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Regard critique · Justice sociale
© Cuistots solidaires

Une carte blanche de Action Sociale – Amitié Sans Frontières – Belgium Kitchen – Cuistots Solidaires – Hearth Projet – Mériem – Serve the City – Union Help – Think Connection.

En ce printemps, les associations qui soutiennent les réfugiés et migrants ont des raisons d’être inquiètes. Avec la fin des mesures d’urgence mises en place en raison de la crise du Covid-19, pas moins de 10 centres d’hébergement devront fermer leurs portes d’ici l’été. En sera-t-il de même pour les centres de jour, et notamment le centre Croix-Rouge PSA, au fonctionnement duquel nous contribuons activement depuis son ouverture en octobre dernier?

Nous, nous sommes une dizaine d’associations et collectifs citoyens qui depuis 2015, sans discontinuer, nous efforçons, comme bien d’autres groupes plus ou moins proches de la «Plateforme Citoyenne de soutien aux réfugiés», de montrer qu’en Belgique, de très nombreux citoyens se mobilisent pour soutenir ceux qui quittent leurs pays pour fuir la guerre, la violence ou la misère. Et pour dire que l’Union Européenne et la Belgique ont le devoir historique, politique et humanitaire, d’offrir à cette population désemparée et vulnérable un accueil et des alternatives leur permettant – malgré les épreuves souvent déchirantes subies – de rebondir dans la vie.

Ce que nous faisons depuis 2015 c’est tout simplement offrir des repas, essentiellement en rue (Office des étrangers, Gare du nord, parc Maximilien, quai des Péniches). Mais dès le début, l’approche s’est voulue globale: tandis que certains offraient par exemple un petit déjeuner chaud, tôt le matin, à des personnes ayant le plus souvent passé la nuit à l’extérieur, d’autres (de jeunes juristes de la Plateforme Citoyenne de soutien aux réfugiés, notamment) orientaient et aidaient ces jeunes isolés, ou ces familles avec enfants, dans leurs démarches et leur quête d’information. L’objectif: contribuer à soulager des souffrances, à résoudre les problèmes. Être utiles. Pas toujours facile. En rue, il faut toujours parer au plus pressé. Il n’y a jamais le temps, ou il pleut, ou les problèmes de langue rendent la communication difficile, ou les visages sont trop crispés. En rue, nul endroit où se poser, tranquillement, au chaud, sans crainte d’être chassé ou de devoir partir en vitesse chercher un abri…pas le temps de se sentir en confiance pour engager un dialogue constructif. Non, on ne construit pas en rue.

Le centre Croix-Rouge PSA, qui a ouvert ses portes en octobre 2020, s’efforce aujourd’hui de combler ce vide.

Avant son ouverture, nous étions un mouvement citoyen, qui devait compter uniquement sur ses forces bénévoles, tenaces mais fragiles, nous étions dispersés, très peu coordonnés car toujours pris par l’action. Nous faisions malgré le contexte politique. Avec le PSA, avec la Croix-Rouge mandatée et financée pour compléter nos efforts, nous nous sentons enfin reconnus et soutenus plus solidement, plus durablement. C’est un engagement politique qui fait honneur aussi à la cause même des réfugiés qui nous motive. Est-ce raisonnable qu’avec la fin du Covid-19 cet engagement digne prenne fin?

Maintenant, nos associations préparent et servent des repas 2 fois par jour, 7 jours sur 7 au centre Croix-Rouge PSA. Près de 800 repas sont servis quotidiennement. Mais l’objectif, toujours le même, est d’être utiles. Contribuer à trouver des solutions. Pour cela, un ventre plein s’avère indispensable, mais pas suffisant. Et c’est la raison pour laquelle plusieurs associations offrent des permanences et des services au Centre. A partir de 8h du matin, et jusqu’à 20h, Fedasil, Pigment, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, SOS Jeunes, Care4Calais, Gams se relaient pour rencontrer les bénéficiaires, les informer, les orienter, et les aider à trouver des pistes utiles dans le parcours difficile qui est le leur….Tout cela dans un cadre serein, où ils peuvent se reposer, prendre une douche chaude, et pourquoi pas commencer à apprendre l’anglais, ou bénéficier de petits concerts ou spectacles. Être bien, un minimum. Cela est essentiel pour que ces personnes parfois si malmenées par la vie aient véritablement le temps et l’énergie de s’ouvrir à l’aide d’orientation proposée. Avoir donc un centre ouvert à tous, en tout anonymat, 7 jours sur 7, cela fait toute la différence.

Juste à côté se trouve le Hub Humanitaire, géré par plusieurs associations dont la Plateforme Citoyenne et Médecins du Monde, qui propose entre autres distribution de vêtements, gestion des demandes d’hébergement, et soutien médical ou psychologique.

Le centre Croix-Rouge PSA, avec son accueil général et sans conditions, et le Hub Humanitaire, avec ses services spécifiques pour beaucoup sur RDV, ont progressivement construit ensemble, en totale complémentarité, un dispositif qui se veut «intégral», et qui est aujourd’hui menacé d’implosion. Si d’ici la fin du mois, le budget dont dispose le Centre Croix-Rouge PSA n’est pas renouvelé, on peut craindre le pire. Le retour dans la rue, la fin de l’accompagnement, de l’orientation… La souffrance et l’incompréhension… Et la multiplication des nuisances, du désordre et de la violence. Dans son édition du 12 mai dernier, le journal Le Soir évoquait des affrontements entre groupes de jeunes au parc Maximilien où, d’après une habitante du quartier, mère de famille, «ça s’était calmé du temps du corona, mais là, ça repart de plus belle». Qui complète: «On en a marre de se sentir mal, même si ce n’est pas de leur faute à eux. Ce sont les responsables politiques que je pointe du doigt»

Les autorités menacent de raboter le budget du Centre Croix-Rouge PSA de 60%, rendant son fonctionnement impossible. En effet, il s’agirait d’un budget bien en-dessous de ce que l’ordonnance de la COCOM de 2018, elle-même critiquée par le milieu associatif, considère comme indispensable pour la gestion d’un centre de jour.

Si le Centre Croix-Rouge PSA venait à fermer, à la fin du mois de mai, pas de doute à avoir: les craintes de cette mère de famille risquent bien de devenir une réalité, et les perspectives de ces centaines de réfugiés-migrants cherchant une vie meilleure risquent-elles de s’assombrir singulièrement.

Le Covid-19 a mis en lumière beaucoup de vulnérabilités de notre société, ne laissons pas la fin de la pandémie faire replonger notre humanité dans l’obscurité.

D’ailleurs, la dignité même d’une société ne se mesure-t-elle pas à l’aune du traitement qu’elle réserve à ses membres les plus vulnérables?

CARTE BLANCHE

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