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« Capacitation citoyenne » : échanges transfrontaliers et rencontres d’associations

Les 19 et 20 mai s’est déroulée à Mons la rencontre annuelle du réseau « Capacitation citoyenne ». Deux journées au cours desquelles se sontrassemblés une série d’associations et collectifs de France et de Belgique, soutenus par « arpenteurs »1 et Periferia 2.

02-06-2006 Alter Échos n° 209

Les 19 et 20 mai s’est déroulée à Mons la rencontre annuelle du réseau « Capacitation citoyenne ». Deux journées au cours desquelles se sontrassemblés une série d’associations et collectifs de France et de Belgique, soutenus par « arpenteurs »1 et Periferia 2.

Ces deux structures sont actives depuis une dizaine d’années dans l’accompagnement d’actions collectives de citoyens. Ce « collectif de collectifs » doitentre autres sa pérennité au financement de la Région wallonne, du Nord-Pas-de-Calais ainsi qe d’Interreg III, projet européen du Feder qui promeut la «coopération transfrontalière et le développement équilibré du territoire ».

« Work in progress »

Une telle rencontre peut d’emblée étonner : qu’est-ce qui rapproche ces groupes ? Tout d’abord le souci de se rencontrer et de faire connaître leurs actionsmutuelles. Apprendre des un(e)s et des autres, faire trace, construire ensemble une autre lecture ainsi qu’une autre pratique des relations entre eux, les institutions publiques et lesmandataires politiques. Un « work in progress ». Où il importe également, estime Pierre Mahey pour « arpenteurs », de ne pas se replier « entre soi ».Capacitation citoyenne est régulièrement rejoint par d’autres groupes, contactés par Periferia ou « arpenteurs ». En outre, à l’occasion de la rencontre de 2005ayant eu lieu à Roubaix, des personnes avaient souhaité partager leurs projets avec des élus. La ministre Christiane Vienne (PS) – ministre wallonne de la Santé, del’Action sociale et de l’Égalité des chances – avait ainsi fait le déplacement le vendredi après-midi avec ses collaborateurs pour écouter etdébattre des perspectives de la démocratie participative vers laquelle tendent ces collectifs.

Ensuite, pour appréhender ces entités diverses, on peut dire qu’ils visent à mettre « en capacité » des personnes, des habitants. D’oùl’enjeu d’entendre le néologisme « capacitation citoyenne » comme le fait, pour des citoyens, de « comprendre les raisons de leur situation et de pouvoir mieuxagir dessus avec d’autres citoyens ». À ce jour, une bonne quarantaine de collectifs constituent le « réseau ». Si le profil des acteurs du « réseau» est fort varié – associations d’insertion socioprofessionnelle ou socioculturelle, comités d’habitants, associations de jeunes, de femmes, de sans-abri, outroupe de théâtre engagé, élus ou anciens élus –, tous, bénévoles ou travailleurs, à partir de leur quartier, de leurs secteurs ont choiside se présenter comme acteurs de leur vie et de leur environnement social, urbanistique, culturel et … politique. Chaque structure qui entre en scène dans « capacitation» travaille d’abord à la rédaction d’un livret qui fait trace et rend compte des étapes et des acquis des projets menés : « quarante livrets, cinquantecollectifs, des centaines de personnes ont donc construit un lien plus ou moins étroit avec capacitation citoyenne »3.

Produire une parole

Des acteurs mobilisés sur leur capacité à produire un regard, une parole, du lien social – « On est là pour construire des ponts, pas des murs »,explique Georgio Molossi, un aîné de « Ensemble notre quartier », pour « La Boissière », vaste quartier enclavé en bordure de Montreuil(Seine-Saint-Denis). Comment y arriver ? En interpellant leurs institutions et les élus qui les chapeautent, en prenant part aux aménagements du quartier, à la rencontre entrecultures, entre générations.

