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"L'exclusion bancaire toucherait au moins 40.000 personnes en Belgique : enquête"

28-01-2002 Alter Échos n° 112

Sur demande de Charles Picqué, ministre fédéral de l’économie1, le Réseau financement alternatif 2 a mené une étude entre autres 3 sur l’exclusionbancaire en Belgique. Résultats : « 60 % des CPAS et des services sociaux belges ont eu à connaître des situations dans lesquelles des personnes ont rencontré desdifficultés (y compris des difficultés résolues ultérieurement) pour disposer d’un compte en banque et/ou pour effectuer des opérations bancaires de base(dépôt et retrait d’argent, virement, ordre permanent, encaissement de chèques, réception d’extraits de compte), annonce l’enquête. Qu’elle se traduise par uneabsence de compte en banque ou par l’impossibilité d’en utiliser un, l’exclusion bancaire touche aujourd’hui en Belgique une population que l’on peut raisonnablement estimer à plusieursdizaines de milliers de personnes avec un seuil minimum de 40.000 personnes ».
Profil de l’exclu bancaire : revenus faibles, peu scolarisé, population en âge d’être active, le plus souvent minimexé ou chômeur. Plus inquiétant,l’enquête annonce que le nombre de cas d’exclusion est en forte croissance depuis 1996.
Que font les banques ?
Le 20 décembre 1996, le Comité de direction de l’Association belge des banques 4 a adopté une « Charte relative au service bancaire de base » : « Le principe du service debase n’est valable que pour le compte à vue d’un client particulier. Les trois opérations de base qui y sont liées sont : les virements, les dépôts et les retraitsainsi que l’obtention des extraits. La banque doit veiller à ce que les opérations de base visées restent accessibles à quiconque possède un domicile légalen Belgique. La banque qui a souscrit à la Charte s’engage à garantir ce service bancaire de base « .
Aujourd’hui, la plupart des banques belges ont souscrit à la charte, et pourtant… « La charte de l’Association belge des banques est un échec, dénonce le Réseaufinancement alternatif. Cette charte, non seulement n’a pas empêché l’émergence de ces situations d’exclusion bancaire, mais elle n’en a que rarementpermis la résolution dans le respect des principes qu’elle défend. Enfin le contrôle de son application par l’ombudsman de l’ABB s’est quant à luirévélé marginal. C’est ainsi que durant le second semestre 2000, il a traité 4 cas d’exclusion bancaire contre 3.624 pour les CPAS. et autres services sociauxdu pays durant toute l’année », précise l’étude du réseau FA.
À l’ABB, on n’aime pas trop le terme « exclusion bancaire ». « L’étude parle de gens qui ont un problème pour ouvrir un compte, tient à préciser Ilse Van Rompaey,porte-parole de l’ABB. Concernant l’exclusion bancaire, depuis 1997, l’ombudsman a eu à traiter de 40 plaintes… alors ou il n’y a pas de problème, soit les acteurs de premièreligne (CPAS) ont mal promu la charte. La deuxième hypothèse est la nôtre. Aujourd’hui, nous restons convaincus de l’utilité et de la justesse de cette charte. Nous pensonsqu’il faut juste la rendre contraignante et lui donner force de loi. Ce qui n’est pas le cas actuellement. » À moins que, comme le dénoncent certaines associations et syndicats, cemédiateur ne soit pas assez indépendant ?
Comment les pouvoirs publics prennent-ils leurs responsabilités ?
Plusieurs proposition de loi sont actuellement sur la table au Parlement 5. Celle de la députée PS Karine Lallieux 6 a fait récemment l’objet d’un tour de table en Commissionéconomique. « Une rapporteuse a été désignée, explique Karine Lalieux. Nous allons maintenant procéder à des auditions, entre autres de l’ABB et duRéseau Financement Alternatif. Notre proposition vise à instaurer un service universel bancaire et surtout à ce qu’il n’y ait ni création d’une banque des pauvres (Banquede la Poste…), ni de stigmatisation d’une population (les minimexés,…), contrairement à la proposition déposée au Sénat par le PRL sur l’instauration de »comptes sociaux » (ndlr. deux sénateurs PS ont également déposé une proposition de loi dans ce sens…).
Ces projets législatifs laissent pour l’instant l’ABB sceptique. « Nous avons toujours été réticents à l’instauration de nouvelles lois, explique Ilse Van Rompaey.Nous considérons que la Charte de base comprend déjà le service universel, pourquoi ne pas simplement faire passer ce texte en loi et de prévoir uneréévaluation de la charte par le Conseil à la consommation ? » En 1999, le conseil avait déjà émis un avis qui ne semble pas correspondre à laréalité présentée par l’étude du Réseau Financement Alternatif. Les réalités sont à ce point perçues différemment qu’onserait en droit de se demander si on parle toujours de la même chose ?
1. Cabinet Picqué – 02 506 57 53.
2. Réseau Financement Alternatif – 081 71 15 71 – Philippe Piette – étude complète sur http://www.reseau-alterfinance.org/framequoineuf.htm
3. L’étude a une vocation plus large que de s’intéresser à l’exclusion bancaire. Dans un second temps, la possibilité d’intégrer dans le droit national lesdispositions de la loi américaine dite « Community Reinvestment Act », loi qui oblige les banques à fournir des informations sur leurs investissements et, plus particulièrement,sur l’impact social de ces investissements, sera examinée. Enfin, la notion de « droit au crédit » et faire des propositions sur les principes d’un tel droit, qui ne seraitpas individuel mais collectif sera examinée. Deadline mai 2002.
4. ABB- BVB – Ilse Van Rompaey, porte-parole de l’ABB – 02 507 68 72 – iv@abb-bvb.- http://www.abb-bvb.be
5. Voir sur le site web de la Chambre – http://www.lachambre.be
6. Karine Lallieux, députée PS – karine.lallieux@lachambre.be

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