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"Bénévolat : proposition de loi et réactions …dans l'incertitude"

04-03-2002 Alter Échos n° 115

Environ un million et demi de Belges exercent, d’une manière ou d’une autre, une activité bénévole. Celle-ci répond à des besoins sociaux que le secteurprofessionnel n’est pas souvent en mesure de satisfaire. Elle est en effet exercée au profit de personnes ou d’objectifs pour lesquels il est impossible de payer des prestations deprofessionnels. Or, aux yeux du législateur, des problèmes peuvent surgir, en regard du droit social, fiscal, de la responsabilité civile et du droit des assurances. Autant dedifficultés qui peuvent constituer un frein à l’engagement citoyen au bénévolat.
C’est sur la base de ces constats que des parlementaires, issus de tous les partis, ont déposé une proposition de loi « relative aux droits des bénévoles »1. Objectif :remédier à ces problèmes en créant un statut pour les bénévoles et en privilégiant la simplicité, l’uniformité et la transparence.Explications et réactions.
Sept grands axes caractérisent le texte. Le premier axe propose un ensemble de définitions : le bénévolat d’abord, qui, en résumé, met l’accent sur lecaractère gratuit et volontaire de ce type d’activité. Une activité exercée au profit de personnes, à partir d’une organisation, en dehors des liens d’un contrat detravail et qui n’a pas de but commercial. Le bénévole ensuite est défini comme une personne physique qui exerce ou s’engage à exercer une activité telle quedéfinie plus haut. L’organisation, elle, est « toute association de fait ou personne morale qui fait appel à des bénévoles ». Enfin, le contrat de bénévoles’entend comme « l’ensemble des accords sur les droits et obligations réciproques existants entre une organisation et un bénévole ».
Le second, et plus particulièrement l’article 4, est consacré à ce contrat. Il fixe la nature des activités, les responsabilités du bénévole, sesobligations, principalement au niveau du respect du secret professionnel, l’éventuelle couverture d’assurance et les défraiements prévus.
Défraiements, responsabilités et assurance
« Le régime proposé en matière de responsabilité du bénévole et de l’organisation s’inspire de celui en vigueur pour les travailleurs salariés »,précise le législateur. La responsabilité du bénévole se limite au dol et à la faute grave. Les fautes légères ne lui sont pas imputables, saufsi elle « présente un caractère habituel plutôt qu’accidentel ». Par contre les organisations sont « tenues des dommages causés par ses bénévoles dansl’exécution de leurs activités bénévoles ». Au stade actuel du texte, l’organisation peut contracter une assurance couvrant le bénévolat. Si elle ne le faitpas, elle en informe le bénévole avant la conclusion du contrat.
Au niveau du droit du travail, les réglementations relatives à la protection du travail, au bien-être du travailleur et à l’inspection du travail ne s’appliquent aubénévole que « dans la mesure où elles concernent sa protection civile et morale contre des dangers ou abus auxquels il est exposé dans l’exécution del’activité bénévole ».
Le traitement des défraiements au regard du droit fiscal et social doit faire l’objet d’une réglementation spécifique, estime encore le législateur. Il propose dèslors de ne pas considérer les défraiements et les dons faits aux bénévoles comme une rémunération. Enfin, la proposition prévoit un régimespécifique pour les allocataires sociaux (chômeurs, prépensionnés, travailleurs en incapacité de travail…) qui souhaitent travailler en tant quebénévoles.
Sur le plan du droit fiscal et social (l’ONSS), le texte limite le montant perçu non imposable aux frais réels supportés par le bénévole durant l’activité etsur la base de justificatifs. Montant déterminé le cas échéant sur la base des réglementations en matière d’indemnités pour le personnel desministères : 25 euros par jour et 1.000 euros par an. N’entrent pas non plus en compte les divers avantages en nature usuellement octroyés lors d’événements.
Les allocataires sociaux se voient préciser les conditions leur permettant d’exercer une activité bénévole. Pour les chômeurs, l’activité doit faire l’objetd’une déclaration préalable et écrite au bureau de chômage et ne peut pas dépasser les limites financières fiscalement et socialement prévues. Ledirecteur du bureau peut introduire une réclamation s’il estime que l’activité ne correspond pas à la notion de bénévolat définie par la loi. Un recours estpossible, durant lequel le chômeur ne perd pas ses droits.
Des modifications sont prévues dans les législations relatives aux allocations familiales, et aux activités des prépensionnés, minimexés, handicapéset personnes âgées (bénéficiaires de revenu garanti, de pension de retraite et de survie…) leur permettant d’être bénévoles sans perted’allocation. Enfin, le travailleur atteint d’une incapacité de travail peut être bénévole pour autant qu’un médecin conseil constate que les activités sontcompatibles avec le handicap.
Notons enfin que l’article sur les dispositions transitoires prévoit au stade actuel que les organisations qui occupent des bénévoles ont six mois pour établir un contratde bénévole sur la base de l’article 4.
L’APV : “Sur la bonne voie, mais… »
Léon Lemercier, président de l’Association pour le volontariat2 se montre plutôt critique envers cette proposition de loi. Il passe en revue ses bons et mauvais aspects.
