Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Le cursus d’assistant social passé au crible

L’Agence pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement
supérieur s’est penchée sur le cursus de bachelier assistant social.

14-02-2010 Alter Échos n° 289

L’Agence pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement
supérieur1 s’est penchée sur le cursus de bachelier assistant social. En sortent quelques recommandations et statistiques intéressantes.

L’Agence pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur (AEQUES), comme son nom l’indique, a pour principales missions de planifier entoute indépendance des procédures d’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur en Communauté française – quelles que soient les institutionsconcernées (universités, hautes écoles, écoles supérieures des arts, instituts supérieurs d’architecture, écoles de promotion sociale).L’objectif n’étant pas ici d’accréditer des institutions ou des cursus, ni de faire un classement des institutions, mais bien d’améliorer progressivement lespratiques d’enseignement en mettant en évidence les bonnes pratiques, les insuffisances et les problèmes à résoudre et en suscitant des propositions à adresser auxresponsables politiques. C’est ce qui a été fait l’année dernière pour le cursus “Bachelier assistant social”.

L’exercice a été mis en place au début de l’année académique 2007-2008 avec le lancement de la phase d’évaluation interne. Sur la basede l’année de référence statistique 2006-2007, les dix hautes écoles offrant ce programme d’études ont rédigé un rapportd’autoévaluation qu’elles ont remis au comité d’experts désignés par l’Agence. Ceux-ci ont ensuite entrepris des visites dans chacune des dixhautes écoles entre février et juin 2009 et en ont sorti des évaluations externes synthétisées dans un rapport transversal transmis avec un rapportfinal2 au ministre compétent, en l’occurrence Jean-Claude Marcourt (PS). À noter qu’un travail est actuellement en cours sur l’élaboration d’unréférentiel de compétences pour le métier et la formation d’assistant social. Il devrait permettre d’harmoniser davantage la formation d’assistant social et lamission attribuée au travail social, en fonction de l’évolution de la société et des demandes des secteurs professionnels. Nous y reviendrons une fois le travailfinalisé.

Quelques chiffres

Le bachelier assistant social en Belgique est une formation de premier cycle et comprend trois années d’études (180 ECTS ou European Credits Transfer System). L’assistant social estun professionnel du service social et de l’action sociale dont le titre est protégé par la loi du 12 juin 1945. En Communauté francaise, la formation d’assistant social estrégie par le décret du 2 juin 2006. La description générale de la profession et du profil du diplôme utilisée dans les établissements est issue de lafiche d’études de la formation Bachelier « assistant social » produite par le Conseil supérieur social.

Chaque année, en Belgique, environ 2 700 nouveaux diplômés obtiennent le titre d’AS. 15 % d’entre eux n’entrent pas directement sur le marché dutravail parce qu’ils entreprennent une nouvelle formation, souvent à l’université. La création des masters en Flandre et en Communauté francaise devraitprobablement modifier cette tendance. Parmi ces jeunes diplômés, une grande majorité commence à travailler dans des services intégrés ou subsidiés parl’État belge fédéral : la police fédérale et surtout la police communale, l’Onem, des différents services publics tels que la justice, lasécurité sociale, etc.

Les prisons et les maisons de justice emploient, à elles seules, environ 1 000 assistants sociaux (équivalent temps plein – ETP), dont 50 % de francophones. D’autres secteursimportants pour l’emploi sont également les CPAS avec plus de 8 000 assistants sociaux (ETP) en Belgique, le secteur de la santé et de la santé mentale, la protection de lajeunesse, les PMS, les services pour les personnes touchées par un handicap, l’aide et la protection de la jeunesse, l’aide sociale aux détenus en vue de leurréinsertion sociale et l’aide aux victimes, les services pour les sans-abri, le travail communautaire, le travail socioculturel, etc. Au total, environ 40 000 personnes (ETP) travaillentpour le moment en Belgique comme AS. Certains tendent à penser que, dans dix ans, le besoin en assistants sociaux augmentera à hauteur de 32 % dans les secteurs de la santé, del’action sociale et des services sociaux. D’autre part, le départ en pension d’un grand nombre de travailleurs sociaux dans les CPAS et la féminisation de laprofession pourraient créer un manque dans les prochaines années. Et les experts de citer l’exemple du Royaume Uni, qui souffre actuellement d’une pénurie de 54 000assistants sociaux.

En moyenne, parmi les étudiants inscrits en première année du bachelier assistant social, 75 % sont des étudiants dits de première génération,c’est-à-dire inscrits pour la première fois dans un établissement d’enseignement supérieur. Le taux de réussite en première année varie,selon les établissements, de 40 à 63 %.

