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Regard critique · Justice sociale
© Flickrcc @wewon31

«L’action sociale des CPAS est-elle menacée? Confrontés à une augmentation des besoins, parallèlement à une injonction de faire des économies, les CPAS ne semblent pas loin de craquer (…) Tous craignent aujourd’hui une baisse de la qualité du travail ainsi que la suppression d’aides et de services sociaux, qui ferait faire aux CPAS une volte-face en les confinant à nouveau dans leur mission première d’octroi de l’aide financière. Les CPAS vont mal. Et pas seulement les finances. Beaucoup de travailleurs sociaux ont mal à leur CPAS et à l’image qu’ils ont (avaient) de leur métier.»

Cela n’est pas une introduction de cet éditorial de novembre 2021, mais bien les premiers mots d’un dossier que nous écrivions en avril 2016, intitulé «Les CPAS au bord de l’asphyxie». Remplaçons la crise de 2008 par la crise du Covid et ses conséquences sociales, augmentons le nombre de RIS – de 50% entre 2014 et 2019 (contre 2% de nombre de travailleurs en plus), prenons en compte les projections de 15 à 30% supplémentaires pour 2022, ainsi que l’augmentation des demandes d’aides sociales – y compris par un «nouveau public», ajoutons quelques départs à la retraite non remplacés, des jeunes désabusés qui jettent l’éponge, des finances toujours moins réjouissantes et des bureaux vieillissants. Et nous avons là l’esquisse d’une situation qui ne s’est pas malheureusement pas améliorée, qui s’est même dégradée. Au point de se demander si ce «dernier filet» ne va pas finir par craquer.

C’est aussi cette impression de craquage à tous les étages qui est ressortie lors de la journée «En contexte de crise(s): quel sens et quels ‘essentiels’ pour le travail social en CPAS?» organisée ce 20 octobre dernier par la Fédération des CPAS wallons.

Dans une bulle de mots résumant les ressentis des travailleuses et travailleurs sociaux, viennent, en tête: la charge administrative, le contrôle, le manque de moyens, de temps, de reconnaissance, de sens…

En miroir, au rang de leurs désirs figurent: avoir le temps, moins de pression, plus d’humanisme, de confiance…

Un autre élément de leur souffrance a attiré notre attention durant les ateliers: leur mauvaise image et réputation, à tous les étages aussi: auprès des citoyens, des communes («on coûte!»), de l’associatif et dans la presse («on flique!»).

Se pencher sur le sort des travailleurs et travailleuses des CPAS ne revient pas à nier les inflexions de contrôle, de contractualisation et autres conditions qui imprègnent les pratiques des CPAS et font pression sur les bénéficiaires. Mais de comprendre le sac de nœuds dans lequel ils sont empêtrés et doivent évoluer.

«Le fonctionnement des CPAS a été conçu dans un cadre où cette institution était un dispositif résiduaire, subsidiaire, qui aiderait uniquement ceux qui sont passés entre les mailles du filet de la sécurité sociale. À partir de là vont s’enchaîner les crises, les périodes d’austérité, et tout cela dans un contexte où la sécurité sociale devient de plus en plus sélective, avec des citoyens de plus en plus exclus, ne remplissant pas les conditions, et nous voilà avec un CPAS où le nombre de bénéficiaires ne cesse d’augmenter», nous expliquait Luc Vandormael, président de la Fédération des CPAS wallons, dans un entretien à la rentrée.

À l’heure où les crises se multiplient, il faudrait peut-être «renforcer les barrages», confiait aussi un travailleur, plutôt que de colmater les fuites ou éponger les pertes, sans toujours disposer des secours suffisants et adaptés. Et réfléchir à un modèle d’avenir des CPAS, qui soit, plutôt qu’une bouée, une berge à proximité, où reprendre son souffle avant de poursuivre sa route.

À propos de la situation actuelle dans les CPAS, lisez dans ce numéro notre dossier «CPAS, tu craques?»

Manon Legrand

Manon Legrand

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