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Santé

International: vers plus de flexibilité en matière de drogues?

En avril prochain se tiendra une session spéciale de l’assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) autour des questions de drogues. Sera-t-elle l’occasion d’une inflexion de la politique internationale en la matière? Pas si sûr. La Fedito Bruxelles a organisé vendredi dernier une matinée d’études sur la question.

01-03-2016
© Flickrcc Jurassic Blueberries

En avril prochain se tiendra une session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) autour des questions de drogues. Sera-t-elle l’occasion d’une inflexion de la politique internationale en la matière? Pas si sûr. La Fedito Bruxelles a organisé vendredi dernier une matinée d’études sur la question.

L’UNGASS 2016 (session spéciale de l’assemblée générale des Nations Unies, sur demande d’états membres) sera l’un des grands rendez-vous de la politique internationale en matière de drogues. Elle se tiendra à New-York en avril prochain.

La problématique «drogues» n’avait plus été à l’ordre du jour de ces – rares – sessions spéciales depuis 1998. Le slogan qui en était alors sorti: «A drug free world!». Aujourd’hui, ce sont le Mexique, le Guatemala et la Colombie qui appellent au débat, directement touchés par «les effets néfastes de la guerre contre les drogues sur le continent latino-américain», a résumé Marie Nougier, de l’International Policy Drug Consortium (IPDC).

Marché noir estimé à 320 milliards de dollars, corruption et violences, incarcérations massives… La «guerre contre la drogue» a des conséquences dévastatrices. En matière de droits de l’homme notamment, les constats sont alarmants. Dans le monde, une personne sur cinq condamnée à une peine de prison l’est pour pour un délit lié à la drogue. Parmi elles, 80% ont été condamnées pour simple possession. Dans 33 pays, la peine de mort est toujours appliquée pour trafic de drogues (en ce compris pour «petit trafic») voire pour possession. C’est le cas de l’Indonésie.

C’est sans parler des effets néfastes de la prohibition sur la santé des consommateurs, tenus à rester dans l’illégalité (hépatite C, VIH Sida, overdoses…).

Pourtant, ce ne sont pas moins de 1.000 milliards de dollars qui sont dépensés chaque année dans le monde pour la politique «drogues».

Des réponses alternatives

Les traités internationaux sont longtemps restés le motif par excellence pour empêcher le développement de politiques alternatives à la répression en matière de drogues. Plusieurs pays sont pourtant «allés chercher les limites des conventions internationales pour tester des réponses alternatives». Coffee shops aux Pays-Bas, cannabis social clubs en Espagne et aujourd’hui en Belgique, décriminalisation de l’usage de toutes les drogues au Portugal, mouvement de légalisation du cannabis dans plusieurs états nord-américains, marché du cannabis réglementé par l’État uruguayen… Le président bolivien Evo Morales a aussi tenté pour la première fois de faire réviser les traités internationaux pour préserver l’usage traditionnel de la feuille de coca.

Quant à l’Union européenne, si elle ne remet pas en question le contenu des traités internationaux, elle soutient désormais une «interprétation flexible de ces conventions», afin de «pouvoir s’accommoder de diverses politiques en matière de drogues», a expliqué Marie Nougier.

Voici le côté pile. Côté face, une orientation plus dure en faveur de la prohibition se consolide dans certains pays (par exemple en Russie).

«Le consensus n’existe plus, conclut Marie Nougier. Actuellement les gouvernements sont en négociation sur le document qui sortira de l’UNGASS.» Les points qui sont aujourd’hui en débat sont la reconnaissance, au niveau international, de la réduction des risques; la proportionnalité des peines et la décriminalisation de l’usage de drogues; l’abolition de la peine de mort; les liens à établir entre les problématiques «drogues» et les politiques de développement; et enfin, la révision des indicateurs de succès des politiques de drogues (saisies, nombres d’arrestations par exemple).

L’IPDC appelle à une mobilisation des associations et des citoyens pour un débat autour de ces questions.

«La Belgique ne doit pas rater cette opportunité»

À Bruxelles, Cécile Jodogne a réaffirmé les axes prioritaires de sa politique en matière de promotion de la santé et de réduction des risques. Elle a promis l’allocation d’un budget supplémentaire pour le matériel stérile d’injection et s’est montrée, une nouvelle fois, favorable au développement de solutions innovantes comme les salles de consommation à moindre risque. «Nous allons plaider au fédéral pour la mise en place de SCMR, a-t-elle avancé en ouverture de la matinée. C’est l’attitude adéquate: prendre en compte les gains pour la santé publique, gains qui doivent être mis en évidence par des études scientifiques. Je suis plutôt ouverte et soutenante, mais cela ne dépendra pas que de moi.»

Alors que les drafts des documents de l’UNGASS sont actuellement en circulation, pour la Fedito Bruxelles, «jusqu’à présent, on ne peut pas dire qu’ils soient à la hauteur de nos espérances». «La Belgique ne doit pas rater cette opportunité, a pourtant affirmé Sébastien Alexandre, directeur de la fédération bruxelloise, reprenant les propos d’un ministre colombien: ‘Les problématiques drogues se déplacent à le vitesse de l’internet. Les politiques drogues ne peuvent plus évoluer à la vitesse du télégraphe.’»

En savoir plus? Lisez les documents issus de la matinée d’études de la Fedito.

Web + :

«’La tolérance zéro est une hérésie’», Alter Échos n° 393, novembre 2014, Marinette Mormont.

«Révoqué le régime sec?», Alter Échos n°374, janvier 2014, Marinette Mormont (édito).

«Drogues à ciel ouvert, cocktail de risques», Alter Échos n°414-415, Marinette Mormont.

 

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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