l’avis général

Mais, entre autres réactions inquiètes, et jugeant ce geste  » inutile « , la Confédération européenne des syndicats (CES), représentant 60 millions detravailleurs dans l’Union, a d’ores et déjà demandé à la BCE  » de ne pas miner la reprise en s’engageant dans une nouvelle séried’augmentations des taux d’intérêt « .

Antoine-Ernest Seillière, porte-parole du patronat européen, s’y est également opposé. Tout comme  » la très grande majorité desmacroéconomistes de toutes tendances, qui craignent presque unanimement que cette amorce d’un resserrement des crédits n’entrave une reprise économique encore au-dessous dupotentiel de la croissance de la zone « , précise le professeur Dominique Taddei, dans le dernier numéro d’Alternatives économiques (n°243). Celui-ci ajoutequ’en exagérant les risques inflationnistes, la BCE cherche, en fait, à imiter la Réserve fédérale américaine  » qui a pu faire remonter son taux debase de 1 à 4,25 % à travers treize hausses consécutives sans casser la croissance « .

Problème : contrairement à la « Fed », la Banque centrale américaine, contrôlée par le Congrès, la BCE agit en toute indépendance. En outre, la Fed aagi suite au retour de la croissance américaine. La BCE, à l’inverse, a décidé d’augmenter les taux sans que la croissance européenne soit repartie,poursuit Dominique Taddei, pour maintenir, écrit-il, la parité euro/dollar.

Trop d’indépendance et une politique restrictive ?

Comme le souligne Renaud Dehousse dans  » La fin de l’Europe  » (Flammarion, 2005), le choix de déléguer des pouvoirs décisionnels autonomes à la Banquecentrale européenne s’explique par la crainte que  » la monnaie commune ne soit affaiblie par les pressions de pays qui avaient montré par le passé une nette tendanceà l’inflation : l’Allemagne a exigé de ses partenaires un statut qui garantisse une indépendance absolue de la BCE, tout en conférant à cettedernière une mission principale, la lutte contre l’inflation « .

Cette politique de lutte contre l’inflation menée par la BCE maintiendrait-elle donc la faiblesse de la croissance de la zone euro (1,4 %) et de la création d’emploisdans l’UE ?

Bien plus que l’arbitrage du Pacte de stabilité et de croissance, Andrew Martin, professeur d’économie au Centre d’études européennes del’Université de Harvard, dénonce, lui aussi, l’orientation trop restrictive de la politique monétaire de la BCE. Il explique que la politique monétaire de la BCE sepréoccupe d’abord de la stabilité des prix. Et en agissant de la sorte la BCE aurait surtout retardé le retour de la croissance, alors que les problèmes sociauxaugmentaient, poursuit-il.

Bernard Conter, chercheur à l’Institut wallon de l’évaluation, de l’étude et de la prospective, confirme que l’objectif de stabilité des prix aagi sur la question salariale, puisque les entreprises ont cherché à faire du bénéfice et à conserver leurs taux de marge en compressant la masse salariale.

En bref, pour respecter de façon de plus en plus laborieuse les critères du Pacte, les États membres de l’Union ont largement privilégié la lutte contrel’inflation, au détriment des politiques de lutte contre le chômage. Ainsi fut décidée, par exemple, la disparition des emplois-jeunes sous le gouvernement Raffarin.Tandis que la BCE, elle, a continué de prôner son carcan budgétaire.

Pour plus de légitimité de la BCE, Dominique Taddei plaide pour que les autorités politiques européennes, à l’instar du Parlement européen, exercenttoute leur responsabilité en définissant ce qu’elles entendent par stabilité des prix, afin de lutter  » contre un euro destructeur d’emplois, parce que tropélevé « .

nathaliev

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