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Regard critique · Justice sociale

Logement

Le DAL pave le chemin du logement

Depuis 2011, le DAL femmes (Droit au logement) à Charleroi réunit des femmes en difficulté de logement. Elles partagent leurs problèmes et trouvent ensemble des solutions. Et bien plus encore…

Le DAL Femmes (Droit au logement) à Charleroi permet à des femmes en difficulté de logement de partager leurs problèmes et de trouver ensemble des solutions. Et bien plus encore…

Une fois par mois, elles sont une dizaine à se rassembler dans les bureaux de Solidarités nouvelles Charleroi 1. La plupart rencontrent un problème de logement. D’autres en sont sorties mais reviennent à l’occasion Boulevard Jacques Bertrand faire part de leur expérience. Il y a Claudia, qui vient pour la première fois et qui raconte « son calvaire ». Et puis Cindy, qui a finalement retrouvé un logement. Myriam est militante depuis toujours : au DAL d’abord, au DAL Femmes ensuite. Noëlle vit dans l’insécurité car le bâtiment qu’elle occupe va être démoli. Madame Rabiaa subit régulièrement des menaces d’expulsion pour cause de surpeuplement. Enfin, Sabrina, qui a vécu dans la rue pendant une période de sa vie, se bat pour ses enfants et la dignité des femmes.

Toutes ne sont pas là pas de manière régulière, « ça dépend de la disponibilité et du courage à parler de ses difficultés », précise une participante. « Mais il y a un noyau dur et homogène », ajoute Valérie Constantini qui encadre ces rencontres pour Solidarités nouvelles depuis leur mise sur pied en 2011.

Le genre dans le logement

Le DAL femmes de Charleroi ne s’est pas fait en un jour. L’idée, novatrice, n’est pas tombée du ciel. La rencontre de Solidarités nouvelles avec un collectif de femmes SDF à Grenoble a éveillé dans le chef de l’organisation la conscience des réalités spécifiques aux femmes. D’abord, parce qu’être femme « c’est aussi très souvent être mère ». Et que le nombre d’enfants détermine la capacité du logement. Ainsi, Mamie, qui vient d’avoir des jumeaux et dont le logement est devenu trop exigu au regard de la loi, se bat pour ne pas être expulsée. « Une femme seule a plus de difficultés à se faire entendre », explique encore Valérie Constantini. Elles sont des cibles faciles pour des propriétaires peu enclins à leur faciliter la vie. « Certains gardent un double des clés et débarquent chez elles même la nuit ! » Un exemple parmi d’autres illustrant leur position de faiblesse.

Constatant ces difficultés et le peu d’implication des femmes dans le DAL commun (« Elles éprouvent un malaise à exprimer leurs problèmes devant des hommes », dit à ce sujet Valérie Constantini), des organisations de soutien ont mis en place ce collectif au féminin. Avec, pour fil rouge, la problématique du logement. Celui-ci n’est que la face émergée de l’iceberg puisque, pour paraphraser une participante, « lorsque l’on tire sur le fil, il y a toute une bobine ».

La force du groupe

La raison d’être du DAL se trouve aussi dans le lien social qu’il crée entre les participantes. Entre ces femmes qui, ensemble, cherchent (et trouvent souvent) des solutions pour sortir de situations qu’elles pensaient inextricables. « Il est important de ne pas rester isolée et d’aller à la rencontre d’autres personnes », explique une participante. Valérie Constantini prend en exemple « le lien émouvant d’amitié tissé entre une prostituée et une jeune algérienne que tout semblait séparer ». Selon elle, « le fait de faciliter la rencontre entre différentes personnes permet de leur redonner confiance en leurs capacités, de légitimer leur combat et leur force. » Les femmes du DAL s’inscrivent bel et bien dans cette conviction promue par Capacitation citoyenne (voir encadré) que « l’échange renforce ».

Chacun a des capacités, mettons-les en action !

Partir du citoyen et explorer ses capacités, les lui révéler et les transmettre aux autres. Voilà en quelques mots la raison d’être de Capacitation citoyenne, une démarche qui, en Belgique, est menée par Periferia[x]2[/x]. Ce mot venu du Brésil et du Sénégal place l’individu et le groupe au centre de la démarche, comme acteur de sa propre transformation et de celle de son environnement. Elle suit « l’idée que, par le collectif, on peut conforter et révéler des compétences ». Capacitation citoyenne apporte des moyens pour se rencontrer, se ressourcer, se confronter, se renforcer. Elle s’adresse particulièrement à un public très isolé et peu habitué à se raconter. Des « cabossés de la vie », glisse Fanny Thirifays (Periferia). La démarche prend dès lors une fonction de « haut-parleur », pour rendre visibles les énergies locales.

Une parole libératrice

« On prend le temps de se raconter, de s’écouter, d’explorer les pistes possibles », racontent les participantes. Elles en sont convaincues, « c’est dans le groupe que chacune va puiser la force de dire et de dénoncer. » La parole, se réjouit Valérie Constantini, « libère et valorise ». Alors, même si elles « n’aiment pas les caméras », ces femmes jugent leur situation trop préoccupante pour ne pas être dénoncée. Le témoignage est devenu central dans leur lutte. Il est « une force pour se faire entendre ». Des dirigeants politiques, notamment. « C’est difficile de faire changer les choses, mais petit à petit on y arrive », se réjouissent-elles.

Ce combat, elles le portent désormais sur la place publique. Récemment, le collectif a rédigé un livret rendant compte de son expérience, suivant la démarche de capacitation citoyenne. La rédaction s’est avérée primordiale puisqu’elle a permis de « prendre le temps, de s’arrêter, de jeter un œil sur le chemin parcouru et de déterminer les défis que le groupe entend se fixer », détaille Fanny Thirifays pour l’asbl Periferia. « Le livret leur a permis de se raconter », ajoute-t-elle. Et en même temps, de « donner la parole à ceux dont on parle beaucoup mais que l’on entend peu ».

Au-delà du logement

Même si la thématique du logement est l’élément central et fédérateur du DAL, il ne s’y limite pas. D’autres problèmes se dévoilent : la santé et l’emploi pour ne citer que ceux-là. Valérie Constantini ne cache d’ailleurs pas son enthousiasme devant les résultats obtenus jusqu’à présent. Le groupe a en effet aidé une dizaine de mères de famille à retrouver un logement, permettant à certaines de s’inscrire dans une formation en vue de se réinsérer socioprofessionnellement. Cela démontre que la problématique est plus large et que les ramifications et interconnexions sont nombreuses.

Si le collectif estime qu’il est « important de disposer d’un groupe de femmes, il est aussi essentiel de ne pas se déconnecter des luttes communes à tous ceux qui cherchent à améliorer la question du logement ». Pour celles qui en ont trouvé un comme pour les autres, le combat continue. En témoigne l’appel qu’elles lancent en guise de conclusion à leur livret : « Femmes de la région qui vous vous reconnaissez dans ces situations, rejoignez-nous ! Femmes d’autres régions et pays, faites comme nous, mettez-vous ensemble pour revendiquer vos droits ! »

 

En savoir plus

Solidarités nouvelles Charleroi :

 Periferia :

Valentine Van Vyve

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