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2003, Année européenne des personnes handicapées. Un pétard mouillé ?

L’Année européenne des personnes handicapées1 s’est clôturée à Rome, les 5, 6 et 7 décembre dernier, lors d’une grandeconférence à laquelle ont participé nombre d’associations, de personnes directement concernées par le handicap, ainsi qu’un large éventaild’officiels. Que restera-t-il de cette année, au-delà des bonnes intentions et d’une nécessaire campagne de sensibilisation ? Lors de la séance declôture, la commissaire européenne Ana Diamantopoulou, après avoir critiqué assez vertement l’absence de réaction politique des États membres,s’est engagée à introduire une proposition de directive pour interdire toute discrimination des personnes handicapées, dans tous les domaines de la vie.

27-07-2005 Alter Échos n° 156

L’Année européenne des personnes handicapées1 s’est clôturée à Rome, les 5, 6 et 7 décembre dernier, lors d’une grandeconférence à laquelle ont participé nombre d’associations, de personnes directement concernées par le handicap, ainsi qu’un large éventaild’officiels. Que restera-t-il de cette année, au-delà des bonnes intentions et d’une nécessaire campagne de sensibilisation ? Lors de la séance declôture, la commissaire européenne Ana Diamantopoulou, après avoir critiqué assez vertement l’absence de réaction politique des États membres,s’est engagée à introduire une proposition de directive pour interdire toute discrimination des personnes handicapées, dans tous les domaines de la vie.

« Tous ensemble » était le slogan de l’Année européenne. Mais au vieil hôpital San Giovanni, où se tenait la conférence de Rome, seulsles valides pouvaient franchir la dizaine de marches qui barraient la porte d’entrée. Pour les personnes se déplaçant en chaise roulante, il fallait pénétrerdans le hall par un chemin séparé, via une porte dérobée à l’arrière du bâtiment. Cette grosse maladresse a été commise par laprésidence italienne (co-organisatrice de l’événement avec la Commission européenne) qui s’est d’ailleurs fait vertement critiquer en séancepublique, pour ce choix malheureux, par plusieurs personnes handicapées.

Tous ensemble ? Parmi les quelque 500 participants à la conférence de clôture, on notait de multiples ONG, dénotant une réelle volonté partenariale de lapart de la Commission européenne. Par contre, un seul représentant de la Confédération européenne des syndicats avait été invité à Rome,ce qui est d’autant moins compréhensible que la CES, tout au long de 2003, avait mené une intense campagne de mobilisation à travers ses sections nationales etprofessionnelles, sur le thème « Un pour tous, tous pour un ». Cette absence syndicale contrastait, à Rome, avec le tapis rouge défilé sous les pieds desreprésentants des multinationales, Microsoft en tête, pour qui une soirée officielle d’hommage avait été même organisée. Côtésyndical, on buvait la soupe à la grimace.

Une salutaire sensibilisation

La conférence de Rome a été l’occasion d’un bilan. Que peut-on retenir de l’Année européenne des personnes handicapées ? La Commissioneuropéenne entendait mener la bataille tout d’abord au plan des idées et des mentalités. Avec un certain succès à cet égard. Objectif : faire en sorteque les personnes handicapées soient les protagonistes directs de l’année. Durant 12 mois, la Commission européenne a martelé un double message : les personneshandicapées ont des compétences multiples ; elles doivent jouir d’une égalité de droits dans tous les domaines de la vie, l’emploi, le transport, le logement,l’éducation…

De fait, l’année 2003 a été l’occasion de milliers d’événements dans les différents États européens, d’innombrablesarticles de presse. Un autobus a sillonné plus de 100 villes en Europe, pour entamer le débat avec les habitants. Dans l’opinion, la campagne laissera sans doute des traces.

Bilan politique maigre

« Il est grand temps que l’on passe de l’émotion à un combat politique pour la revendication de véritables droits », s’est exclamé sousles applaudissements Michel Mercier, professeur d’université belge, lui-même non voyant, et par ailleurs président du comité consultatif wallon dans le cadre del’Année des personnes handicapées.

À ce niveau politique, toutefois, ce bilan apparaît bien maigre.

Certes, la Commission européenne, le 31 octobre 2003, s’est dotée d’un plan d’action (recommandation morale) pluriannuel, qui offre un cadre européen deréférence contre les discriminations. En application de ce plan, la priorité sera d’abord donnée à l’emploi en 2004 et 2005.

À la tribune de l’hôpital San Giovanni à Rome, Odile Quintin, directrice générale de la DG Emploi et Affaires sociales de la Commission européenne, aannoncé que la Commission allait désormais tous les deux ans publier une sorte de rapport d’audit, auscultant les mesures prises dans les États en faveur del’intégration des personnes handicapées. La « haute fonctionnaire » a également plaidé pour des politiques de « mainstreaming », en clair,pour que le souci d’inclusion sociale des personnes handicapées traverse l’ensemble des politiques européennes. Mais jusqu’ici, tout cela reste du domaine du «non obligatoire ».

L’engagement de Mme Diamantopoulou

La commissaire européenne Ana Diamantopoulou, concluant la conférence de Rome, a critiqué sans langue de bois les États membres de l’Union européenne pourcause d’inaction. En 2000, en effet, une directive (2000/78/EC) avait été adoptée pour l’égalité du traitement au niveau de l’emploi,intégrant un volet contre la discrimination des personnes handicapées. D’après les délais imposés, et selon la procédure en vigueur, les Étatsmembres se devaient de transposer en droit national cette directive au plus tard en décembre 2003.

À cette échéance, seuls trois pays s’étaient acquittés de cette obligation : l’Italie, la France et la Belgique. Dire que cela traduit un manque deconsidération pour l’Année européenne des personnes handicapées constitue un euphémisme ! Comme gardienne des traités, la Commission a confirméson intention d’accentuer la pression sur les États retardataires.
Ana Diamantopoulou a créé une agréable surprise en disant sa volonté (relayant de la sorte une forte aspiration des ONG et de la CES) d’introduire une directivespécifique pour combattre les discriminations dont sont victimes les personnes handicapées, en dehors du seul champ de l’emploi. Curieusement, cet engagement ne figure pas dans laversion officielle et écrite du discours de la commissaire européenne. Signe qu’elle serait allée trop loin par rapport à la pensée politiquement correcte ausein de la Commission ?

The European Disability Forum (EDF)2, la plate-forme de 50 ONG européennes représentant les personnes handicapées, a voulu saisir immédiatement la balle au bond. Aulendemain de Rome, cette organisation de la société civile s’est fendue d’un communiqué de presse pour féliciter Ana Diamantopoulou de ses déclarationsen faveur d’une directive spécifique. « Dit, c’est dit. » « Un engagement, c’est un engagement ! »

1. Site : http://www.eypd2003.org

2. Site : http://www.edf-feph.org

Agence Alter

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