Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Petite enfance / Jeunesse

A quoi bon formaliser le non-formel ?

Le Forum européen de la jeunesse propose de créer un label qualité de l’éducation non formelle afin de la valoriser. Les organisations de jeunesse belges s’interrogent

30-03-2012 Alter Échos n° 335

Le Forum européen de la jeunesse propose de créer un label qualité de l’éducation non formelle afin de la valoriser. Les OJ belges voient d’un œil méfiant cette tentative de formalisation du non-formel.

Formaliser l’éducation non formelle. En voilà une drôle d’idée. C’est pourtant l’objectif du Forum européen de la jeunesse1 qui propose d’instituer un « cadre pour des indicateurs et une garantie de qualité de l’éducation non formelle ». L’idée serait de créer d’ici 2015 un label qualité afin de valoriser ce type d’éducation prodiguée, entre autres, par les organisations de jeunesse (OJ).  

Pour contrecarrer le déficit de reconnaissance dont souffre l’éducation non formelle, le Forum propose d’élaborer un « processus » d’assurance de la qualité. L’« Evaluation de l’individu et des organisations » serait au programme pour voir si les besoins de la société et les besoins d’apprentissage du jeune sont rencontrés.

Une définition

« L’éducation non formelle fait partie intégrante de la notion d’éducation permanente qui permet aux jeunes et aux adultes d’acquérir et d’entretenir les compétences, les aptitudes et les dispositions nécessaires pour s’adapter à un environnement en mutation constante. Elle peut résulter d’une initiative individuelle et prendre la forme de diverses activités d’apprentissage menées en dehors du système éducatif formel (…) »

Résolution 1437 de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Dans les Organisations de jeunesse belges, le besoin de créer un tel cadre ne se fait pas sentir de manière pressante. Tous les interlocuteurs contactés par Alter Echos sont bien d’accord sur un point : l’éducation non formelle pâtit d’un manque de reconnaissance. Mais la peur de devoir « rentrer dans des cases » est à chaque fois mise en avant. Christophe Cocu, de la Fédération pluraliste d’organisations de jeunesse Relie-F2, exprime une « réticence » par rapport à ce projet du Forum européen de la jeunesse. Il craint que « mettre des critères de qualité bride la créativité ». Il souhaite qu’on reconnaisse enfin à leur juste valeur les apports de l’éducation non formelle « via la charte associative qui permet aux pouvoirs publics de valider la qualité et les principes qui sous-tendent la démarche associative », ajoute-t-il.

Et bien sûr, une meilleure valorisation passe aussi par davantage de moyens, comme l’explique Julien Bunckens, secrétaire général du Conseil de la jeunesse catholique3 : « Les efforts à faire concernent les finances mais aussi l’accessibilité, l’état des bâtiments, la visibilité. » Il estime que l’objectif du Forum est « très louable », mais il met en garde : « Attention aux cadres trop rigides qui nous feraient rentrer dans un moule. » S’il ne s’oppose pas au principe d’une évaluation de la qualité du travail réalisé, « celle-ci ne doit pas être certificative ». Le secrétaire général des jeunes catholiques voit dans le projet du Forum européen un potentiel de tracas bureaucratique : « Il est déjà difficile pour de nouvelles organisations de jeunesse de voir le jour, de rentrer dans les critères des pouvoirs publics, alors en multipliant les cadres on va tuer les initiatives. »

La course à l’emploi

Il y a une crainte. Et si de telles « assurances de qualité » ne visaient qu’à instrumentaliser l’éducation non formelle à des seules fins d’employabilité ? En bref, que les expériences en Organisations de jeunesse ne deviennent qu’une case supplémentaire dans un CV. C’est ce qui inquiète Geoffroy Carly directeur du Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation actives4. Il souligne une tension : « Les associations demandent de la reconnaissance, mais le seul modèle qui existe vient du formel ». Pour lui, la « valorisation sur le marché du travail des compétences acquises est un effet de l’éducation non formelle, mais ne doit pas être le but ». Car avec ce type de cadres, Geoffroy Carly pense que le non-formel sera encore et toujours considéré comme un simple outil, « alors qu’il faut lui donner du sens politique, qui est celui de l’émancipation sociale. »

En Belgique, les OJ planchent ardemment sur le Plan jeunesse proposé par la ministre. Elles y évoquent bien souvent l’éducation non formelle comme enjeu transversal. Vers la valorisation tant attendue ? Réponse dans quelques mois.

1. Forum européen de la jeunesse :
– adresse : rue Joseph II, 120 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 230 64 90
– site : http://www.youthforum.org
2. Relie-F:
– adresse : rue des Tanneurs, 186 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 513 54 94
– courriel : info@relie-f.be
3. CJC :
– adresse : rue de la Charité, 43 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 230 32 83
– courriel : cjc@cjc.be
4. Cemea :
– adresse : service de jeunesse, rue de Sluse, 8 à 4000 Liège
– tél. : 04 253 08 40
– courriel : service-jeunesse@cemea.be

Cédric Vallet

Cédric Vallet

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)