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Regard critique · Justice sociale

Depuis 1999, l’asbl « Le Miroir vagabond »1 s’est intéressée aux résidents permanents de trois des campings d’Hotton, soit environ 140 personnes. Une étuderéalisée par une stagiaire2, Marie Pirotte, soutenue par la Fondation Roi Baudouin3, a mis en évidence quelques-unes des difficultés de cette population : surendettement,logement très exigu, promiscuité facteur de tensions familiales4. Pourtant, la solidarité n’est pas absente, notamment lorsqu’il s’agit d’aller chercher de l’eau à unesource voisine.
Une recherche-action sur le terrain a permis d’envisager un projet à plus long terme. Après les difficultés du début – faire comprendre l’enjeu aux résidents,se faire accepter par les responsables de campings, et cibler un objectif, le tout dans des rencontres non formelles – est projetée une activité en décembre 99 :créations de boules de Noël avec les enfants et redistribution dans chaque caravane. Des braseros sont allumés dans les campings concernés, avec distribution de vin chaud.Ce sera le point de lancement du projet : contacter en premier lieu les enfants, d’abord plus aisés, par des activités liées au cirque (une première approche les avaitséduits)5. Il s’agit de pouvoir intégrer au maximum les parents, par des invitations à participer à ces activités, comme spectateurs ou en sollicitant leur aide.Après six mois d’atelier-cirque hebdomadaire dans les locaux de l’école proche de deux des campings, une fête fut organisée « afin de marquer le coup : le travail pouvaitêtre présenté à des personnes extérieures ». Trois jours à Houyet axés sur le cirque et l’échange avec d’autres enfants férus de lamême discipline marquèrent l’été. C’était aussi l’occasion de sortir du contexte habituel des campings. En octobre, un chapiteau prêté par legérant d’un camping abrita le spectacle tout-public du chanteur Thibault; à nouveau une journée dédiée au cirque, avec dégustation d’un bol de soupe. Uneattention particulière est dévolue à la nourriture lors des diverses activités : rôle d’apport nutritif, diététique (les enfants se voient offrir desfruits au goûter) et de convivialité.
Aujourd’hui, l’atelier-cirque a repris, tandis que le camion de Nomades Lectures6 s’installe tous les jeudis derrière la Maison communale, qui offre le courant : « La Commune adhère auprojet sans souhaiter le contrôler » précise B. Liam.
La directrice de l’école primaire7, elle, met en avant « la richesse des nombreuses couches sociales représentées dans l’école, avec environ 1/5 d’enfants issus de milieuxdéfavorisés », ce qui permet une intégration des enfants de résidents, pourtant présents dans l’école pour environ 20% l’année dernière. Cesenfants viennent ensemble à l’école, accompagnés par un parent. Parents qui participent à toutes les manifestations organisées par l’école, malgréleurs appréhensions en début de scolarité. À charge pour la directrice de « les mettre à l’aise, leur dire qu’ils ne sont pas seuls dans le cas, et tout faire pourqu’ils se sentent bien ». Y compris se déplacer à la caravane lorsqu’un contact avec un parent s’avère nécessaire.
Pour le gérant, Charles Petitfrère, d’un des campings8 où se rassemblent aussi d’autres résidents : « Le travail du Miroir vagabond est magnifique : ils amusent lesenfants, ils passent une bonne journée. » Un enthousiasme concrétisé par l’apport de courant électrique, le prêt d’un chapiteau encore monté, et même desdons de jouets ayant appartenu à ses propres enfants. Pour le gérant, la présence de la petite dizaine de résidents ne pose pas de problèmes, qu’il s’agisse de lagestion des sanitaires ou de la rencontre avec les habitants du village, souvent présents à la cafetaria du camping, ou encore avec les campeurs saisonniers. Charles Petitfrèrenuance ses propos lorsqu’il évoque les autres campings, où les résidents sont plus nombreux, et où des frictions surgissent parfois : une tension qu’il attribue au milieud’origine relativement défavorisé des saisonniers.
Et le projet du Miroir vagabond ? « Par la participation dynamique des enfants à un atelier artistique, explique M. Pirotte, nous entendons les valoriser, leur permettre de retrouver unemeilleure vision de leur groupe. Pour les parents, le fait que leurs enfants soient occupés ailleurs permet déjà de décrisper le quotidien. Nous souhaitons rencontrer lesparents, d’abord au travers de leur participation aux activités de leurs enfants. Nous ne souhaitons pas tant leur permettre de retrouver une maison qu’une expression, la possibilitéd’être entendus. Nous envisageons dans ce contexte de leur présenter différentes associations, auxquelles ils peuvent adresser un appel à l’aide. Tout estréfléchi pour proposer quelque chose d’adéquat. Mais on ne veut pas les enfermer dans nos propositions. Donc, nous vivons plutôt avec eux. Dans cette optique, nous nepouvons pas définir de projet concret. »
1 Asbl « Le Miroir vagabond » – vieille route de Marenne, 2 à 6990 Bourdon, tél./fax : 084 31 19 46 – contact : Christine Mahy.
2 « Quand la caravane fait son cirque », travail de fin d’études de Marie Pirotte, École supérieure d’action sociale (Liège), 1999-2000, tél. 084 21 40 16 .
3 « Enfants et jeunes dans les campings et parcs résidentiels », projet ayant permis d’obtenir une bourse de 200.000 F en 1999. Ce programme n’a pas été repris par la suite.Fondation Roi Baudouin, rue Brederode, 21 à 1000 Bruxelles. Contact : Nathalie Vlasschaert, tél. : 02 549 02 07.
4 On y rencontre des familles de cinq personnes vivant dans la même caravane. Dans un des campings, l’eau est coupée durant l’hiver. Il faut aller à la source, distante deplusieurs kilomètres.
5 Laëtitia Montcousin , animatrice au Miroir vagabond, comédienne, spécialisée également dans les techniques du cirque. L’atelier a redémarré cetteannée dans la salle du Miroir vagabond, l’animatrice souhaitant « faire sortir les enfants de l’école ». Le transport des enfants est assuré par l’asbl.
6 Nomades Lectures : atelier de lecture à voix haute dans un camion spécialement équipé d’éclairage, de chauffage, de livres et de coussins, animé parBéatrice Liam, animatrice du Miroir vagabond.
7 École primaire de l’État, avenue de la gare, 42 à 6990 Hotton, tél.: 084 46 60 54, contact : Mme Hubert, directrice.
8 Camping Les Fonzays à 6990 Hotton, contact : Charles Petitfrère, gérant, GSM : 0475 86 72 47.

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