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« Caravane 55 » : lutte d’une ville contre la politique d’expulsion des Roms

Alors que l’actualité nous rappelle que l’accueil et le traitement des migrants, a fortiori celui des Roms dont il est ici question – en situation régulièreou non – ne sont pas nécessairement en bonne entente avec les droits humains, c’est par le moyen du documentaire que deux cinéastes françaises, Anna Pitoun etValérie Mitteaux, dans « Caravane 55 », interrogent la politique d’accueil et d’expulsion de l’Hexagone1. Davantage encore, elles ont choisi de filmerl’engagement qu’habitants et élus locaux ont su concrétiser pour résister à certaines décisions politiques perçues comme iniques – parcequ’elles refusaient de tenir compte des discriminations et du racisme endémiques que subissent les populations Roms: en Roumanie d’abord; parce que « tout enfant, quelle que soitsa situation juridique, a le droit de bénéficier d’une scolarité » ensuite.

02-08-2005 Alter Échos n° 191

Alors que l’actualité nous rappelle que l’accueil et le traitement des migrants, a fortiori celui des Roms dont il est ici question – en situation régulièreou non – ne sont pas nécessairement en bonne entente avec les droits humains, c’est par le moyen du documentaire que deux cinéastes françaises, Anna Pitoun etValérie Mitteaux, dans « Caravane 55 », interrogent la politique d’accueil et d’expulsion de l’Hexagone1. Davantage encore, elles ont choisi de filmerl’engagement qu’habitants et élus locaux ont su concrétiser pour résister à certaines décisions politiques perçues comme iniques – parcequ’elles refusaient de tenir compte des discriminations et du racisme endémiques que subissent les populations Roms: en Roumanie d’abord; parce que « tout enfant, quelle que soitsa situation juridique, a le droit de bénéficier d’une scolarité » ensuite.

« Caravane 55 » a été réalisé en 2003, sur le territoire de la municipalité d’Achères, petite ville des Yvelines dans la régiond’Île-de-France. « C’est auprès des 30 familles Roms installées depuis deux ans dans cette commune que les réalisatrices vont suivre le parcours del’une d’entre elles : Salcuta, une jeune veuve de 29 ans et ses deux enfants de 12 et 10 ans », expliquent les auteures. Au départ, le tournage faisait l’objetd’une commande venant d’associations humanitaires – Médecins du Monde et l’Association pour l’accueil des Gens du voyage. But premier : réaliser undocumentaire pédagogique à destination des Roms concernant leur accès à l’éducation scolaire.

Une commande détournée …

Et la ville de créer une solidarité en actes autour de cette communauté particulièrement précarisée : scolarisation d’enfants, prise en chargemédicale si nécessaire, lien sociaux tissés. Tout bascule suite aux décisions du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Dès 2003 en effet «Sarko » veut « nettoyer » la Région parisienne de ses Roms de Roumanie en situation irrégulière : il faut renvoyer les « irréguliers »d’où ils viennent. Les Roms, établis en périphérie sur un terrain vague depuis 2001, dans des caravanes insalubres, tombent sous le coup d’une expulsion sur labase d’un « arrêté préfectoral », pour cause sanitaire. Leur relogement ainsi que la scolarité des jeunes n’entrent aucunement en compte, bien quela plupart aient remis une demande de séjour, qui fait d’eux des personnes en situation régulière provisoire. Le documentaire prévu au départ ne sera jamaisachevé. Le film se joue alors sur un autre plan.

« Exercice de résistance »

À l’annonce de l’expulsion imminente, situation intolérable aux yeux tant des habitants que des élus locaux (la mairie est communiste), se tiennentréunions, débats, etc. Un choix est fait : il faut se mobiliser et aider les Roms à rester, ou en tout cas à obtenir un toit pour les familles et une scolarité pourles enfants. Les cinéastes embrayent, malgré le tour inattendu pris par les événements : « Nous décidons de rester, racontent-elles en voix off, pour filmerl’exercice de résistance auquel va se livrer cette ville ». La nuit précédant l’expulsion, les Roms restent éveillés. Aux aurores, élus ethabitants du collectif de soutien des Roms d’Achères font barrage aux forces de l’ordre. En vain. Les Roms sont rassemblés, leur communauté est éclatéedans divers foyers d’accueil des environs. Les caravanes seront détruites au bord d’une nationale. Certains Roms ont fui, pour revenir une semaine plus tard dans la ville, nesachant où aller. La salle paroissiale leur est ouverte. Certaines familles partiront
« tenter leur chance dans un autre département ou un autre pays d’Europe ».

Où il est quand même question d’école …

Salcuta, elle, refuse de partir. Elle prend à bras-le-corps le pari de l’intégration : elle apprend à lire et écrire en cours d’alpha, veille à ceque ses enfants aillent à l’école chaque jour. Pourtant, parallèlement aux expulsions, une traque est lancée : la police – au contraire de ce que permet lalégislation belge par exemple – recherche des enfants Roms dans l’enceinte même de l’école municipale … La police vient à midi dans lacantine. De triste mémoire… On n’aurait pas cru cette situation encore possible… L’institutrice cache les enfants Roms. Enfin, comme en réponse aux politiquessécuritaires, la municipalité achète deux caravanes neuves pour deux des familles Roms, leur amène le courant et l’eau. En attendant d’obtenir un budget pouracheter des chalets plus grands.

« Il ne s’agit pas de s’émouvoir ni de compatir, il s’agit de comprendre et d’espérer. Caravane 55 est un documentaire sur la frontière entrelégalité et légitimité. C’est le « bon sens » du droit de toute une population et l’injustice ressentie qui la font se dresser contrel’implacabilité des lois », concluent les cinéastes.

Caravane Films, rue Victor Massé 23, à 75009 Paris, tél. : 00 33 (0)1 42 80 37 24 – contact@caravanefilms.org – ou via la Médiathèque (Passage 44), cote de location : TI 2311

Olivier Bailly

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