Satisfaction au niveau des définitions, de la responsabilité du bénévole et de l’organisation, de l’obligation d’informer préalablement le bénévolequant à l’éventuelle absence d’assurance et de la procédure d’accès des chômeurs au bénévolat.
Insatisfaction en ce qui concerne la fiscalité. Nous dénonçons une disposition unique pour remboursement et indemnité qui provoque abus ou surprisesdésagréables, argumente le président de l’APV. Et de préférer un système qui distingue ces deux formes d’intervention. À savoir :
> « Des dispositions fiscales de remboursement forfaitaire de frais difficiles à justifier, applicables à tout le volontariat quel que soit le secteur, accompagnéd’instructions claires et contrôlables, éliminant toute notion de rémunération… Le bénévolat est et doit rester un don gratuit.
> Des dispositions fiscales d’indemnités négociées par secteurs suivant leurs besoins pour la survie de leur fonctionnement. Exemple : les indemnités dans les milieuxsportifs n’ont rien à voir avec celles du secteur socioculturel… »
Insatisfaction encore en ce qui concerne l’accès des allocataires sociaux au bén&eac
ute;volat. « Ces paragraphes se contentent de dire que les allocataires sociauxbénévoles ne perdent pas le bénéfice de leur allocation s’ils ont une indemnité en tant que bénévoles. Cela relève du droit duchômage. Je ne vois donc pas ce qu’ils viennent faire dans cette proposition de loi. »
Opposition claire et nette, enfin, à la notion de contrat et à l’application du droit du travail au bénévolat.
« La signification du mot contrat pourrait ne pas être comprise ni acceptée par les bénévoles, car synonyme d’obligation. Nous avons toujours recommandé une »convention » entre parties, librement consentie… » Cette convention serait basée sur le principe de civilité (assurer ses permanences, prévenir de ses absences), de respectdes règles du jeu (la charte et/ou le règlement d’ordre intérieur de l’association) et de moralité (« on ne triche pas »).
Elle préciserait les objectifs de l’association, les règles internes, l’organisation de l’occupation (horaires, activités…) et les éventuelles interventionsfinancières et la question de la couverture du bénévole par une assurance.
Léon Lemercier souligne cependant que le caractère obligatoire même d’une simple convention est irréaliste et impraticable sur le terrain. Principales raisons : ladiversité des formes de bénévolat (engagement ponctuel, occasionnel ou régulier, administrateurs ou membres d’une association de fait…), l’importante mobilitédes bénévoles entre associations et le nombre élevé de contrats à établir et à gérer (plus de 1.600.000).
L’application des règles du travail au bénévolat est incompatible avec la réalité et l’essence même de ce secteur. « Dans le monde du travail, il y a vente deson temps. Dans celui du bénévolat, il y a don de son temps. De plus, ajoute le président de l’APV, les règles du travail y sont inapplicables. Comment voulez-vous lestransposer à la récolte de fonds pour une ONG par un groupe de louveteaux un dimanche après-midi sur la voie publique? » Et d’ajouter que les politiques « n’ont jusqu’à cejour pas fait preuve d’une grande imagination sur le sujet. Ils se limitent à copier ce qui existe déjà dans le monde du travail sans créer une législationcorrespondant aux besoins du volontariat. »
Conflit communautaire larvé?
Du côté de la Commission des affaires sociales, en charge de cette proposition de loi, on précise que son dépôt fait l’objet d’un consensus. La Commission a faitparvenir le texte, pour avis, au Conseil d’État, à la commissaire au gouvernement adjointe au ministre des Affaires sociales et aux Comités de gestion de l’Office national despensions, de l’Onafts et de l’Onem. Dès réception de ces derniers, la Commission poursuivra l’examen du texte, procédera aux débats et déposera d’éventuelsamendements (dont certains, notamment suggérés par le secteur, seraient déjà prêts). Si tout va bien, le texte devrait être adopté avantPâques.
Par ailleurs, la Commission dans son ensemble a approuvé la proposition de résolution Écolo d’instaurer un Conseil supérieur du volontariat (CSV) au niveaufédéral. Le Conseil des ministres a marqué son accord de principe pour la création de ce Conseil. Enfin, le comité de concertation de ce 26 février a prisnote de la proposition de créer le CSV. Il invite le ministre des Affaires sociales et la commissaire au gouvernement qui lui est adjointe de se concerter avec les Communautés etRégions sur la problématique du volontariat. Il propose enfin de faire dépendre la création d’un Conseil supérieur du volontariat de l’issue de cetteconcertation.
Reste que d’aucuns soulignent des divergences communautaires sur ce dossier. Si les Flamands sont en demande d’une réglementation du bénévolat, ce n’est apparemment pas le casdes francophones. Ceux-ci revendiquent davantage la création du CSV. Un Conseil dont les Flamands, qui possèdent déjà leur propre structure, ne voudraient pas. Des sourcesbien informées confirment ainsi que des objections politiques se sont fait entendre au Kern du 26 février à ce sujet. La Flandre y aurait contesté la compétence dufédéral en la matière et certains ministres francophones auraient marqué certaines réticences… Au point de menacer l’avenir du CSV et le statut desbénévoles? À voir…
1 Le texte est disponible sur le site http://www.lachambre.be, sous le n°1526/001.
2 Association pour le volontariat, rue Royale, 11 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 219 53 70 / 96, fax : 02 219 32 48.

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