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Regard critique · Justice sociale

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""La fin de l'École ?", un ouvrage polémique sur l'instillation de l'esprit d'entreprise dans le mond"

23-10-2000 Alter Échos n° 84

La fin de l’École1, ouvrage critique et polémique, propose, par un retour sur l’histoire scolaire, de réfléchir sur les effets de “l’instillation” d’unesprit d’entreprise dans le monde scolaire. Pour Michel Éliard, professeur à l’université de Toulouse-Mirail, la question des discriminations positives, les parcoursindividualisés, la pédagogie adaptée aux différences culturelles ou les socles de compétences procèdent, sous des effets de rhétorique, d’unemême logique de déconstruction des acquis de l’école républicaine. Certes, la Belgique n’est pas la France, mais on retrouvera dans l’argumentation de l’auteur certainesréférences communes dans les débats à propos des réformes et des logiques qui participent, dans tous les pays occidentaux, à la transformation dusystème scolaire depuis une trentaine d’années. L’auteur dénonce l’adaptation de l’école au marché sous couvert d’une harmonisation européenne qui metà mal un système “en particulier à propos de la laïcité”, remettant en cause l’institution scolaire mais aussi, dans le cas français, lesfondements de la république. L’auteur fait le constat que cette pénétration de l’esprit d’entreprise dans l’enseignement passe aujourd’hui par l’introduction des nouvellestechnologies. Aussi, le discours sur les Nouvelles technologies de l’information (NTIC) est relayé au rang de “bazar communicationnel interactif” qui intéresse surtout“les marchands pressés de vendre des ordinateurs, logiciel, CD-Rom, etc.”
Pour asseoir son raisonnement, Michel Éliard développe une argumentation qu’il situe “à l’encontre de la tendance dominante d’une tradition sociologique qui a fortementocculté la dimension historique des processus sociaux pour mettre l’accent sur la performance des structures ou des institutions sociales, l’analyse développée ici prend le partide l’histoire, ce qu’une certaine sociologie de l’École des années 1970 a fortement contribué à obscurcir, à savoir la fonction émancipatrice d’uneinstitution qui a instruit des générations d’enfants d’ouvriers et de paysans, même si elle a longtemps fermé les portes du lycée à l’écrasantemajorité d’entre eux”.
Dans une perspective marxiste, l’auteur pointe, sous un vernis conservateur et nostalgique, certains des enjeux qui traversent le système éducatif, notamment les questions relativesà la qualification. “Elle (la qualification) se mesure par le temps de formation. Son coût correspond au temps de production et de reproduction.” Les employeurs, pourréduire leurs coûts cherchent à réduire le coût de formation de la force de travail, ce qui expliquerait l’intervention croissante du patronat dans ladéfinition des référentiels de formation, “afin de procéder à une adaptation des qualifications au plus près des évolutions de laproduction”.
On assiste alors à un glissement qui substitue des gratifications purement symboliques (dans les appellations notamment, avec l’exemple souvent cité de “technicienne desurface” pour “femme de ménage”) à une véritable amélioration des conditions salariales. “Ce glissement est lié à l’individualisationdes rapports de travail qui tendent à remplacer les règles d’embauche, de classification et de déroulement de carrière fixées par les négociationscollectives.” L’objectif du patronat serait alors de “bousculer le système de reconnaissance collective des qualifications à partir des diplômes pour lui substituerl’individualisation des compétences déterminées par l’employeur”. Dans ce contexte, l’utilisation du terme de compétences relève de “la manipulation delangage, visant à réaliser l’individualisation des salaires, à mettre en cause les contrats collectifs de travail, les négociations et les conventions collectives, afind’abaisser la valeur de la force de travail.” Cette logique revient à substituer l’acquisition de compétences à l’acquisition de véritables qualificationsprofessionnelles sanctionnées par un diplôme négociable sur le marché de l’emploi. Suivant cette évolution, “la relation entre réussite scolaire etréussite professionnelle est de plus en plus mise en cause au profit d’une évaluation des compétences acquises par les adultes”.
En fin d’ouvrage, l’auteur propose plusieurs pistes “pour préserver l’école comme lieu spécifique de transmission du savoir”. Celles-ci visent à recentrer lesefforts du monde scolaire sur l’instruction. Elles passent notamment par :
n la réduction du nombre d’élèves par classe
n la fermeture des écoles aux intervenants extérieurs afin que celles-ci redeviennent des lieux d’instruction
n le recentrage de la formation des instituteurs sur les matières de base plutôt que sur la pédagogie
n le rétablissement des diplômes intermédiaires dans l’enseignement professionnel
n le fait de cesser de s’attaquer aux faux problèmes scolaires pour prendre en compte les problèmes sociaux qui les sous-tendent.
Si l’auteur pointe un enjeu qui a tendance à prendre de plus en plus de poids au sein du système scolaire, on regrettera que les données sur lesquelles il se base ne sont pas detoute première fraîcheur, ce qui tend à déforcer son propos.
1 Michel Éliard, La fin de l’École, Paris, Presse Universitaire de France, Coll. Éducation et Formation, Paris, 2000, 134 p., 575 FB.

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