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Regard critique · Justice sociale

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"Fucam : l'horaire décalé au croisement du processus de Bologne et du Lifelong learning"

12-11-2002 Alter Échos n° 131

Les mercredi 30 et jeudi 31 octobre, les Facultés universitaires catholiques de Mons1 ont organisé une conférence sur l’avenir de l’enseignement en « horairedécalé » (près de 40 % de son public). Sous l’intitulé général « Du droit à l’enseignement universitaire pour tous àl’obligation de la formation professionnelle tout au long de la vie », ces deux journées d’études, réunissant plus de vingt intervenants, avaient pour objectif de faire lepoint sur ce type d’enseignement supérieur face aux transformations de fond en cours dans le secteur.
Démocratisation ou professionnalisation
Jean-Émile Charlier (Fucam), un des principaux organisateurs du colloque, a d’abord rappelé que ce qu’on appelle aussi « l’université de la seconde chance »s’est « initialement inscrite de manière supplétive dans le vaste projet de démocratiser l’accès à tous les niveaux de l’enseignement». Dans le but de « corriger le caractère socialement sélectif de l’enseignement supérieur et de valoriser sur le plan académique les acquis del’expérience professionnelle », les pouvoirs publics reconnaissent aux adultes, depuis plus de trente ans en Belgique, « le droit de s’inscrire dans des programmesuniversitaires à horaire décalé (organisés le soir et le week-end) et à pédagogie adaptée, qui débouchent sur des diplômes identiquesà ceux délivrés en enseignement de jour ».
Mais cette visée sociale « n’est toutefois pas la seule à avoir inspiré des programmes de formation destinés aux adultes. Dans d’autres payseuropéens, ceux-ci ont une vocation essentiellement professionnalisante ». Or les réformes actuelles « semblent ne soutenir que ce second type d’initiatives, auxdépens du premier ý. Le processus d’intégration dit de Bologne vise ainsi à restructurer les cursus du supérieur en cycles de trois, cinq et huit ans, partout enEurope, et à amorcer leur modularisation, avec pour effet l’augmentation de la mobilité, de la concurrence et de l’employabilité. Et à cette unification de l’espaceeuropéen par une flexibilité accrue, s’ajoute dans le même sens la perspective temporelle du Lifelong learning (la volonté des autorités européennes dedévelopper l’apprentissage tout au long de la vie).
Maillon faible
Si l’avenir de l’université européenne en général est en cause, l’enseignement universitaire pour les adultes, « situé au point de rencontre de ces deuxinfluences » et « dont la place reste fragile dans la majorité des institutions », est, « plus que tout autre, menacé par une évolution quil’amènerait à ne plus se soumettre qu’aux canons d’une logique marchande ». Comment seront encore honorées les « dimensions d’humanisme etd’universalité » des formations, dès lors que des compétences nouvelles ne seront plus développées que « si celles-ci sont directement utilisablessur leur lieu de travail »? Le sociologue Claude Javeau (ULB) a aussi souligné sur ce plan l’ambiguïté du passage de « l’éducation des masses populaires »à un Lifelong learning qui a pour objectif de « pallier en permanence l’obsolescence des compétences des individus au profit du système économique ».
Anne Vinokur (université de Paris X) a resitué ce déplacement dans une durée plus longue en expliquant que du tout à l’école de 1945, on est passédans les années septante à l’éducation contre l’école pour finir par sa dissolution dans l’apprentissage tout au long de la vie. Dans cette dernière configuration,il s’agirait de « bloquer le processus de scolarisation lancé depuis 1945 ý, réduire la quantité pour augmenter la qualité. Face à cela, Anne Vinokur asurtout souligné le fait que les institutions européennes sont les seules à pouvoir réguler un capitalisme qui n’alimente plus la formation de la force de travail maisfait reporter sur elle et sur l’État les risques qu’il prend. Projet de régulation dont Louis le Hardÿ de Beaulieu (Fucam) a montré la difficulté sur le plan dudroit.
Pour le moment, c’est la logique des normes de qualité qui gouverne les politiques d’éducation: une logique issue de la production des biens et des services dont Romuald Normand(Institut national de recherche pédagogique) a montré les risques en termes d’inégalités et de standardisation dans l’école. Une logique de gouvernance pluspréoccupée de la justesse technique des indicateurs de qualité que de la justice (du point de vue de l’intérêt général) des politiques menées, anotamment précisé Jean-Louis Derouet (de la même institution française).
1 Fucam, chaussée de Binche 151 à 7000 Mons, tél.: 065/32 33 93 Site Web: http://staff.fucam.ac.be/~gresas/index. htm

Donat Carlier

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