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Regard critique · Justice sociale

Genres

Diversité des genres: mieux comprendre pour mieux accueillir

En tant que professionnels psycho-médico-sociaux, comment accueillir les personnes transgenres et intersexes? L’association Genres Pluriels propose la formation «Au-delà des catégories binaires, la diversité des genres». Décrypter les mots et changer de perspective, pour mieux comprendre et mieux accueillir.

© Flickrcc Torbakhopper

En tant que professionnels psycho-médico-sociaux, comment accueillir les personnes transgenres et intersexes? Au cours de la formation «Au-delà des catégories binaires, la diversité des genres» organisée par Genres Pluriels, on apprend à décrypter les mots et à changer de perspective.

«Je travaille dans un planning familial. Je souhaite m’informer pour être la moins indélicate et la moins maladroite possible quand viennent à nous des personnes transgenres.» «Je cherche le vocabulaire adéquat.» «En tant que médecin généraliste, je suis régulièrement confrontée à des personnes en transition ou en questionnement. Je cherche à les accueillir au mieux. C’est quelque chose qui n’est pas du tout enseigné pendant nos études.» «Je travaille dans le secteur de la jeunesse, je m’interroge sur la manière d’aborder les questions de transphobie avec les jeunes.»

Ils et elles sont psychologues, assistants sociaux, sexologues, médecins généralistes, kinés, animateurs… Leurs pratiques professionnelles les amènent à accueillir des personnes transgenres et intersexes. Occasionnellement ou régulièrement. Réuni dans les locaux bruxellois de la Maison Arc-en-ciel, ce groupe d’une quinzaine de personnes assiste aujourd’hui à une formation cousue sur mesure pour le secteur psycho-médico-social: «Au-delà des catégories binaires, la diversité des genres.» À la manœuvre, Genres Pluriels, une association de soutien et de défense des droits des personnes transgenres et intersexes.

«Comment pouvoir être au monde, comment exister, si on n’est pas nommé?» Max Nisol, Genres Pluriels

Max Nisol, psychologue, cofondateur de Genres Pluriels et formateur du jour, embraye: «On a besoin de personnes de première et de seconde ligne comme vous pour accueillir et prendre en charge les personnes transgenres et intersexes. Chez Genres Pluriels, nous proposons des groupes de parole et des entretiens individuels. L’année passée, 400 personnes se sont adressées à nous. Les demandes ne cessent d’augmenter, pas parce que le nombre de personnes transgenres et intersexes est en augmentation, mais bien parce que ces personnes ont accès à plus d’infos et restent moins longtemps et moins souvent dans le placard.» Aujourd’hui, les personnes transgenres représentent 3% de la population, les intersexes 1,7%.

Sortir de l’idéologie binaire

Transgenre, intersexe, non binaire, identité de genre… La matinée est consacrée à la terminologie. Un sacré morceau. Prendre le temps de l’indispensable: les mots, leur définition, leur utilisation. Ceux qui sont appropriés et ceux à bannir. Exemple: «Le terme transsexuel, créé par la médecine psychiatrique au début du XXe siècle, est pathologisant, stigmatisant et discriminant, souligne Max Nisol. Le terme transgenre est bien plus légitime, bienveillant et respectueux des personnes.» Et si, à l’écrit, l’association accole un astérisque au terme trans*, c’est pour souligner la diversité des transidentités, pour inclure toutes les identités de genre1. Avant de poursuivre, Max Nisol pointe une confusion répandue: «Les identités de genre ne sont pas les préférences sexuelles ou romantiques. On ne parlera pas ici d’hétérosexualité, d’homosexualité, de bisexualité ou de polyamour, tout simplement parce que ce n’est pas l’objet de la formation.»

Tout au long de la formation, Genres Pluriels invite sans cesse à changer de perspective. «Notre société n’a pas construit et pensé d’autres possibles que la construction binaire homme-femme, masculinité-féminité. Pourtant, les personnes de genre fluide ou non binaire ne se sentent pas appartenir à l’un ou l’autre ‘camp’. Par ailleurs, cette idéologie binaire invisibilise les personnes intersexes. Comment pouvoir être au monde, comment exister, si on n’est pas nommé?», interroge encore le formateur.

«Scientifiquement, il y a 48 sexes possibles et pas seulement deux, mâle et femelle, comme présenté par l’idéologie binaire.» Max Nisol, Genres Pluriels

Le sexe biologique se définit par de nombreux critères: chromosomes, hormones, organes internes et externes… Les personnes intersexes présentent des variantes au niveau d’une ou deplusieurs des caractéristiques. «Il existe 46 formes minimum d’intersexuation, souligne Max Nisol. Ce qui signifie que, scientifiquement, il y a 48 sexes possibles et pas seulement deux, mâle et femelle, comme présenté par l’idéologie binaire. Dans l’immense majorité des cas, ces variations biologiques ne mettent pas en cause la bonne santé des personnes intersexes. Pourtant, aujourd’hui encore, ces personnes sont considérées comme des aberrations qui doivent être rendues conformes aux normes sociétales.» Résultat: l’intersexuation une fois repérée, à la naissance ou plus tard, aboutit bien souvent à des traitements médicaux. Des opérations génitales aussi. «Il s’agit donc bien d’interventions esthétiques, pour que les enfants sachent, plus tard, dans quelle toilette ou quel vestiaire aller… Les parents ne sont pas informés et s’en remettent à l’autorité de la médecine, en qui ils ont confiance. Certains parents se retrouvent pourtant avec des enfants qui ne pourront plus utiliser leur zone génitale, devenue un champ de bataille au fil des interventions. Des enfants qui, à l’âge adulte, au mieux, ne sentiront plus rien, au pire, souffriront d’infections toute leur vie.» S’opposant aux interventions précoces et non consenties, Genres Pluriels plaide pour une sorte de «principe de précaution», laissant les personnes intersexes poser des choix éclairés à partir de l’adolescence.

Dans le respect du point de confort

La formation proposée par Genres Pluriels aux professionnels balaye également les bonnes pratiques et points d’attention en matière d’accueil psychosocial. La notion de «point de confort» y est centrale, pour favoriser le sentiment de bien-être de la personne en regard du genre auquel elle s’identifie. Une partie consacrée aux aspects médicaux aborde les traitements hormonaux. Quant au chapitre législatif, il fait le point sur la nouvelle loi de 2018 permettant aux personnes transgenres de faire modifier officiellement leur enregistrement du sexe et leur prénom sans conditions médicales. C’est l’occasion de pointer les avancées de cette loi (ne sont désormais plus requises l’attestation d’un psychiatre et la stérilisation pour avoir accès aux traitements hormonaux et interventions médicales) et ses faiblesses (nulle mention du remboursement de ces soins).

En filigrane des récits évoqués jaillissent les nombreuses discriminations et violences auxquelles font face les personnes transgenres, en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé, aux services administratifs… Et la nécessité, en tant que professionnels, de s’informer et se former, d’être à l’écoute et de respecter le «point de confort» des personnes accueillies.

 

(1) L’identité de genre se réfère au genre auquel une personne s’identifie et qui correspond ou ne correspond pas au genre assigné à sa naissance: femme cisgenre (née fille et se sentant fille/femme), femme transgenre (née garçon et se sentant fille/femme), homme cisgenre (né garçon et se sentant garçon/homme), homme transgenre (né garçon se sentant fille/femme), personne non binaire, de genre fluide…

Céline Teret

Céline Teret

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