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Regard critique · Justice sociale

Migrations

A Malmedy, un réseau semi-rural de solidarités avec les sans-papiers

A Malmedy, Couleur Café réinvente l’aide aux sans-papiers en zones semi-rurales : des familles accueillent chez elles des personnes venues de tous les horizons.

18-12-2011 Alter Échos n° 329

A Malmedy, Couleur Café réinvente l’aide aux sans-papiers en zones semi-rurales : des familles accueillent chez elles des personnes venues de tous les horizons. Ellesbénéficient pour ce faire d’un accompagnement professionnel.

En 2008, Pol Grégoire, frère mariste de Malmedy, avait mis sur pied en compagnie de partenaires issus du monde associatif et de simples citoyens un comité malmédien desoutien aux sans-papiers. Le projet avait bénéficié d’une aide de la Fondation Roi Baudouin. Alter Echos a voulu savoir ce qu’était devenu ce projettrois ans plus tard. Nous avons donc rencontré le frère Pol Grégoire et Ina Abdo, responsable de ce projet auprès de Couleur Café.

AE : En quoi consistait le projet de départ ? Et en quoi a-t-il changé ?

Pol Grégoire : Au départ, l’objectif était de prêter aux sans-papiers une somme qui leur permette de se procurer un logement. Cette somme aurait dûêtre remboursée dès que la personne en aurait eu les moyens. Ce qui reste très hypothétique, puisque les sans-papiers ne bénéficient pardéfinition d’aucun droit. Des familles d’accueil offraient une sorte de parrainage de 10 à 15 euros par jour. Et puis, en octobre dernier, la charge de travail étanttrop importante pour moi, c’est donc tout naturellement que la coordination du projet a été transférée à « Couleur Café ».

AE : Qu’est donc Couleur Café ? Et pourquoi avoir repris un projet sans-papiers ?

Ina Abdo : L’objectif principal de Couleur Café est de créer ou recréer le lien social en encourageant la solidarité, les échanges interculturels etintergénérationnels, et en mobilisant les ressources individuelles et collectives. Nous sommes à la fois maison de quartier, école de devoirs, service d’insertionsociale. Nous donnons aussi des cours de français et de citoyenneté.

AE : Pour mener à bien cette nouvelle action, vous faites appel à une nouvelle intervention de la Fondation Roi Baudouin. En quoi consiste cette nouvelle mouture ducomité sans-papiers ?

IA : Nous nous trouvons dans une région semi-rurale autour de laquelle existent maintenant six centres d’accueil de demandeurs d’asile. Nous favorisons une approchespécialisée, basée sur des « critères de vulnérabilité » : être une femme, un enfant, une personne malade ouprésentant un handicap. Il y a aussi de nombreuses pathologies mentales : près du tiers des résidents de l’aile psychiatrique de la clinique de Saint-Vith sont dessans-papiers. Certains souffrent de psychoses migratoires, mais d’autres présentaient déjà des symptômes dans leurs pays d’origine. Nous voulons donc pouvoiroffrir une aide médicale urgente à ces personnes. Et nous nous entourons d’intervenants – médecins, juristes, assistants sociaux, etc. – qui offrentl’appui nécessaire au sans-papiers lorsqu’il effectue ses démarches. Il reste l’acteur principal de son parcours.

AE : Comment cela se passe-t-il en pratique ?

IA : Des familles d’accueil acceptent de loger chez elles une personne. Nous les accompagnons. Nous travaillons surtout le « choc culturel ». Les famillesd’accueil ont besoin d’un accompagnement : pour elles, accueillir un Iraquien, c’est comme si le monde faisait soudain irruption dans leur salon. Quand vous rentrezaprès une journée de boulot et que vous trouvez un sans-papiers endormi sur votre sofa parce que le stress l’a tenu éveillé toute la nuit, ce n’est pasévident. D’autre part, certaines cultures ont un rapport différent au temps : le sans-papiers arrivera donc peut-être en toute bonne foi à 16h30 pour unrendez-vous programmé à 14 heures. Il faut donc travailler des deux côtés : les personnes qui accueillent, mais aussi les sans-papiers. Chacun doit savoir qui ilest et accepter la différence de l’autre.

AE : Apparemment, les sans-papiers de Malmedy sont plutôt bien accueillis par la population locale. Comment expliquez-vous cette cohabitation ?

IA : Ils se rendent utiles, ils rendent des services à des personnes âgées, comme le déneigement des trottoirs, ils sont volontaires à la Croix-Rouge. Ils nesont donc pas perçus comme des parasites vivant sur le travail des autres mais comme des personnes participant à la vie de la communauté. Il faut dire aussi que les sans-papiersont également beaucoup changé depuis une quinzaine d’années. Beaucoup connaissent Internet, parlent plusieurs langues. Cela change aussi leurs possibilitésd’intégration.

AE : Comment peut-on devenir famille d’accueil ? Quelles sont les étapes ?

IA : C’est une négociation au coup par coup. Nous tenons compte des particularités de la famille, de ses capacités, de ses désirs. Et bien entendu, pareilpour la personne accueillie. Un jeune couple, par exemple, nous a demandé de pouvoir accueillir un jeune kurde pendant un mois dans leur petit appartement. Ils viennent de nous direqu’ils veulent prolonger d’un mois. Et puis, peut-être qu’ils prolongeront davantage…

Marco Bertolini

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