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Regard critique · Justice sociale

Conseil de jeunes : à quoi ça sert ?

Les conseils communaux de jeunes : gadgets participatifs ou citoyenneté active ?

15-05-2012 Alter Échos n° 337

Les Conseils communaux de jeunes se multiplient en Région wallonne. Education à la citoyenneté ou gadget participatif ? Discussion avec Daniel D’Ambrosio, animateur auCreccide1 (Carrefour régional et communautaire de la citoyenneté et de la démocratie) et exemples de terrain.

Alter Echos : A quoi servent ces conseils de jeunes ?

Daniel D’Ambrosio : Leur intérêt est de permettre à des jeunes de vivre une expérience concrète de citoyenneté active. Il faut sensibiliser lesjeunes pour qu’ils y participent. C’est une démarche volontaire. Les jeunes qui viennent sont là pour vivre une expérience concrète. Ils veulent avoir un impact, on n’estpas dans la simulation démocratique. Dans les faits, ces jeunes viennent de milieux très différents. Ils veulent travailler ensemble et généralement leur but est dedonner une meilleure image des jeunes de leur commune.

AE : Le Creccide aide à la mise en place des Conseils communaux de jeunes. De manière générale, comment naissent ces conseils ?

DDA : Souvent, la volonté de mettre en place ces Conseils vient des autorités locales. Il est plus rare que des jeunes eux-mêmes prennent l’initiative. Lorsqu’il ya une réelle volonté de s’inscrire dans une dynamique de participation citoyenne, alors il faut un cadre pour que les conditions de mise en place soient les meilleures.

AE : Votre rôle est de contribuer à définir ce cadre. Vous attirez par exemple l’attention sur le travail des animateurs

DDA : Chaque conseil de jeune a un animateur désigné par la commune. Nous préconisons qu’il ne s’agisse pas d’un élu. Les profils des animateurs sonttrès différents. Il y a des éducateurs de rue, des animateurs culturels, des agents communaux ou des bénévoles. Nous formons ces animateurs. Ils ont un rôleclé. L’animateur doit contribuer à ce que la parole de ces jeunes soit prise en compte. Il aide à lancer des projets. Il facilite le débat entre les jeunes mais aussientre les jeunes et les adultes.

AE : L’objectif est-il de peser sur la politique communale ?

DDA : Disons que le principe de base est de créer des partenariats entre les jeunes et les adultes. Parfois, certaines communes organisent des conseils communaux extraordinairesavec le Conseil des jeunes. Dans certains cas, il y a des avancées très concrètes. A Fosses-la-Ville, les jeunes ont proposé de créer une extension du Ravel.L’idée a fait son chemin puis la tâche pour les élus adultes, c’est de revenir vers les jeunes pour leur expliquer les démarches entreprises.

AE : Il y a des conseils de jeunes et des conseils d’enfants. Pouvez-vous nous expliquer ce qui les différencie ?

DDA : Chez les enfants, le travail est beaucoup plus orienté sur des projets concrets alors que chez les jeunes, on ajoute généralement une dimension avis etdébats. A l’heure actuelle, il y a environ 140 conseils d’enfants et 40 conseils de jeunes du côté francophone du pays.

A Ath, « on a le droit de parler »

Le Conseil consultatif des jeunes d’Ath est né d’une idée du bourgmestre. « Mais c’est l’associatif qui le prend en charge », explique Marie Polet, animatricedudit Conseil. Elle ajoute : « L’idée était bien de faire un conseil consultatif, pas communal. Le Conseil est une façon d’éduquer à lacitoyenneté. »

Comme tous les conseils de jeunes, les activités se répartissent entre le montage de projets « jeunesse » classiques – du type organisation desoirées – et remise d’avis. L’animatrice donne un exemple : « Les jeunes vont se prononcer sur la création d’un terrain de paint-ball. Il faut se rappeler qu’ilssont là par plaisir, donc il vaut mieux partir de ce qu’ils demandent. Il faut aussi prendre en considération leur âge. L’idée d’un collectif se construit petit àpetit. » Car lorsque le thème abstrait de la « mobilité » avait été proposé comme sujet de discussion aux jeunes, le Conseil asouffert d’une certaine désaffection. « On avait commencé sur un processus lourd de réunions… et on a perdu la moitié des jeunes », raconte MariePolet.

