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L’Entre-temps accompagne des jeunes en rupture de liens sociaux

On se souvient de la grogne à l’Institution publique de protection de la jeunesse de Fraipont. Le 12 février dernier, éducateurs et surveillants de la sectionfermée partent en grève. En cause, la présence d’un jeune qualifié de délinquant mais présentant également des troubles psychiatriques. Soncomportement « imprévisible et violent » déstabilise l’équipe et la met en grandes difficultés. Et le climat est à la perte de patience face auxintentions déclarées, mais non traduites dans les faits, de prévoir des centres d’accueil pour ces jeunes qui relèvent aussi de la santé mentale.
Nous ne reviendrons pas ici, sur les mesures annoncées depuis (voir Alter Éduc n°141). Mais plutôt sur l’Entre-temps1, le service appelé « à la rescousse » par le cabinet de la ministre Fonck. Quel est ce service ? Commentest-il intervenu à l’IPPJ ? Quels sont ses apports à la réflexion sur l’accompagnement de jeunes pour lesquels on peut se sentir parfois dépassé ?Comment s’inscrit-il dans la transversalité entre secteurs ?2

20-04-2007 Alter Échos n° 227

On se souvient de la grogne à l’Institution publique de protection de la jeunesse de Fraipont. Le 12 février dernier, éducateurs et surveillants de la sectionfermée partent en grève. En cause, la présence d’un jeune qualifié de délinquant mais présentant également des troubles psychiatriques. Soncomportement « imprévisible et violent » déstabilise l’équipe et la met en grandes difficultés. Et le climat est à la perte de patience face auxintentions déclarées, mais non traduites dans les faits, de prévoir des centres d’accueil pour ces jeunes qui relèvent aussi de la santé mentale.
Nous ne reviendrons pas ici, sur les mesures annoncées depuis (voir Alter Éduc n°141). Mais plutôt sur l’Entre-temps1, le service appelé « à la rescousse » par le cabinet de la ministre Fonck. Quel est ce service ? Commentest-il intervenu à l’IPPJ ? Quels sont ses apports à la réflexion sur l’accompagnement de jeunes pour lesquels on peut se sentir parfois dépassé ?Comment s’inscrit-il dans la transversalité entre secteurs ?2

L’intervention de l’Entre-temps à l’IPPJ de Fraipont

Pas des intérimaires

Dès l’interpellation du cabinet Fonck, alors que l’équipe de la section fermée est en grève depuis la veille, Marie-Rose Kadjo, directrice etcréatrice de l’Entre-temps, « répond présente à cette demande exceptionnelle ». « Sans hésitation », elle se rend àl’IPPJ de Fraipont, « forte de la crédibilité acquise à la suite de précédentes collaborations ». Au préalable, elle expose formellementses conditions. Pas d’intervention sans que l’institution de Fraipont ne soit partante. Pas d’engagement sans entretiens préalables sur place, fixant le cadre desinterventions de l’Entre-Temps. Et surtout pas question de remplacer les grévistes. « Si nous sommes là, c’est pour être en appui par rapport àl’institution dans son ensemble (…). Personne n’est plus compétent que les équipes en place pour assurer valablement l’encadrement du jeune au sein de soninstitution, même si, dans ces circonstances-là, la présence d’un tiers s’avère nécessaire pour prévenir et désamorcer plus aisémentles risques de nouveaux débordements, ce qui fut, sans conteste, le cas lors de notre intervention. »
« Toutefois, ajoute-t-elle, nous avons dû composer avec la déception affichée par certains grévistes de ne pas voir leurs revendications d’exclure le jeune del’unité et du groupe aboutir dans les accords de cessation de grève conclus entre les représentants syndicaux et les cabinets engagés dans ces négociations.»

Un tiers contre l’exclusion

Cette fonction de tiers, l’Entre-temps la réfléchit, la travaille en permanence. La plaquette de présentation de l’association formule son projet autour de deuxidées phares : « une approche transversale pour accompagner les jeunes en rupture de liens sociaux » et « une structure d’appui travaillant en réseau avec lesjeunes, leurs familles et les institutions d’éducation et de soins ». L’Entre-temps, qui a vu le jour, sous forme d’asbl, en mai 2003, entend lutter contrel’exclusion de certains jeunes par des services qui sont amenés à les prendre en charge. Parce que l’exclusion à répétition, le jeu de ping-pongd’un service à l’autre, d’un secteur à l’autre avec un jeune dont la situation ne s’améliore pas… sont des phénomènes connus, quiinterrogent et qui nécessitent des réponses.