Source : Evaluation du cursus « Bachelier assistant social », Rapport transversal, octobre 2009.

Les atouts et les faiblesses

Parmi les éléments positifs relevés par les experts, quatre éléments ont retenu plus particulièrement leur attention :

• le très large éventail de débouchés auquel peut mener la formation d’assistant social et la grande diversification du travail social ;
• la cohérence entre, d’une part, les programmes proposés par les établissements d’enseignement et, d’autre part, les évolutions sociétalesainsi que celles de la profession des travailleurs sociaux. De même, l’articulation théorie/pratique professionnelle intégrée dans les programmes d’enseignementpermet une formation en adéquation avec les réalités de terrain ;
• la collaboration inter-réseaux pour réfléchir au référentiel commun de compétences ;
• le dynamisme, l’investissement et la disponibilité des personnels sont soulignés par les experts.

En ce qui concerne les faiblesses, au-delà des recommandations relativement convenues comme un effort à fournir sur l’apprentissage des langues étrangères,histoire de faciliter la mobilité voulue par la réforme de Bologne, il en est d’autres plus substantielles :

« Dans l’élaboration des programmes (et sur la base de la grille horaire), une tendance générale à multiplier le nombre de “petits cours” (2ECTS3 ou moins). » Ce morcellement engendre, selon les experts, un obstac
le à la promotion de la réussite. En dépit de la perception de volonté de mettre enœuvre les objectifs de la réforme de Bologne, les experts constatent également une sous-exploitation des outils de cette dernière (exemples : difficulté de mesurerla charge de travail des étudiants, méconnaissance des potentialités des ECTS, du Cadre européen de certification, du Cadre de certifications en Communautéfrançaise, etc.). Les experts notent aussi la quasi-inexistence d’outils de gestion de la qualité dans les entités et/ou institutions (exemples : faible informationdisponible sur l’insertion professionnelle des anciens étudiants, absence de politique explicite en matière de gestion des ressources humaines).

On notera que si l’absence de démarche qualité est pointée du doigt dans le rapport, rien n’est dit dans les recommandations sur la nécessitéd’un financement pour y parvenir. Au vu du définancement actuel de l’enseignement supérieur, d’aucuns dans les hautes écoles voient dans ce souhait un vœupieux.

Enfin, les experts pointent le risque potentiel de déqualification de la formation d’assistant social. “Pour que la formation d’assistant social puisse continuer à êtrevalorisée, les établissements doivent mettre en place des dispositifs chargés d’assurer le maintien de la formation au niveau attendu par le Cadre européen decertifications (niveau 6). Dans le cadre de la restructuration de l’enseignement supérieur (Bac-Master), les bacheliers professionnalisants courent le risque de voir leur propre profils’estomper dans un paysage académique et professionnel vaste. L’enfermement de la plupart des établissements de formation dans un réseau linguistique francophone freine uneinternationalisation qui pourrait être bénéfique à différents niveaux pour l’ensemble des acteurs de la formation.”

La formation d’assistant social en Europe et outre-Atlantique

Il y a, en 2009, approximativement 500 formations “Bachelier en travail social” (“social work” et/ou “social care”) en Europe : les 3/5e de cesformations sont organisées dans des institutions qui ont le statut d’université et 2/5e le sont dans des établissements semblables aux hautes écoles. Oncompte en 2009 aussi approximativement 200 formations de master en travail social, dont une trentaine proposée dans des établissements de type “hautes écoles”. EnCommunauté française, cinq hautes écoles offrent un programme de Master en ingénierie et action sociale.

Dans la plupart des pays européens, la formation de bachelier dure trois années. On observe une tendance actuelle à étendre la durée des études par lacréation d’un master en travail social et/ou d’une année de spécialisation au sein du ou après le bachelier.

Ces vingt dernières années ont vu la plupart des programmes (Bachelier ou Master) se développer au sein des universités. Les États-Unis et le Canada comptaient,en 2009, 498 formations accréditées de “Bachelier en travail social” et 204 formations accréditées de “Master en travail social”, toutesproposées au niveau des universités. Par ailleurs, il existe de plus en plus de formations en travail social qui se situent au niveau 5 du Cadre européen des certifications.C’est le cas en Flandre, en Suisse, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Canada, etc.

1. AEQUES :
– adresse : rue Adolphe Lavallée, 1 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 690 88 09
– site : www.aeques.be

2. Évaluation du cursus « Bachelier assistant social » – Rapport transversal, octobre 2009. Le rapport final (de 2 pages) est disponible sur le site : http://www.aeqes.be
3. European Credits Transfer System.

catherinem

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)