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Citoyenneté

Consultation populaire: 100.000 Wallons, sinon rien?

En Wallonie, les citoyens pourront bientôt se prononcer sur l’emplacement d’éoliennes ou la construction de centres commerciaux. Encore faut-il que les partis s’entendent sur les modalités d’organisation de ces consultations populaires.

«Dans le projet 'Tivoli' avec CityDev, le travail avec l'institution permet de faire bouger certaines lignes. C'est aussi notre position d'aller dans ces espaces pour ramener du sens, s'interroger sur cette participation.» Arnaud Bilande. © Periferia-Tivoli

En Wallonie, les citoyens pourront bientôt se prononcer sur l’emplacement d’éoliennes ou la construction de centres commerciaux. Encore faut-il que les partis s’entendent sur les modalités d’organisation de ces consultations populaires. 

À ce stade, rien n’est décidé. Il reste quelques questions à trancher, et pas des moindres. Parmi celles-ci: faut-il qu’une consultation populaire se fasse sur proposition des Wallons eux-mêmes ou aussi à l’initiative de parlementaires?

Après quelques crispations, deux textes sont en cours d’analyse auprès du Conseil d’État, l’un de la majorité, PS-cdH, l’autre, celui du MR et d’Écolo. Pourtant, en fin de législature, les quatre partis s’étaient entendus sur une proposition commune qui prévoyait que l’initiative d’une consultation populaire dépendait à la fois d’un seuil fixé à 100.000 signatures et d’un tiers des membres du parlement. Un consensus qui a volé en éclats en décembre puisque la majorité a retiré, dans sa proposition, ce dernier élément. Motif invoqué: le risque d’une instrumentalisation particratique.

Mais cela ne rendra pas forcément plus simple l’organisation d’une consultation populaire. En effet, le seuil de 100.000 signatures semble difficile à atteindre, surtout sur certaines thématiques. En cause, selon John Pitseys, chercheur au Crisp, le PS et le cdH qui n’ont pas dans leur programme d’initiative en faveur de la démocratie participative. «Des quatre partis traditionnels, ils sont les moins enthousiastes. Certes, depuis 2010, le cdH est favorable à la consultation populaire, mais le PS, de son côté, reste plus attaché à une participation citoyenne, via les corps intermédiaires. D’où ce sentiment que la majorité souhaite rendre un accès plus complexe à toute consultation, malgré son intention de laisser la main libre aux citoyens», estime-t-il.

Quid du quorum?

Néanmoins, parce qu’il s’agit d’un décret spécial, la majorité n’a pas exclu d’abaisser ce seuil de 100.000 signatures, qui serait difficile à atteindre pour certaines thématiques. Pour le reste, cette consultation serait accessible, sans condition de nationalité, à tout habitant de Wallonie, sur les seules matières régionales, à l’exception de la fiscalité et du budget, et ne pourrait avoir pour objet une question contraire aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Pas question de consultation sur l’indépendance de la Wallonie ou sur la révision du pacte budgétaire européen… «À lire les propositions sur la mise en place de la consultation populaire, cette base est avant tout citoyenne, en ouvrant le seuil à tous les habitants de la région à partir de 16 ans, en faisant que cette consultation ne soit pas liée à la nationalité», analyse John Pitseys.

Selon le chercheur, difficile pourtant de mobiliser un nombre aussi significatif de citoyens, et ce, à plus d’un titre: «D’abord, sur la nature des sujets abordés lors de ces consultations puisqu’ils pourraient être intrarégionaux et limités à certaines circonscriptions; ensuite, sur le seuil de votants: il serait fixé à 10% des habitants wallons et à 10% d’habitants d’au moins cinq circonscriptions. Sur un corps électoral aussi élargi, on peut imaginer que ce sera plus compliqué d’atteindre le quorum. En effet, tant les jeunes de 16 ans que les citoyens étrangers, ce sont deux catégories difficilement mobilisables sur des sujets politiques.»

Enfin, en ce qui concerne l’organisation de ces consultations, tout reste à préciser: quel sera le mode de vérification des signatures récoltées, comment s’organisera la consultation, comment sera-t-elle contrôlée? «Autant d’éléments qui pourront favoriser ou non la mobilisation des citoyens. Car on l’a vu à d’autres niveaux, communal essentiellement, il y a mille manières de faire en sorte que le quorum d’électeurs ne soit pas atteint.» Quoi qu’il en soit, cela ouvrira le jeu démocratique aux citoyens et permettra de mettre à l’agenda politique d’autres sujets de société que ceux mis en avant par les parlementaires.

 

 

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Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste (social, justice)

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