Un projet pensé autour de trois dispositifs

Pour donner corps à ces principes, l’Entre-temps a été pensé à l’origine comme un service décliné en trois dispositifs : un centre dejour, un accueil résidentiel et une équipe volante. Les trois volets sont envisagés comme intersectoriels, mêlant aide à la jeunesse, intégration despersonnes handicapées et santé mentale ; tant au niveau du subventionnement que des prises en charge envisagées.

Chacun des dispositifs répond à une fonction dont le service entendait s’emparer. Être le tiers, médiateur au travers des interventions en ambulatoire. Êtreun lieu d’appui transitoire, un lieu-relais, avec le centre de jour. Être subsidiairement, avec l’hébergement, une possibilité d’accueil d’urgence pourremobiliser les ressources, solutionner temporairement l’exclusion, relancer les prises en charge. Jusqu’à présent, l’histoire en a décidé autrement.Seule l’équipe volante est effective.

Le plus de l’intersection

C’est la situation de l’Entre-temps cofinancé par différents secteurs qui a motivé la demande d’intervention à Fraipont de la part du cabinet en charge del’Aide à la jeunesse. « Il ne s’agissait pas de prendre en charge le jeune mais d’aider l’équipe à trouver les bonnes attitudes, les bonnesapproches », explique Marc Coupez, de la cellule Aide à la jeunesse.

Pour le cabinet, l’expérience acquise par l’Entre-temps des symptômes, et des difficultés rencontrées par des jeunes « à la frontière» de différentes prises en charge, ainsi que l’habitude de collaborer avec des équipes de différents horizons ont facilité le dialogue entre hôpitalpsychiatrique et équipe de l’IPPJ.

Un bilan contrasté

L’Entre-temps s’est en effet engagé à Fraipont à appuyer l’équipe lors de la reprise du travail, jusqu’au départ du jeune. Pour leservice, son offre n’était en rien une obligation, « les équipes psychosociale et de surveillants pouvaient compter sur nous, nous étions à leur disposition». Et Marie-Rose Kadjo d’évoquer une forme de « présence un peu gratuite, bienveillante et soutenante, susceptible de les épauler, ou pour le moins, defavoriser le retour d’un climat plus serein ».
« Nous n’avons pas posé d’actes techniques plus spécialisés qu’eux, poursuit-elle. Mais notre présence a permis à certains jeunes de poserdes questions et d’exprimer leurs sentiments par rapport aux évènements et au contexte, exceptionnels et déconcertants pour eux… »

Les échos du côté des éducateurs de l’IPPJ ne vont pas dans la même direction. Question d’objectifs apparemment. « Notre souhait étaitd’être soulagé par rapport à la prise en charge du jeune », rappelle un membre de l’équipe. Dans les faits, après huit jours de grève, lejeune incriminé restera encore une semaine au sein de la section fermée de l’IPPJ avant d’être transféré vers l’unité Karibu del’hôpital psychiatrique Titeca ; une semaine durant laquelle l’Entre-temps est présent dans la section. Les attentes des éducateurs ne sont alors pasrencontrées; l’intervention n’a pas été très concluante, estiment certains représentants syndicaux ; elle n’a pas été vécuecomme une aide à la prise en charge du jeune. Au contraire, le jeune se serait senti « renforcé dans ses délires ». Si la situation devait se reproduire, la vigilanceserait de rigueur quant au sens de l’intervention extérieure. Celle de personnes qui assumeront une prise en charge individuelle. Celle qui sortira le jeune du groupe.

Quelques mots sur le service Entre-temps

Des jeunes dans l’impasse

L’intervention à Fraipont est évidemment exceptionnelle pour l’Entre-temps, qui n’a rien d’un Zorro de tous les blocages institutionnels. Quelle est samission principale ? Accompagner des jeunes qui « au moment de la demande, font ou ont fait l’objet de prises en charge multiples, qui se sont prolongées parfois au-delà dunécessaire, notamment pour des hospitalisations psychiatriques, explique Marie-Rose Kadjo. Chacun des acteurs se sent finalement impuissant. Nous mettons toutes les ressources en commun pourtrouver ensemble une solution permettant au jeune de sortir de l’impasse ». En 2006, l’Entre-temps intervenait pour une trentaine de jeunes. Pour la plupart, l’équipeest intervenue à la demande d’autorités mandantes ou d’institutions spécialisées. Et ce, Autres secteurs confondus, parfois même conjointement parplusieurs secteurs. Toutes régions et tous arrondissement confondus.

Schématiquement, explique Marie-Rose Kadjo, l’Entre-temps se situe « là où ça échappe ». L’équipe précise qu’elle n’a pas deréponses miracles. « On ne sait pas non plus, mais on va réfléchir ensemble », avance-t-elle d’emblée. Forte de sa position de tiers, elle propose uncheminement dans la réflexion, et l’élaboration d’un protocole.

