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Expo photo « Les Brûleurs » : Parcours d’errances du Niger à Saint-Boniface

Pudique et pourtant révélatrice, intime et troublante à la fois : l’exposition du photographe Thomas Chable qui se tient jusqu’au 29 octobre à la galerieSans Titre1 de Saint-Gilles pourrait se passer de mots. Ce serait pourtant trop simple de garder pour soi un silence complice sur les drames humains qui se déroulent auxfrontières marocaine et espagnole. Évitant le tapage outrancier des médias en soif de sensationnel, Thomas Chable redonne à ces « sans-papiers », le tempsd’un cliché, une dignité trop souvent bafouée.

21-09-2006 Alter Échos n° 215

Pudique et pourtant révélatrice, intime et troublante à la fois : l’exposition du photographe Thomas Chable qui se tient jusqu’au 29 octobre à la galerieSans Titre1 de Saint-Gilles pourrait se passer de mots. Ce serait pourtant trop simple de garder pour soi un silence complice sur les drames humains qui se déroulent auxfrontières marocaine et espagnole. Évitant le tapage outrancier des médias en soif de sensationnel, Thomas Chable redonne à ces « sans-papiers », le tempsd’un cliché, une dignité trop souvent bafouée.

« Je ne sais pas dire moi-même exactement ce qui m’a poussé à opter pour cette thématique des brûleurs de papiers… Je pense que c’està force de voyager depuis plusieurs années, seul ou avec ma conjointe, à travers des pays dévastés soit par les conflits soit par des injustices, que j’ensuis venu naturellement à aborder ce sujet », entame pudiquement Thomas Chable lors du vernissage. Le photographe, bruxellois d’origine – mais ayant opté pour laCité ardente qui l’a formé à Saint-Luc – conte les périples qui l’ont conduit dès les années 90 en Palestine avant la seconde Intifada ouencore au Niger, au Mali et au Burkina Faso, pour ne citer que quelques pays.

« Je me souviens être resté avec ma compagne plusieurs mois au Maroc et avoir rencontré ces brûleurs de papiers, de vêtements qui tentaient coûte quecoûte de rejoindre l’autre côté de la Méditerranée. Je ne pouvais pas fermer les yeux sur ces gens, sur ces identités malmenées. » Thomas vaoù le vent le porte et, au vu de son parcours atypique, il n’hésite pas à prendre son temps en élisant domicile tantôt dans des maisons troglodytes turquestantôt dans une résidence palestinienne.

Regards noir et blanc sur trame rouge sang

Le ton de l’exposition est sobre et feutré comme son auteur. Les clichés noir et blanc laissent place à une seule couleur : le bleu de la mer, celle qui ramènequotidiennement sur ses berges son lot de cadavres qui ont « tout essayé ». À côté de photographies montrant des bribes du quotidien de ceux qui n’ontplus rien à perdre – fragments de miroir, restes de vêtements calcinés, moments de tendresse volés ou échanges de « bons » procédés– des portraits rendent hommage à ces anonymes dont les autorités frontalières n’ont que faire, qu’elles humilient ou renvoient à la case départ.

L’initiative serait incomplète sans la rédaction d’un ouvrage à quatre mains : celles de Thomas et d’Aziz Chouaki, écrivain et journalistealgérien, qui a mis de sa plume dans un recueil d’images et de mots, noir et blanc eux aussi. Chouaki nous emmène, à travers le récit d’Ignace, jeune Malienprédestiné au métier de mécanicien, dans ce qui commence à la manière d’une épopée mais se termine par un interminable cercle vicieux :celui de l’arrestation du jeune par les autorités marocaine, algérienne ou espagnole. « Un jour, on dira : c’était vraiment l’idée dusiècle, parce que franchement, quand même, fallait y penser » 2.

Des autorités frileuses

« Quand j’ai envoyé une partie de l’expo au Maroc, les clichés me sont revenus sans autre commentaire », poursuit Thomas. L’expositiondéjà présentée à Liège, en sa première version, est un voyage entamé dès 2001 qui se poursuit au gré des rencontres entre Thomas,les brûleurs et les personnes qui l’ont aidé à formater le projet, parmi lesquelles des travailleurs de Médecins sans frontières présents en Espagne,mais aussi, ici, en Belgique dans des centres Croix-Rouge depuis Bruxelles jusqu’à Arlon.

Cette immersion humaine, presque « de l’intérieur », et à la fois emplie d’humilité, pourrait faire force de coup de poing aux autoritésnationales qui doivent gérer ces flux migratoires. « J’ai déjà eu des problèmes similaires en Palestine et je dois encore contacter l’Espagne pour voirsi l’expo peut y résider en partie. Je ne suis guère optimiste sur le retour qui en sera fait ! » En attendant, Thomas poursuit discrètement sa lutte non pas pour que »justice soit faite », mais pour que la dignité humaine prime sur la violence dans ce qu’elle a de plus abject.

1. Sans Titre – 100 titres, rue Cluysenaar 2 à 1060 Bruxelles – tél. et fax : 02 534 03 43 –courriel : 100titres@gmail.com . Expo ouverte jusqu’au 29 octobre du jeudi au dimanche de 14 à 19h.

2. Le livre qui accompagne la démarche est disponible sur demande à la galerie Sans Titre, au prix de 25 euros.

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