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Violence scolaire : déconstruire les clichés

« La violence à l’école, c’est la faute à Laurette. Aujourd’hui, les élèves sont plus violents qu’avant. Et surtout dans les milieuxdéfavorisés… » Des réactions comme celles-là, il en pleut. Après 10 ans de coordination des études réalisées par le mouvementsociopédagogique CGé (ChanGements pour l’égalité), Benoît Galand1, par ailleurs enseignant et chercheur en psychologie à l’UCL, fait le pointsur son travail de coordination des études et tord le cou à une série d’idées reçues dans une conférence intitulée « Violences à l’école,un faux problème ? » programmée le samedi 18 août dans le cadre des Rencontres Pédagogiques d’été à Wépion.

28-08-2007 Alter Échos n° 233

« La violence à l’école, c’est la faute à Laurette. Aujourd’hui, les élèves sont plus violents qu’avant. Et surtout dans les milieuxdéfavorisés… » Des réactions comme celles-là, il en pleut. Après 10 ans de coordination des études réalisées par le mouvementsociopédagogique CGé (ChanGements pour l’égalité), Benoît Galand1, par ailleurs enseignant et chercheur en psychologie à l’UCL, fait le pointsur son travail de coordination des études et tord le cou à une série d’idées reçues dans une conférence intitulée « Violences à l’école,un faux problème ? » programmée le samedi 18 août dans le cadre des Rencontres Pédagogiques d’été à Wépion.

« Violence : de quoi parle-t-on ? »

Pour analyser la violence scolaire, un phénomène qui peut arriver dans n’importe quelle classe ou n’importe quel établissement, le chercheur Benoît Galand refuse de secontenter des idées reçues véhiculées par le public et les médias. « De quoi parle-t-on, précise-t-il, des délits, des chahuts, de l’indiscipline, dela violence institutionnelle, des enseignants confrontés à leurs élèves violents, aux difficultés administratives, …? » Pour essayer de cerner lephénomène, il utilise une première approche, les enquêtes de victimisation2, menées en CFWB en 2000 et 2003 qui en donnent une image quantitative. « Lesfaits de violence physique, pénalement les plus graves, présents dans les médias, sont en fait extrêmement rares. La violence verbale et les agressions contre les bienssont beaucoup plus présents. »

Petites causes, grands effets

Au-delà de la quantification, le chercheur s’est aussi penché sur la cause de la souffrance. Selon lui, les faits répétitifs, plus banals du quotidien comme lesagressions verbales, le phénomène du bouc émissaire dans les classes, les conflits entre collègues ou avec la direction, la confrontation avec l’indiscipline desélèves, etc., la répétition et le cumul de ces faits, constituent le type de cause le plus répandu. Si un fait important, relativement exceptionnel, s’ajouteà cette violence au quotidien, cela augmente ce sentiment.

Une évolution ?

Aujourd’hui, il n’est pas facile de déterminer si ce phénomène évolue. Tout le monde en parle, mais il y a peu d’états des lieux et presque aucun chiffre enBelgique. Dans d’autres pays, les études montrent peu d’évolution. « De toutes façons, précise B. Galand, il est difficile de comparer des choses incomparables. On faitdavantage attention aujourd’hui à la violence. On en parle différemment. L’intolérance par rapport à tout usage de la violence a augmenté. Le public scolaire et lecorps professoral ont fort changé ainsi que le rapport à l’autorité, au savoir, à l’école. » Par ailleurs, le conférencier relève aussi que le discoursselon lequel « la violence augmente » est une constante depuis que l’homme dispose de traces écrites. On a peu de moyens de déterminer comment le phénomène évolueréellement, ainsi, ce discours serait à prendre avec des pincettes.

Selon B. Galand, les acteurs doivent faire attention à la dérive qui consiste à prendre peur, à se méfier les uns des autres et à réprimer : « cephénomène est davantage un problème de vivre ensemble, de se respecter, de parler ensemble; une approche dure et répressive présente le danger de renforcer leproblème plutôt que de lui apporter des solutions. Nos études montrent que la tolérance zéro a des failles et n’améliore pas nécessairement le climatde l’établissement et le sentiment d’inquiétude. Les établissements où le phénomène semble le mieux maîtrisé utilisent le travaild’équipe, le partenariat sur le projet d’école, la formation du personnel, la réflexion sur la pédagogie, la valorisation, la coopération et essaient de fairepreuve de cohérence dans la pratique de leurs missions. Il ne s’agit donc pas de supprimer la sanction, qui arrête mais qui n’apprend pas à faire autrement, mais de mieuxréfléchir sur la sanction. »

Le public défavorisé ?

Une autre idée reçue consiste à lier violence et public défavorisé. « C’est moins l’origine sociale de l’ado que son expérience scolaire, sesdifficultés, ses échecs, ses relégations qui génèrent des violences », répond B. Galand. « Toutefois, on constate que la gestion de la discipline et ducomportement est plus difficile dans des écoles à public défavorisé. »

Les réactions

Face à cette analyse d’un universitaire, les acteurs scolaires sont, selon Benoît Galand, en général réceptifs. S’ils constatent que l' »autorité »n’est plus liée au statut de l’enseignant, qu’il existe peu de lieux pour parler de ce phénomène, ils se retrouvent dans cette synthèse, y trouvent une aide pour recadrerle problème. Les enseignants et directions qui pratiquent la réflexion pédagogique et le travail d’équipe et de réseau se disent même renforcés par cediscours. Certains soulignent que la sévérité a des effets positifs ou négatifs. Les campagnes de prévention one shot apportent peu par rapport à untravail de plus longue haleine avec un médiateur et un projet d’équipe. Pour être efficace, le cours d’éducation à la citoyenneté devrait déboucher surun travail d’expérimentation de la citoyenneté dans l’école. Des enseignants soulignent qu’il faudrait aussi davantage apprendre aux jeunes à parler. Et pourd’autres, il faut compléter cet apprentissage par des espaces de parole.

Quant à la question controversée de la place à donner aux forces de l’ordre, là aussi, les expériences sont positives ou négatives et dépendentfort des personnes. Mais des effets intéressants peuvent voir le jour lorsque la police devient un partenaire de l’école dans un cadre clair, limité et négocié, cequi demande du temps et des efforts.

Et demain ?

Et pour les 10 ans qui viennent, quels sont les projets de B. Galand ? « Je n’ai pas l’impression d’avoir fait le tour de la question. Il est nécessaire de renouveler à moyenterme les enquêtes d’état des lieux, ce qui permettrait d’apporter des éléments d’analyse d’une évolution. Il faut aussi travailler sur les pistes de solution etd’accompagnement des acteurs. Nous devons continuer à communiquer et à dialoguer sur le sujet pour combattre les idées reçues. Enfin, une question restepréoccupante : même si on connaît des pistes d’actions, peu sont mises en œuvre. Quelles sont les conditions pour y arriver ? »

Bref, pour B. Galand,
le discours « c’est la faute à » ne mène pas à grand-chose. L’enjeu, c’est de comprendre que les responsabilités sont partagées, que chacun aquelque chose à faire, même s’il ne peut pas tout faire. D’où l’importance de travailler en réseau et de réinventer des synergies.

1. Benoît Galand- ChanGements pour l’égalité, chaussée de Haecht, 66 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 218 34 50
– courriel : info@changement-egalite.be
– site : www.changement-egalite.be

2. Voir www.psed.ucl.ac.be/violenceecolep1.htm

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