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"Excellence for non profit" analyse le fonctionnement des asbl et fondations : une démarche impartiale ?

La fondation privée belge « Excellence for non profit »1, fondation, reconnue d’utilité publique en mars 2007, qui se positionne comme observatoire de la vie associativebelge, a lancé du 6 mars au 14 mai 2008, une vaste consultation publique sur le thème de la gouvernance dans le secteur associatif. Les les résultats ont étédévoilés ce 3 juin. Une démarche qui suscite pas mal d’interrogations dans le secteur associatif au vu du profil de la Fondation…

05-06-2008 Alter Échos n° 253

La fondation privée belge « Excellence for non profit »1, fondation, reconnue d’utilité publique en mars 2007, qui se positionne comme observatoire de la vie associativebelge, a lancé du 6 mars au 14 mai 2008, une vaste consultation publique sur le thème de la gouvernance dans le secteur associatif. Les les résultats ont étédévoilés ce 3 juin. Une démarche qui suscite pas mal d’interrogations dans le secteur associatif au vu du profil de la Fondation…

« Cette consultation, établie sous la forme d’un questionnaire, a été construite avec l’aide d’un comité constitué d’une vingtaine d’experts, expliqueFrançois-Xavier Dubois, administrateur-délégué de la Fondation. Nous avons voulu dresser un état des lieux cinq ans après les modifications introduites parla loi de 2002 sur les associations. Cette consultation démocratique a permis à tous les acteurs du monde associatif de participer, de manière anonyme, mais en se situant dans letissu des associations, comme membre, salarié, volontaire ou en qualité d’administrateur… »

Le questionnaire rédigé en quatre langues et composé de 66 questions divisées en 11 chapitres portait notamment sur la gouvernance : Qui fait quoi ? Qui décideet comment ? Quels sont les types de mandats ? Comment sont-ils déterminés, cumulés ? Y a-t-il délégation des fonctions, des audits internes, des systèmesprotégeant les associations d’éventuels conflits d’intérêt ? Le questionnaire visait aussi les stakeholders (parties prenantes) que sont les pouvoirs subsidiants,les donateurs, et leurs relations avec les associations. « Nous nous sommes également intéressés aux aspects pratiques liés à la publication des comptes desasbl et aux principes de transparence inclus dans la loi de 2002 », complète François-Xavier Dubois.

Un partenaire très soutenant

Les résultats de cette consultation, décryptés par les experts, ont été présentés ce mardi 3 juin dans les locaux de la Fédérationdes entreprises de Belgique. La FEB constitue en effet l’un des soutiens principaux de la Fondation en assumant, entre autres, ses frais de fonctionnement durant une « duréedéterminée » [NDLR : la fondation doit être autonome dans les deux ans]. Le président de la Fondation, Philippe Lambrecht, est par ailleurs égalementadministrateur secrétaire général de la FEB. Les liens étant établis, revenons aux résultats :
– plus de 1 300 membres, administrateurs, salariés ou volontaires d’association et de fondation ont pris part à l’enquête (29 % de salariés, 24 %d’administrateurs, 11 % de salariés, 14 % de délégués à la gestion journalière, 16 % de membres effectifs et 3 % de membres adhérents).
– Parmi eux 37 % sont actifs dans une asbl, 4 % dans une association internationale, 5 % dans une fondation privée et 6 % dans une fondation d’utilité publique.
– Parmi ces organisations, 37 % reçoivent des subsides d’une institution politique belge et 8 % d’une institution européenne.
Il va sans dire que cette consultation ne peut prétendre, ainsi que les auteurs le reconnaissent eux-mêmes, à une quelconque représentativité scientifique, lequestionnaire étant accessible à tous et pas seulement à un échantillon.

« L’analyse des résultats indique que diverses pratiques de bonne gouvernance sont déjà appliquées dans le monde associatif en Belgique », commentel’administrateur délégué d’Excellence for non profit. « Ainsi, il ressort des réponses que la communication interne des décisions du conseild’administration, du rapport d’activités et du rapport financier sont pratique courante ».

Autres points positifs soulignés par la Fondation : la préparation et le déroulement des réunions du conseil d’administration, l’implication des partiesprenantes internes (salariés, bénévoles), la collaboration entre les administrateurs et le management. « Toutefois, nous constatons que peu d’organisations limitentle cumul et le renouvellement des mandats d’administrateur », nuance Koen Van Echelpoel, project manager d’Excellence for non profit. « De même, les procéduresd’évaluation et le choix des administrateurs sur la base de profils de compétences ne sont pas encore monnaie courante dans le monde associatif. Par ailleurs, nous constatonségalement des lacunes en ce qui concerne le règlement des conflits d’intérêts potentiels ».