Quant aux jeunes de 14 à 18 ans qui y participent, ils sont convaincus de l’utilité de leur démarche. Laurie, 16 ans, définit l’action du Conseil :« Des jeunes qui se regroupent pour la ville et qui essayent d’améliorer le quotidien. » Erika, 15 ans, ajoute : « On choisit nous-mêmes nos sujets.On voit parfois le bourgmestre pour parler d’un projet. » Un exemple nous est donné par Laurie : « Si un pote dit « j’en ai marre de ça », eh bien, on va enparler. On l’a fait pour le problème des chauffeurs de bus désagréables. Il faut des jeunes pour représenter les autres jeunes. » Le Conseil consultatif aura aumoins eu un mérite aux yeux d’Erika : « On a le droit de parler. Avant je pensais qu’on ne pouvait que la fermer. »

AE : Ces conseils ne servent-ils pas de gadget participatif aux communes ?

DDA : C’est vrai que certains conseils souffrent d’un déficit de reconnaissance, car il y a parfois un manque de culture de la participation. Cela varie en fonction desréalités locales. Mais c’est une expérience qui contribue à créer un réflexe participatif. Quant aux jeunes, ils sont là sur base volontaire. Ilspeuvent aller récupérer la parole des autres jeunes. Ce qui les encourage à faire connaître leur avis. Tout cela contribue à donner le goût de laparticipation.

AE : On entend parfois des critiques à l’égard de ces conseils : ils pèsent peu sur la vie politique communale. Qu’en pensez-vous ?
DDA : On attend peut-être beaucoup de ce type de structures. Il faut que les attentes soient à la juste mesure des choses. Ces jeunes construisent encore leurpersonnalité. Mais leur avis a une valeur. Ils sont au carrefour entre les adultes et les jeunes de la commune. Si les jeunes sont consultés et que leur avis ouvre le débat,c’est déjà pas mal. S’ils proposent des sujets, c’est intéressant.
Ils ne sont pas élus. Leur avis n’est pas contraignant. Ils ne peuvent pas prendre de décisions. Mais en exprimant leur point de vue, ils peuvent montrer des capacités deconviction.

AE : Idéalement, comment ces conseils devraient fonctionner ?
DDA :
L’idéal serait d’arriver à un vrai partenariat où des décisions sont prises ensemble, élus et Conseil des jeunes. Mais chaque chose en son temps.

Pepinster : des projets mais pas d’avis

A Pepinster, onze jeunes de 12 à 18 ans se sont investis dans le Conseil des jeunes animé par Sandra Laboureur. Cette dernière nous retrace l’histo
rique du Conseil :« Il est né en 2010 sur une idée du service jeunesse et de l’échevine. L’objectif est de faciliter l’accès à la citoyenneté tout enresponsabilisant les jeunes. Tous les projets viennent des jeunes eux-mêmes. » Si, selon l’animatrice, « un contact avec le collège communal se fait vial’échevine de la jeunesse », ce Conseil ne donne pour l’instant pas d’avis sur les questions de politique locale. Ici, ce sont des « projets de long terme »qui sont mis en avant. Le premier projet concerne la propreté sur la commune. Les jeunes ont monté une vidéo ludique sur ce thème en interaction avec les habitants.

Autre projet : des échanges avec des jeunes de France et d’Italie pendant l’été, où les jeunes se pencheront sur les « manipulationsmédiatiques ».

Mais alors, si les jeunes s’investissent dans des projets mais ne rendent pas d’avis, qu’est-ce qui différencie un tel organe d’une association de jeunesse type Maison de jeunes ? PourSandra Laboureur, « la distinction vient du fait que les projets s’inscrivent sur le long terme. Ils sont décidés après de nombreuses réunions, desréflexions, du travail et des débats. »

1. Creccide :
– adresse : rue de Stierlinsart, 45 à 5070 Fosses-La-Ville
– tél. : 071 71 46 61
– courriel : creccide@skynet.be

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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