Sur l’enjeu de l’aménagement et de la revitalisation urbanistique, par exemple, « Regards d’habitants », basé à Grande-Synthe (àcôté de Dunkerque), « s’est fixé comme finalité de faire reconnaître le pouvoir citoyen de chacune et chacun (…), par l’améliorationdu cadre de vie, par l’implication des habitants dans les projets qui les concernent aujourd’hui et demain et, enfin, par le mieux vivre ensemble », note Michel Joncquel, membrefondateur et ancien élu socialiste, convaincu de l’urgence de transformer la conscience politique.

Que transmettre ?

Autant d’actions qui veulent essaimer, échanger pour apprendre des autres, « faire trace », interpeller et faire débat. Transmettre aussi, un peu à lafaçon du collectif « Elle m’a dit », mis en place à Dunkerque par l’association AJS. Au sein du projet, un groupe de femmes a réfléchi etcréé deux années durant. Puis elles ont exposé leurs œuvres au Musée d’art contemporain de la ville, au départ de la question «Qu’est-ce que je veux transmettre d’essentiel ? ».

Collectifs-politique : « évaluer la distance qui nous sépare … »

Construire une « culture de la participation », reviendrait à produire une parole et une relation à soi et à la société dont les actions,s’appuyant sur une « solidarité chaude », seraient les résultats tangibles. Or il importe que les élus « voient les énergies présentes etnos capacités à nous organiser, mais aussi qu’ils comprennent sur quoi on butte. Car ce qui empêche le plus d’avancer, développe Pierre Mahey, c’estqu’on n’a pas assez d’espaces de débat et d’échange. »

La ministre Vienne, tout en reconnaissant son intérêt pour Capacitation, pointe « l’impression qu’une nébuleuse existe entre le monde politique belge et lescitoyens. En principe, poursuit-elle didactiquement, les élections sont là pour servir de courroie de transmission, mais ce n’est pas suffisant et ça ne marche pas. »En sorte que, pour ses services « être à l’écoute de la parole des usagers et de leurs représentants est devenu un gros enjeu ». Mais elle tient à« être claire » : étant à la tête d’un exécutif, elle est là pour « appliquer une feuille de route » et s’y tenir. GeorgioMolossi de Montreuil, d’accord sur le principe de la « feuille de route », estime « qu’une manière de reconnaître ce qui se fait ici et ailleurs, ce serait,par exemple, d’établir la feuille de route après avoir fait remonter ce que nous vivons les uns et les autres ». Christiane Vienne se dit réceptive auxinterpellations des usagers, se démarquant de la classe politique française, fort distante voire élitiste. Pour autant, elle souligne que lors de ses rencontres avec lesreprésentants des usagers ou les représentants patronaux, elle entend une « parole pleine de contradictions, qui pose le problème de la représentativité», jugeant « démagos ceux qui font croire que tout ce qui sera exprimé sera pris en compte ». « Parce qu’à un moment donné, il faut faire sonaustère devoir, qui consiste à arbitrer et poser la définition du bien collectif », achève-t-elle.

Prendre du temps …

Au Relais social de Charleroi, on connaît la ministre et l’on reconnaît l’intérêt des « budgets participatifs » que son service finance. Denis Uvier, duRelais, insiste toutefois auprès de la ministre pour permettre aux travailleurs de continuer à « prendre du temps avec les gens que la vie a démolis ». « Parceque si les budgets sont finis après six mois parce qu’on doit faire des résultats, ce sera la catastrophe ! Avec ces gens-là, il faut parfois travailler plusieursannées. » Pour la ministre, « il y a de la place pour tout le monde, mais pas avec le même schéma de vie, donc la question du temps se pose ici autrement ».

1. Arpenteurs, place des Écrins 9 à 38 600 Fontaine – France – tél. : +33 (0)4 76 53 19 29 –contact@arpenteurs.fr
2. Periferia aisbl, rue de Londres, 18 à 1050 Bruxelles – tél. : 02 544 07 93 – periferia@skynet.be

3. L’ensemble des livrets est téléchargeable à partir du site.

Olivier Bailly

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