Le jeune partenaire du processus d’intervention

Si le jeune est d’entrée de jeu placé au centre, l’Entre-temps ne peut agir que si « les autres restent en jeu, autour du jeune et avec lui », précisel’équipe. « Si les autres intervenants disparaissent, nous nous retrouvons à leur place et ça ne peut pas fonctionner. Le rôle de l’Entre-tempsn’est pas de compléter la liste des intervenants successifs, mais bien d’accompagner les personnes impliquées (jeune, institution, famille, services, intervenants divers…)et de questionner ce moment de rupture, pour que les institutions gardent leurs positions structurantes et qu’une solution constructive pour le jeune se dégage. »

L’entrée en matière des intervenants de l’Entre-temps sous-tend, en effet, une dynamique qui part du jeune et propose de « travailler l’inquiétude despartenaires – familles et professionnels ». Permettre au jeune d’exprimer librement son point de vue, c’est ouvrir la porte à sa mobilisation. La démarche peut,à première vue, être désarçonnante pour le jeune, qui n’a pas l’habitude de disposer de cette liberté de réponse. Mais l’Entre-tempsest convaincu que cette approche donne une nouvelle compréhension de la situation, une nouvelle clé. Le service ne propose pas des projets « standardisés », avec desétapes de développement prescrites. Une créativité bien ancrée dans le concret doit être au rendez-vous.

L’avenir de l’Entre-temps

Cas d’école interministériel

Les intentions intersectorielles de l’Entre-temps sont fortes ; elles sont l’essence même du projet. Cependant la mise en musique a fait l’effet d’unédulcorant sur l’élan premier. La reconnaissance transversale par les organismes publics et le subventionnement n’ont rien du long fleuve tranquille. Le processus estd’ailleurs toujours en cours, à coup de force de conviction et de temps consacré à tenter de persuader.

Le projet de l’Entre-temps requiert, en effet, le décloisonnement au niveau des instances administratives et politiques. Or, l’agrément conjoint d’un mêmedispositif par des politiques différentes n’est pas monnaie courante. La question des « cases transversales », cases budgétaires, cases de compétences, se poseavec acuité au travers de l’objet social de l’Entre-temps. À la question du cadre s’ajoute aussi celle de la permanence de ce type d’initiatives. Car ces «cases transversales » quand elles existent, portent sur des projets temporaires.

Actuellement, outre l’agrément comme service d’aide à l’intégration (SAI) du côté de l’Awiph, le service reçoit un soutien de laministre wallonne en charge de la Santé, cellule handicap et cellule santé mentale. Il est devenu projet pilote du côté de l’Aide à la jeunesse.L’Entre-temps entre également dans une ligne budgétaire bruxelloise comme initiative expérimentale dans le secteur du handicap.

Un terrain précaire que l’ « inter »

La spécialisation des travailleurs, des équipes et des secteurs, engendre une tendance à cataloguer des jeunes pourtant polysymptomatiques. Il y aurait dès lors despasserelles à nécessairement établir, estime Marc Coupez, du cabinet de la ministre Fonck. A cet égard, l’Entre-temps continue de s’avancer vers un cadreconcerté entre secteurs, entre régions et entités politiques également. Une gageure ! Ce ne sont en effet pas les mesures avancées en réponse au mouvement degrève de l’IPPJ qui changeront la donne. On aurait pu croire que derrière les dispositifs énoncés dans le suivi psychiatrique des jeunes délinquants, telsqu’une équipe mobile, se profilerait l’Entre-temps. Ce n’est pas le cas. En termes d’équipe mobile, il s’agira plutôt de prises en charge ambulatoires audépart d’unités psychiatriques. De son côté, l’Entre-temps reste projet pilote face aux affres de l’articulation. Le cabinet Fonck explique cependant quele comité d’accompagnement autour du service se penche sur les hypothèses de pérennisation, dans le souhait d’un « lendemain structurel » pour leservice.

1. L’Entre-temps asbl. À Bruxelles : av. Ducpétiaux, 132 à 1060 Bruxelles – tél. : 02 346 77 30. En Région wallonne, place de la Gare, 1à 1420 Braine-l’Alleud – tél. : 02 385 15 68 – courriel : contact@lentretemps.be.
2. L’Agence Alter a réalisé, fin 2006, un cahier Labiso sur le service : cahier n° 69-70L’Entre-temps traverse les secteurs, les régions, pour accompagner des jeunes en rupture de liens sociaux. Téléchargeable ou lisible sur le site :

Catherine Daloze

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