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Démissions de trois asbl du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté

Trois associations membres du réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) ont annoncé ce 1er février leur démission. Elles estiment que lefonctionnement du RWLP était devenu au fil du temps  » de plus en plus vertical  » et  » bureaucratique « . L’asbl ATD Quart Monde Wallonie-Bruxelles et le mouvement Luttes SolidaritésTravail (LST), membres fondateurs avec 18 autres associations du RWLP, ainsi que l’asbl Dignitas ont décidé de quitter le Réseau.

10-02-2006 Alter Échos n° 202

Trois associations membres du réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) ont annoncé ce 1er février leur démission. Elles estiment que lefonctionnement du RWLP était devenu au fil du temps  » de plus en plus vertical  » et  » bureaucratique « . L’asbl ATD Quart Monde Wallonie-Bruxelles et le mouvement Luttes SolidaritésTravail (LST), membres fondateurs avec 18 autres associations du RWLP, ainsi que l’asbl Dignitas ont décidé de quitter le Réseau.

Un petit groupe serait aux commandes du Réseau et le rôle des membres de l’assemblée générale ne consisterait qu’à entériner des décisionsprises dans un « bureau ».  » Malgré les promesses faites dès avril 2004 par les dirigeants du RWLP, ce fonctionnement n’a jamais fait l’objet d’une évaluation ou d’un débatsérieux parmi ses membres « , argumentent les trois associations.

Un modèle technocratique

Ainsi, LST1, qui figure parmi les organisations fondatrices du réseau motive sa décision :  » La structuration en réseau, telle que le modèle qui nous estimposé à travers le fonctionnement actuel du RWLP, nous semble répondre avant tout à la volonté des pouvoirs publics, de créer des‘interlocuteurs’ uniques pour toutes les matières spécifiques. Cela se vérifie tant au niveau européen, que fédéral ou régional enBelgique. En ce qui concerne le RWLP, la recherche de subventions et une structuration qui réponde au modèle des  » technocrates  » imposent la création d’une structure‘forte et cohérente’ et conduit donc à nier les conflits d’intérêts dont sont porteuses bon nombre d’organisations à travers leurs mandats etleurs pratiques. Une telle organisation rend impossible un fonctionnement respectueux des rythmes de chaque association. Il faut bien constater que les ‘intérêts’ des pluspauvres (aussi appelés dans certains services : usagers, le public, clients) ne sont pas nécessairement identiques à ceux des institutions et services mandatés pour‘gérer’ certains aspects de la pauvreté. »2 Et Luc Lefebvre d’LST de conclure :  » Cela fait 20 ans qu’on est dans la colonisation des associations pour lespauvres et ces derniers mois, la tendance se renforce. « 
Après cette démission, LST souhaite, avec d’autres organisations, créer un espace permanent de réflexion et d’action communes, « ouvert à touteorganisation et association qui met, au centre de la lutte contre les inégalités et la grande pauvreté, l’option de rejoindre et d’entrer en solidarité avecles plus pauvres. »

Déficit de démocratie

Chez Dignitas3, association à la fois d’accueil, d’orientation, de soutien et de défense des personnes surendettées et service de médiation dedettes, entre autres griefs à l’égard du réseau, il est surtout pointé un manque de déficit démocratique :  » Le RWLP présente une structurepyramidale et persiste à obéir à une logique hiérarchique, voire même de concurrence pure avec ses propres composantes. De manière non exhaustive, laprogrammation des thèmes, et particulièrement le document intitulé ‘Vers une Wallonie sans pauvreté d’ici 2025’ ne repose en rien sur une démarcheparticipative. Pensé, conçu, et rédigé du haut – on ne sait trop par qui d’ailleurs – il a été proposé aux associations membres lorsde la dernière assemblée générale comme un véritable guide pluriannuel sur lequel il a été demandé au représentant de chaque associationprésente ou représentée de s’engager en quelques heures. Telles les tables de Moïse, ce document sacré a été soumis complètementficelé au représentant de chaque association, sans que sa rédaction n’ait donné lieu à la moindre concertation. Les ‘ateliers de travail’ qui ontentouré la révélation de cette bible indigeste n’ont servi qu’à créer l’illusion d’un prétendu processus participatif. « 4À nos yeux, l’objectif unique de ce document est d’asseoir une ‘légitimité’ du RWLP à l’égard des pouvoirs subsidiants, publics etprivés. Cette recherche de légitimité, surtout politique, entraîne par ailleurs une perte d’esprit critique, une institutionnalisation du réseau et un souciexcessif du ‘politiquement correct’, dans lequel le militantisme doit faire place à des banalités consensuelles. (…) « 

