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Regard critique · Justice sociale

Dalo français : « Encore des mots, toujours des mots… »

En 2007, sous la pression de collectifs de droit au logement, la France adoptait le Dalo (droit au logement opposable). Aujourd’hui, le bilan est maigre.

03-07-2010 Alter Échos n° 298

La France peine à loger correctement – voire à loger tout court – près de trois millions de ses citoyens. Une situation qui perdure, malgré de multiplestentatives pour faire bouger les choses. Conséquence : ce sont bien souvent les associations, excédées, qui montent au créneau. Comme Don Quichotte à l’assautdes moulins ?

Le Résel (Réseau stop aux expulsions de logements)1 a été lancé il y a tout juste un an par différentes associations parmi lesquelles lemédiatique DAL (droit au logement), connu pour ses initiatives coups de poing – réquisition de logements et de locaux vides, notamment. En guise de premier anniversaire, leRésel a organisé le 23 juin dernier une manifestation contre les expulsions devant la préfecture d’Ile-de-France. Une de plus…

La trêve hivernale – période durant laquelle l’expulsion de locataires est impossible – s’est achevée comme chaque année à la mi-mars. Cequi est synonyme de plus de dix mille expulsions locatives effectuées avec le concours de la force publique. Une situation jugée scandaleuse par bon nombre d’observateurs,d’autant plus qu’une grande partie des familles concernées sont reconnues prioritaires par les commissions d’application du droit au logement opposable (Dalo), qui fixel’obligation à l’État de les reloger dans les six mois… Institué en 1982 par la loi Quillot, le droit au logement n’est toujours pas devenu uneréalité française : plus de 2,5 millions de personnes sont actuellement logées dans des conditions difficiles – voire indignes – ouhébergées chez des tiers. Et près de 100 000 personnes sont purement et simplement privées de logement. La loi du 5 mars 2007 (dite Dalo), qui fixe – enthéorie – une obligation de résultat à l’État sous peine de condamnation en justice, est venue renforcer le dispositif existant, dans l’espoird’inverser une tendance préoccupante. Et de faire taire par la même occasion les associations, perpétuelles mouches du coche…

Un bilan sans éclat…

Trois ans après la mise en place du Dalo, on ne peut pas dire que les choses aient changé de façon fondamentale. Un rapport sénatorial publié en 2009 amême mis en relief le vertigineux décalage entre le nombre de relogements effectifs en 2008 (à peine 600) et les frais de fonctionnement des commissions chargéesd’instruire les dossiers (plus de 4 millions d’euros). Certes, comme le précisait, lucide, le député UMP des Yvelines Étienne Pinte : « Ongère trente ans de retard en matière de logement, on ne peut pas inverser cette réalité d’un coup de baguette magique. » En d’autres termes, il fautlaisser du temps au temps… Sauf que la situation est celle d’une perpétuelle urgence. Une urgence mal prise en compte par les pouvoirs publics, selon de nombreux militantsassociatifs, à l’image de Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre : « La politique mise enœuvre n’a pas du tout été à la hauteur de la crise du logement que nous traversons. » Dans le collimateur, la loi Dalo justement, dont beaucoup regrettentqu’elle ne modifie en rien les modalités d’expulsion des familles. Par ailleurs, le dépôt d’un recours contre l’État s’avère dans lesfaits un authentique parcours du combattant : demande de logement social, dossier auprès d’une commission départementale en cas d’échec, recours contentieux sile dossier n’aboutit pas… Entre la demande initiale et une hypothétique condamnation de l’État au tribunal administratif, un délai de deux ans peuts’écouler. Un parcours kafkaïen propre à en décourager plus d’un et qui a même poussé le Conseil d’État à redouter que le droitopposable puisse être « théorique, voire fictif » !

Rien d’étonnant dans ces conditions que des collectifs et des associations investissent – de façon parfois intempestive – le champ médiatique, afind’attirer l’attention sur le problème. On se souvient de l’installation de campements de fortune à Paris et dans diverses grandes villes françaises (Strasbourg,Nantes, Toulouse…), organisée par Les enfants de Don Quichotte. Opération médiatique qui ne fut pas pour rien dans l’adoption du Dalo. Mais l’arbre ne doit pascacher la forêt : la plupart des rassemblements organisés pour protester contre le phénomène d’expulsion et le mal-logement rencontrent sur le terrain unécho assez modeste. Si les Français se disent dans leur grande majorité préoccupés par la question, il n’est guère de manifestations qui mobilisent enpratique plus de quelques centaines de personnes. À se demander si la loi Dalo n’a pas une pure fonction apaisante : montrer au corps électoral que des initiatives sontprises, sans se préoccuper en premier lieu de leur possibilité de mise en application…

1. Résel (Réseau stop aux expulsions de logements) :
– site : www.stopauxexpulsions.org

stephanel

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