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Regard critique · Justice sociale

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"Gardienne encadrée, une profession méconnue, et sans statut…"

18-02-2002 Alter Échos n° 114

On le sait, les structures d’accueil de la petite enfance font cruellement défaut en Communauté française. Augmenter le nombre de places disponibles nécessite, dedébloquer des fonds et donc de faire des choix politiques. On remarque aujourd’hui, qu’il y a presque autant d’enfants qui fréquentent les crèches qued’enfants chez les gardiennes. En 2001, on dénombrait environ 3.000 gardiennes encadrées en Communauté française pour 9.381 bambins. On constate également unelégère augmentation des gardiennes encadrées liées à une maison communale d’accueil de l’enfance. Cependant, vu la précarité du statutprofessionnel des gardiennes d’enfants à domicile, beaucoup de candidat(e)s au métier renoncent à se lancer. D’autant que les employeurs sont malgré touttrès sévères : on ne confie pas l’éducation de ses jeunes enfants à n’importe qui… Projecteur sur une profession méconnue.
On distingue deux catégories de gardiennes d’enfants :
> les gardiennes encadrées : soutenues par un service qui les forme, leur fournit le matériel de base, assure la gestion financière et administrative et trouve une autregardienne aux parents si la leur n’est pas disponible. Le prix est calculé en fonction des revenus du ménage. La gardienne touche 13,83 euros (558 FB) par jour et par enfantprésent. Si toutes les places d’une gardienne sont occupées à plein temps, elle peut espérer un pécule de 743,68 euros par mois. Cetterémunération est perçue comme une indemnité et n’est donc pas imposable. Le statut est précaire : les gardiennes ne bénéficient d’aucundroit accordé aux travailleurs salariés : pas de pension, pas de congés payés, pas d’allocation de chômage,… Certains services prennent des assurancespour leurs gardiennes en cas d’incapacité de travail, mais cela n’est pas généralisé. La gardienne doit bénéficier d’une autorisation communale.Ouverture minimale : 10 heures par jour, 5 jours par semaine et 220 jours par an. Le pouvoir organisateur est la commune, le CPAS ou une asbl. Le nombre de places varie de un à trois etparfois plus. Le service est contrôlé et subsidié par l’ONE en Wallonie et Kind en Gezin en Flandre.
> les gardiennes indépendantes : elles offrent les mêmes services, mais elles travaillent à leur compte. Elles ont en charge de une à cinq places. Malgré leurstatut d’indépendante, elles sont quand même soumises à l’ONE. Elles doivent présenter chaque enfant à la consultation du nourrisson et recevoir lesvisites des délégués. L’ONE procède préalablement à une enquête sur les conditions d’accueil. Le coût est libre puisquen’étant pas fixé en fonction des revenus des parents.
À noter que les gardiennes se regroupent parfois en :  » Farandoline  » (lieux d’accueil au service des mères au foyer qui ont des occupations),  » haltes-garderies  » (où lesparents déposent les enfants de manière ponctuelle, sans inscription préalable ) ; et les  » maisons d’enfants « , également appelées  » garderies « , « crèches privées  » ou  » mini-crèches « . La maison d’enfants est un endroit où l’on accueille plus de cinq enfants âgés de 0 à 7 ans. Elleest souvent agréée par l’ONE et son mode de fonctionnement est identique à celui d’une gardienne indépendante. Cet endroit accueille égalementl’enfant pendant la nuit, ce qui peut être fort intéressant pour les parents qui ont un travail de nuit.
Et la formation ?
Il n’y a pas d’obligation de formation quand on désire devenir gardienne d’enfants. Du moins en théorie. Les services de gardiennes encadrées exigent malgré tout uneformation minimale. Ou la candidate a déjà une formation en lien avec l’enfance, ou elle s’engage à suivre quelques heures de cours dispensés par le servicelui-même. Il existe également une formation de gardienne d’enfants à domicile aux centres de formation des Classes moyennes de Liège, Namur, Bruxelles, Libramont etCharleroi.
L’enseignement secondaire
Plusieurs options de l’enseignement secondaire sont liées à l’enfance et peuvent servir de base pour l’exercice de la profession de gardienne.
La formation en puériculture existe dans l’enseignement professionnel à partir de la cinquième année. Elle comporte des cours théoriques (pédagogiefamiliale, anatomie, hygiène, nutrition), des cours pratiques (techniques de soins, techniques d’occupation de la petite enfance, éducation ménagère…) et des stages. Lediplôme obtenu ne permet pas de poursuivre d’études supérieures, sauf si l’élève accomplit une septième année supplémentaire.
Le certificat de puéricultrice peut également être obtenu par les élèves qui ont suivi l’option aspirant(e) en nursing, moyennant une année d’étudecomplémentaire. L’option éducation de l’enfance fait partie de l’enseignement technique. À côté d’une formation générale, les élèves sontdéjà confrontés aux aspects de l’éducation des enfants grâce à des cours techniques et à des stages. Le diplôme obtenu permet ou de se lancer surle marché de l’emploi, ou de continuer dans l’enseignement supérieur avec des études d’éducateur, d’institutrice maternelle…
