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Regard critique · Justice sociale

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Interview de Jean-François Gerkens, accompagnateur syndical

03-05-2007 Alter Échos n° 228

Comment voyez-vous votre rôle d’accompagnateur et comment pensez-vous qu’il est perçu par les chômeurs eux-mêmes ?

Je le vois comme un facilitateur entre tous les acteurs qui gravitent autour du demandeur d’emploi. En effet, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans lescompétences et rôles des uns et des autres. De plus, la communication entre les services est quasiment nulle. Donc, nous servons parfois de relais entre un organisme et un autre.

Nous servons également de rempart contre les abus de l’Onem. En effet, nous connaissons la législation et pouvons donc intervenir afin que l’Onem reste dans le cadrelégal, nous avons un certain pouvoir d’influence. Nous agissons aussi comme facilitateur (c’est paradoxal, non ?) entre le demandeur d’emploi et l’Onem. Ils nes’adaptent pas toujours au public qu’ils rencontrent et sont parfois très « fonctionnaristes ».

Notre rôle est diversement interprété par les chômeurs. Il y a d’abord un problème de confusion des rôles. Ils ne savent pas toujours que nous sommeslà pour les aider. Par ailleurs, certains ne pensent pas que nous leur soyons d’une grande aide, alors que d’autres nous voient comme des messies. Nous rencontrons parfois despersonnes qui sont paniquées et ne dorment plus une semaine avant leur entretien, et pour lesquelles notre assistance est indispensable. Malgré tout, beaucoup pensent que notreprésence à leurs côtés lors des entretiens est bénéfique (les facilitatrices de l’Onem le reconnaissent elle-mêmes).

Pensez-vous que l’engagement d’accompagnateurs permet aux syndicats de mieux défendre les intérêts des chômeurs qu’auparavant ?

Indéniablement, oui. Le chômage est très souvent difficile à vivre. La société vous stigmatise, elle induit un sentiment de culpabilité,d’échec personnel. Tout cela entraîne un repli sur soi du chômeur, aggravé par l’exclusion sociale (plus d’argent pour avoir des activitésextérieures, diminution du réseau relationnel). Il est donc très difficile de mobiliser et d’organiser les gens pour qu’ils défendent leursintérêts. Les accompagnateurs peuvent donc sensibiliser les chômeurs eux-mêmes à ce problème, mais aussi les encadrer pour se faire entendre auprès de lasociété ou des organisations syndicales elles-mêmes. Quant à l’accompagnement à l’Onem, je le comparerais à la présence d’un avocatlorsqu’on a affaire à la justice, il sait comment cela fonctionne.

Comment définiriez-vous vos relations avec les facilitateurs de l’Onem ? Avez-vous le sentiment que les entretiens se déroulent généralement de façonconstructive, ou l’atmosphère est-elle plutôt conflictuelle ?

Nos relations sont très variables d’un facilitateur à l’autre, selon sa personnalité et la nôtre. Je travaille dans une région rurale, oùl’informel tient une place importante. Nous côtoyons les quelques mêmes personnes toute l’année. Cela empêche peut-être que les relations soient troptendues, même si nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d’onde. Néanmoins, nous avons connu de graves problèmes conflictuels avec une personne, qui ne se sontréglés que lorsque nous avons obtenu son départ. Notre présence et nos interventions ont été cruciales dans ce cas. Nous essayons d’êtreconstructifs, mais nous souhaiterions plus de transversalité et de communication entre l’Onem et le Forem.

Vous êtes en première ligne pour observer le fonctionnement du plan. Quel bilan en tirez-vous au stade actuel ? Comment, d’après vous, les chômeurs évaluent-ilsce plan ?

Le problème de base, c’est le manque d’emplois. Le chômage est une nécessité économique afin de faire pression sur les salaires et les conditions detravail. VW Forest en est le parfait exemple ! Ce plan ne fait qu’augmenter la concurrence entre travailleurs (« Si cela ne te plaît pas, il y en a vingt qui attendent ta place»). De plus, la peur pousse les gens à accepter tout et n’importe quoi, donc on augmente le nombre de « mauvais » emplois (intérim, CDD, temps partiels, PFI,Rosetta, PTP, …).
Ce plan frappe les plus faibles. Les chômeurs qui en pâtissent le plus sont ceux qui cumulent les problèmes (faible qualification, mobilité, surendettement, problèmesfamiliaux, handicaps,…). Le plus marquant, selon moi, c’est de voir avec quelle résignation et docilité les demandeurs d’emploi acceptent ce plan. La propagandeultralibérale a bien fait son travail.

Quelles suggestions feriez-vous aux politiques qui finalisent leurs programmes électoraux ? Prévoir un modeste aménagement du plan, une réforme, une suppression ?

Je préconise la suppression de ce plan. Il faut développer des politiques volontaristes de création d’emplois de qualité (partage du temps de travail, …).De plus, ce plan a été mis en route pour faire diminuer les chiffres du chômage. Il faut reconnaître que certaines personnes qui sont au chômage sont «inemployables » (parent seul avec enfants handicapés, invalides qui ne sont pas repris par la mutuelle, analphabètes…).

La solution n’est pas de jeter ces gens sous les ponts, mais de créer « une autre voie », en réfléchissant, pourquoi pas, à une allocationuniverselle. Ou à un fonds « spécial » à la hollandaise – mais si le taux de chômage peu élevé aux pays-Bas est souvent pris en exemple, il fautsavoir que 1 600 000 personnes y dépendent de la caisse handicaps et invalidités… ou : « comment faire diminuer le chiffre officiel du chômage »!

Propos recueillis le 23 avril 2007 par Yannick Vanderborght.

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