Productivisme

Dignitas poursuit :  » Le fonctionnement du réseau aboutit à une production forcenée de documents en tous genres et de réunions en cascades qui ne laissent pas le tempsau public des associations membres, ni aux organes de ces dernières, d’y réfléchir et de s’exprimer valablement. Il en résulte que les propositionspubliées n’ont généralement que peu de pertinence quant à l’analyse des problèmes et que les quelques témoignages repris en italique et entreguillemets ne servent, encore une fois, qu’à nourrir l’illusion d’une participation de personnes précarisées, dont on n’a, en réalité, quenoté quelques phrases ‘choc’ au vol. « 

Le point de vue du CA

Christine Mahy, animatrice du Miroir Vagabond5 et présidente du réseau, ne souhaite pas polémiquer. Pour elle, le désaccord porte avant tout sur unemanière différente d’aborder la lutte contre la pauvreté : « Nous pensons dans le réseau, que pour changer les choses de manière structurelle, il faut travailleravec le monde associatif, les plus pauvres, le monde politique, syndical, la société civile, les universités, … On peut le faire sans fausse naïveté, engardant un esprit critique. Je ne pense pas que se frotter au monde politique, c’est perdre son âme. Mais rester dans une sorte de parallélisme avec les plus pauvres, en revendiquantdétenir l’exclusivité de leur parole, ne va pas faire selon moi, avancer la lutte contre la pauvreté. Quant à la participation, nous en faisons de manièretransversale dans le réseau mais elle n’est pas un but en soi. Le processus de participation des associations démissionnaires fait partie de leur mission mais on ne peut pas lereproduire tel quel dans le réseau, il y a 19 autres associations qui partagent aussi d’autres missions. Je regrette ces démissions même si les débats ont parfoisété houleux lors des assemblées générales. Malgré nos désaccors de fond, il y a vait vraiment place poour ces associations dans le réseau.Elles ont décidé de partir, c’est leur choix, leur droit. » Quant au vote du projet « Vers une Wallonie sans pauvreté d’ici 2025 » qui sera présenté début mars,il s’est partagé entre 19 voix pour et 3 voix contre.

Le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP) s’est constitué en février 2003, à l’initiative d’associations actives dans la lutte contrela pauvreté en Région wallonne et ayant déjà mené ensemble auparavant, pour certaines d’entre elles, un travail d’interpellation politique.

Actuellement, il rassemble une vingtaine d’associations réparties sur le territoire wallon dans les villes comme à la campagne ; toutefois, plus d’une quarantaine ontparticipé activement aux travaux qu’il a organisés depuis plus de deux ans. Ce sont des mouvements d’éducation permanente, des maisons d’accueil pour sans abris oupersonnes en difficulté, des associations travaillant avec les résidents permanents dans les campings, les gens du voyage, des entreprises de formation par le travail, des centresd’alphabétisation, de lutte contre le surendettement, des maisons de quartier, des initiatives concernant les personnes migrantes….

1. LST, rue Pépin, 27 à 5000 Namur – tél. : 081 22 15 12 – fax : 081 22 63 59 –namur@mouvement-LST.org
2. Texte explicitant les motivations du départ de LST du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) – 26 janvier 2006. Disponible sur le site d’LST
3. Dignitas, rue Henri Tournelle, 3 à 7012 Mons – tél. : 065 35 20 97 ou 065 59 09 30 – fax : 065 36 14 71- info@dignitas.be
4. Extrait du recommandé à la présidence du CA du RWLP le 26 janvier 2006.
5. Le Miroir vagabond, Vieille Route de Marenne, 2 à 6990 Bourdon – tél. : 084 31 19 46 – miroirvagabond@scarlet.be

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