Sur la base de ces résultats, Excellence for non profit a établi une liste de 25 recommandations pour une bonne gouvernance. « Avec ces 25 recommandations, nous souhaitonsoffrir un instrument aux associations et fondations belges afin d’évaluer leur fonctionnement et, si nécessaire, l’optimaliser », précise François-XavierDubois. « Ces recommandations peuvent, par exemple, inciter à instaurer un processus d’évaluation de la valeur sociétale de la mission ou à réaliser uneanalyse des risques pris par les administrateurs et directeurs », ajoute Koen Van Echelpoel. Les recommandations ont également trait à la composition du conseild’administration, au règlement des conflits d’intérêts, à la vérification des comptes annuels et à la transparence. Enfin, ces recommandationspeuvent, selon les deux auteurs de l’enquête, Koen Van Echelpoel et François-Xavier Dubois « être une source d’inspiration pour rédiger une charte internequi régit le bon fonctionnement du conseil d’administration ».

Une proposition de résolution sur mesure

Si, à l’instar de Brigitte Duvieusart, conseillère de programme à la Fondation Roi Baudouin, certains ont remercié la Fondation Excellence for non profit pour letravail de collecte effectué, des représentants du secteur associatif se sont quant à eux étonnés, à la lecture des 25 recommandations, d’y voir denombreuses obligations déjà remplies par les asbl qui bénéficient des subventions publiques. De là à penser que la Fondation enfonce des portes ouvertes, iln’y a qu’un pas que d’aucuns n’ont pas hésité à franchir. D’autres encore, comme le directeur de la Confédération des employeurs dessecteurs sportif et socioculturel, Pierre Malaise, se sont interrogés sur l’objectif poursuivi par la Fondation en organisant une telle consultation et partant, de l’objectifpoursuivi par la FEB. Une question qui eut pour toute réponse des intéressés « que la FEB ne constituait que l’un des dix partenaires de la Fondation et quel’enquête n’avait pour seul objectif que de sensibiliser et informer un monde associatif qui représente un nombre d’emplois considérable dans notre pays et unpoids économique non négligeable
».

Une initiative purement désintéressée donc ? À lire, le panel de services offerts par la Fondation, comme celui des autres organismes qui se positionnent sur la »gouvernance » des asbl tel l’Isca (cf. n°243) il est permis de s’interroger car, outre la place d’observatoire de la vie associative belge revendiquée, laFondation entend également prodiguer des conseils sur mesure, la rédaction, la modification et le contrôle des statuts, l’assistance et la réalisation de projets demécénat d’entreprise, la réalisation d’audits, des conseils en matière de changements stratégiques et de bonne gouvernance, la réalisation deprojets, études et enquêtes et l’organisation de formations et de séminaires.

À noter enfin la présence à la tribune, lors de la présentation des résultats, du seul mandataire politique, le parlementaire Jean-Luc Crucke (MR, proche deDidier Reynders)2, co-auteur, avec Pierre-Yves Jeholet, d’une proposition de résolution3 déposée devant la chambre et qu’il a pu commenter pendant unevingtaine de minutes.

La proposition de résolution

« La chambre des représentants demande au gouvernement :
1. d’organiser un débat annuel sur le monde associatif belge dans son ensemble devant le Parlement ;
2. de récolter les informations objectives et fiables à cet égard et de prendre le pouls de ce secteur, en consultant des organismes ou acteurs de référenceprésentant certaines qualités essentielles, comme notamment :
a) la reconnaissance par le milieu ;
b) la connaissance suffisante du terrain pour en traduire toutes les particularités ;
c) une certaine spécialisation et expertise pour tirer les conclusions et enseignements utiles de ces informations ;
d) la maîtrise d’une méthodologie de recherche de données fiable ;
e) une expertise globale en matière d’organisation et de gestion d’asbl et de fondations, au niveau du pays ;
f) la capacité d’appréhender le plus grand nombre possible de situations dans ce domaine, tant celles d’envergure internationale que les projets purement locaux ;
3. d’encourager et de soutenir toute initiative visant à inventorier et analyser le secteur ou visant à offrir les supports clairs, efficaces, facilement identifiables etadéquats ;
4. de suivre les suggestions éventuellement émises suite aux consultations et, le cas échéant, d’adapter, si besoin est, les législations ;
5. de consulter les acteurs de référence, en cas de modification significative susceptible d’avoir un impact sur le monde associatif.

À l’heure où, du côté francophone, on s’apprête à mettre un point final à la conclusion de trois ans de discussion autour de l’idée de « pacteassociatif », un parti pris qui pose question si la Fondation a l’intention de se positionner comme détentrice d’une « connaissance suffisante du terrain pour en traduire toutes lesparticularités ». Quant au positionnement de la FEB, il est à trouver au moins dans un des objectifs que s’est donné la fondation qui entend opérer un rapprochement entrele monde associatif et le monde des entreprises, en aidant ces dernières à trouver un cadre juridique (asbl ou fondation) adéquat pour leurs activités demécénat.

1. Excellence for non profit:
– adresse : rue des Sols, 8 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 515 07 77
– courriel : contact@excellencefornonprofit.eu
– site : www.excellencefornonprofit.eu
Questionnaire, conclusions et recommandations sont consultables sur le site.

2. Jean-Luc Crucke (MR), Maison des parlementaires, bureau 2038
– tél. : 02 549 86 47
– courriel : jl.crucke@online.be
-site : www.jl-crucke.be
3. Proposition de résolution visant à une meilleure prise en compte du secteur associatif belge – Doc 52 0961/001.

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