Les Classes moyennes
Créée il y a peu, cette formation permet d’être gardienne d’enfants à domicile après un an et directeur(trice) de maisons d’enfants au terme d’une annéesupplémentaire. Les cours abordent la législation ONE, la législation sociale et le droit civil, la législation fiscale, les assurances professionnelles, l’alimentation,la prévention des accidents, les locaux et le matériel, les parents, l’étude de cas… Les élèves doivent par ailleurs remettre un projet éducatif oùils développent ce qu’ils mettraient en place comme gardienn(e)s d’enfants. Il y a également quatre semaines de stages : trois dans une maison d’enfants et une chez une gardienne.Signalons enfin que ce n’est pas parce qu’un élève a réussi cette formation qu’il aura l’agrément de l’ONE pour travailler comme gardien(ne) d’enfants àdomicile.
La promotion sociale
L’école des Femmes prévoyantes socialistes de Liège organise une formation en deux ans d’animateur socioculturel d’enfants de 3 à 12 ans. Pour y être admis, il fautavoir 18 ans et détenir le certificat d’enseignement secondaire inférieur ou réussir un examen d’entrée. Au programme : découverte du métier, psychologie etméthodologie spéciale aux structures d’accueil de l’enfant, éducation à la santé et à l’hygiène, jeux et techniques de création de jeux,stages… Les débouchés offerts aux diplômés sont plus larges : ils concernent également les haltes-garderies, les plaines de vaca
nces, les maisons communalesd’accueil de l’enfance…
La réforme
On l’a dit, l’absence de protection sociale propre rend la situation des gardiennes encadrées particulièrement précaire alors qu’elles offrent à lacollectivité un service d’accueil en appui des structures collectives de la petite enfance. Non seulement leurs rentrées financières sont aléatoires mais elles sontentièrement dépendantes de leur conjoint notamment en matière de protection sociale. En cas de séparation ou de décès du conjoint, elles risquent de seretrouver dans une situation dramatique. Le cas des gardiennes isolées, lui, l’est plus encore puisqu’elles ne jouissent pas d’une couverture sociale au titre de droitsdérivés. Une réforme est toujours à l’étude, celle-ci pourrait voir les gardiennes dans un premier temps disposer d’un statut social (avant debénéficier d’un statut définitif) qui leur assurerait soins de santé, allocations familiales, intervention en cas d’absence d’un enfant et pension.
Étant donné qu’elles ne reçoivent qu’une indemnité de frais et pas un salaire, les gardiennes ne peuvent normalement pas revendiquer le droit aux allocations dechômage. Elles pourront toutefois bénéficier d’une indemnité pour inoccupation partielle. Elles seront aussi soumises au paiement des cotisations sociales. Le coûtbudgétaire est estimé, pour la Communauté française, à environs 120 millions FB (2,97 millions d’euros) contre 360 millions (8,91 millions d’euros) pourla Région flamande. Les dépenses pour les pensions devraient atteindre, à terme, plus de trois milliards de francs. Au plan fédéral, l’objectif est de mettre enœuvre ce nouveau statut le plus rapidement possible. Cela suppose néanmoins des modifications légales et réglementaires… C’est en tout cas la proposition des ministresVandenbroucke et Onkelinx. Seulement voilà, la Coordination des gardiennes encadrées constate que, dans les milieux socialistes, l’on préfère privilégier lesystème des crèches. « La FGTB vient même d’écrire qu’il serait préférable d’utiliser l’enveloppe prévue à cette fin, constate Claude Halleux, laprésidente de la Coordination. Pour nous, c’est inacceptable. Il faut laisser le choix aux parents. Cette enveloppe et ce statut sont un premier pas. Elle devrait permettre de recruter denouvelles gardiennes encadrées. »
Coup de pouce de la Communauté française
En attendant les gardiennes hésitent toujours à se lancer, voire décident de ne plus exercer, à cause des frais encourus lors de leur installation et/ou de la mise enconformité de leurs locaux avec les normes de sécurité incendie. C’est dans ce cadre qu’intervient la décision de la Communauté française. Le ministre del’Enfance, Jean-Marc Nollet, vient de débloquer un subside exceptionnel de 198.320 euros (8 millions FB) qui sera versé aux services qui s’occupent des gardiennes encadrées. PourRégine Piron, la présidente de la Fédération des associations de gardiennes d’enfants, « la décision de la Communauté française est un plus certain.Tout ce que j’espère, c’est que l’on va en profiter pour harmoniser les normes de sécurité incendie. Dans certaines entités comme Gembloux ou Sambreville, on vajusqu’à imposer des portes coupe-feu ou des extincteurs de chaudière, entraînant des frais d’installation approchant les 6.200 euros (250.000 FB). Impossible à payer! »
1 Coordination des services de gardiennes de la Communauté française, clos des Mésanges à 1342 Limelette, Mme Claude Halleux, tél. : 010 43 65 11.

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