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En attendant la Capac…

Téléphone inaccessible, files d’attente à rallonge, nombre d’agents en diminution… La députée fédérale, Zoé Genot (Ecolo) souhaite une évaluation des services rendus par la Capac.

Téléphone inaccessible, files d’attente à rallonge, nombre d’agents en diminution… La députée fédérale, Zoé Genot (Ecolo) souhaite une évaluation des services rendus par la Capac.

La Capac (Caisse auxiliaire des allocations de chômage) effectue le paiement des allocations de chômage auprès de 120 000 allocataires. Le service public a-t-il la capacité de suivre ces dossiers ? À Bruxelles, la file commence à partir de 6 h du matin, alors que les portes ne s’ouvrent qu’à 8 h, dénonce Zoé Genot dans une question parlementaire adressée à la ministre fédérale de l’emploi, Monica De Coninck (sp.a)1. La députée Ecolo s’est rendue sur place : « Peu avant 8 h, il y a déjà une file de plus de cent personnes devant les portes et vous avez plusieurs heures d’attente. Si vous arrivez plus tard, vous n’avez aucune chance d’être reçu dans la matinée. » Quant à la ligne téléphonique, ce ne serait guère mieux. « Pour avoir interrogé plusieurs personnes, la plupart m’ont dit ne plus essayer de téléphoner, car cela ne sert à rien. »

Le suivi des dossiers complexes semble particulièrement problématique. « Il s’agit par exemple de personnes qui prestent quelques heures d’enseignement sur un statut d’indépendant. Plusieurs témoignages faisaient l’état de l’impossibilité de la Capac à les payer, mais aussi du conseil qui leur était donné d’arrêter ce travail, vu les complications qu’entraînait la mise en ordre de son dossier, et donc cette incapacité à le payer. »

« Comme les usagers, le personnel est soumis à une pression terrible », renchérit Zoé Genot.

En 2012, des licenciements ont touché le personnel de la Capac pour cause de restrictions budgétaires. Toutefois, des cadres ont été engagés dans le même temps.

La ministre satisfaite

Dans sa réponse, Monica De Coninck (sp.a) s’est montrée confiante dans les services rendus par la Capac, rappelant les investissements mis en oeuvre. En 2005, une étude sur l’accessibilité téléphonique des services publics avait montré des résultats désastreux pour la Capac : dans 50 % des cas, la communication n’aboutissait pas dans un délai satisfaisant. Depuis, la Capac a été dotée d’un centre d’appel dont une série de fonctionnalités a été automatisée l’automne dernier. Selon une enquête mystery shopping menée par P&O en 2011, sur 16 centres d’appel de l’autorité publique fédérale audités, celui de la Capac est l’un des meilleurs !

En outre, souligne Monica De Coninck, « les bureaux de paiement sont ouverts à raison de 22 heures par semaine, en moyenne ». Depuis 2011, la Capac a mis en place un système de tickets pour mieux gérer la salle d’attente. En moyenne, « chaque guichetier reçoit ainsi 38 assurés sociaux par semaine ».

Entre 2010 et 2013, la Capac a investi dans un support informatique pour permettre à l’assuré social de consulter directement son dossier en ligne. Récemment, un système de visite sur rendez-vous a été institué. « Le nombre de collaborateurs en congé de maladie a légèrement diminué durant cette période ; le nombre moyen de jours de maladie par collaborateur est passé de 9,57 % en 2011 à 8,77 % en 2013 », se félicite encore la ministre.

Malgré ce tableau presque idyllique, force est de constater que le travail des agents de la Capac a considérablement augmenté. Le nombre d’équivalents temps plein a chuté de 584 en 2010 à 533 en 2013. Le nombre de clients suivis par travailleur était de 31,75 par semaine en 2012 contre 42,52 l’an dernier. D’où l’appel lancé par la députée fédérale pour évaluer de façon externe la qualité des services de la Capac.

« Nous n’avons jamais refusé personne ! »

Jean-Marc Vandenbergh, administrateur général de la Capac, répond à nos questions.

Alter Échos : Comment réagissez-vous aux critiques lancées par Zoé Genot ?

Jean-Marc Vandenbergh : Madame Genot tente de défendre les intérêts des usagers. C’est également notre première préoccupation, avec le bien-être de nos collaborateurs. Si certaines informations apportées par Madame Genot sont correctes, elles doivent être remises dans un contexte plus large, celui des licenciements de 2012 et de la pression accrue qui pèse sur notre personnel. Par contre, les informations concernant l’accessibilité téléphonique et de façon générale l’accueil de nos usagers ne sont pas tout à fait exactes. J’aurais aimé que Madame Genot rencontre des représentants de la Capac afin qu’elle comprenne davantage notre réalité.

AÉ : Justement, par rapport à l’accessibilité téléphonique, qu’en est-il ?

JMV : Elle est excellente. La Capac est parmi les contacts centers les plus performants de l’autorité fédérale !

AÉ : Alors d’où viennent les problèmes ?

JMV : Dans le courant 2012, nous avons dû procéder à des économies, imposées par le gouvernement pour un montant de 1,3 million d’euros. Ce qui a eu un impact direct sur le personnel comme sur la qualité de l’accueil téléphonique. Mais nous avons tout fait pour qu’il y ait le moins d’impact négatif possible. Le temps d’attente moyen au téléphone est aujourd’hui d’une minute et dix-huit secondes. Mais, il est vrai que si vous appelez entre 11 et 12 heures, le temps d’attente sera plus long. En outre, nous avons battu des records entre le 1er janvier et le 15 février de cette année, avec plus de 125 000 appels reçus, d’où un impact sur l’accessibilité. Aujourd’hui, il y a 28 agents qui s’occupent du contact center de la Capac, et nous espérons arriver à 31 dans les prochains mois. La qualité de l’accueil par téléphone est une priorité, car cela permet d’avoir moins de files d’attente dans nos guichets.

AÉ : Quant au malaise du personnel, il est réel ?

JMV : La Capac est une institution pauvre. La totalité du budget pour notre personnel est utilisée. La pression sur nos agents est grande. Plusieurs raisons : d’abord, la Capac se modernise, s’informatise. Cela demande du temps, des formations. C’est une transition difficile, la faute notamment à de nombreux bugs informatiques. Ensuite, la réglementation dans le suivi des demandeurs d’emploi est d’une complexité sans nom et le suivi des dossiers est de plus en plus complexe. La dégressivité des allocations de chômage n’arrange rien. On constate aussi plus d’agressivité chez nos usagers qui veulent être payés le plus rapidement possible. Or, pour être payé après la première demande, il faut 60 jours au minimum et surtout que votre dossier soit complet. Pour rendre l’accueil à nos services plus agréables et diminuer la violence dans nos salles d’attente, nous avons modernisé la plupart de nos bureaux.

AÉ : Malgré tout, l’image de la Capac reste très négative…

JMV : L’image du passé nous colle à la peau. On n’a pas suffisamment investi dans nos services par le passé. Mais je peux vous assurer que nous misons sur la qualité : le temps d’attente dans nos bureaux en 2013 était de 11 à 27 minutes en moyenne pour la constitution d’un dossier. À chaque fois, nous répondons à toutes les situations, toutes les difficultés, et nous n’avons jamais refusé personne. Ce qui est vrai, c’est que dans les gros bureaux, le travail y est plus difficile, les temps d’attente plus longs. En particulier à Bruxelles où se pose le problème de la langue, un public plus précarisé, parfois plus agressif aussi…

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste (social, justice)

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