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Secret professionnel : les enseignants sont-ils concernés ?

Quand on évoque la question de la déontologie, le secret professionnel devient rapidement le centre de toutes les attentions. Le personnel des centres psycho-médico-sociaux(CPMS) ainsi que les enseignants n’échappent pas à la règle. Pour définir le cadre législatif et juridique du secret professionnel, en établirl’étendue mais aussi les limites, la direction générale de l’enseignement obligatoire vient de sortir deux brochures qui leur sont destinées.

20-04-2007 Alter Échos n° 227

Quand on évoque la question de la déontologie, le secret professionnel devient rapidement le centre de toutes les attentions. Le personnel des centres psycho-médico-sociaux(CPMS) ainsi que les enseignants n’échappent pas à la règle. Pour définir le cadre législatif et juridique du secret professionnel, en établirl’étendue mais aussi les limites, la direction générale de l’enseignement obligatoire vient de sortir deux brochures qui leur sont destinées.

Le secret professionnel est une réalité incontournable pour le bon fonctionnement de bien des institutions. Sans lui, nombre de professionnels ne pourraient espérerétablir la relation de confiance indispensable avec leurs consultants (qu’il s’appelle patient, client, usager, élève, parent…), élémentindispensable au bon exercice de leur « art » ou de leur profession. Ces professionnels sont ainsi directement concernés par un ensemble de textes normatifs relatifs au secretprofessionnel qui s’imposent à eux. Toutefois, il n’est pas toujours évident d’identifier quels sont ceux qui doivent être appliqués dans lesdifférents cas d’espèce. D’autant plus que l’interprétation de ces textes faite par les cours et tribunaux doit également être sérieusementprise en compte pour une bonne compréhension de la portée réelle du secret professionnel…

Le monde scolaire et les centres psycho-médico-sociaux (CPMS) n’échappent pas à cette réalité. Cet état de fait crée légitimement laconfusion et rend la gestion de la notion de secret professionnel parfois ardue. Afin d’éclaircir quelque peu la question, la direction générale de l’enseignementobligatoire a décidé de plancher sur le sujet et vient de publier deux plaquettes sur le secret professionnel, l’une destinée au personnel des CPMS, l’autre auxenseignants1. Distribuées aux écoles de la Communauté française et aux CPMS, ces plaquettes visent à définir la notion de secret professionnel,à établir clairement son cadre législatif et juridique et ainsi à en établir l’étendue mais aussi les limites. L’objectif est donc de fournir aupersonnel des CPMS et aux enseignants un point de repère exploitable dans leur pratique quotidienne. L’exercice est effectivement ardu, tant la réalité du terrainn’est pas toujours aisément rapportable dans un cadre théorique et général. Les réponses n’y sont donc pas toutes faites et renvoient parfois àla responsabilité individuelle des intervenants.

Des positions quelque peu nuancées

Reste qu’à la lecture de la brochure consacrée aux enseignants, d’aucuns ont marqué leur étonnement, à commencer par la Fédération descentres PMS libres (FCPL)2. “On peut y lire, en toutes lettres, que l’enseignant est soumis au secret professionnel, remarque Paul Maurissen,secrétaire-général adjoint du FCPL. Or, l’avis n° 13 rendu par le Conseil supérieur de la guidance et des centres PMS se différencie du contenu de labrochure ici distribuée aux écoles. Si on s’en tient au fascicule, les enseignants seraient donc soumis à l’article 458 du code pénal qui définit leprincipe de base du secret professionnel3. S’ils le violent, les enseignants pourraient donc être poursuivis pénalement. L’affaire ne s’est pas encoreprésentée à ma connaissance mais les enseignants, avec l’évolution actuelle de la société, sont de plus en plus amenés à recevoir desinformations confidentielles. Lorsqu’il y aura conflit, comment les tribunaux interpréteront-ils la chose ? Apparemment, les avis divergent…”

Si dans la plaquette, on rappelle bien que, en ce qui concerne les éducateurs et les enseignants, leur statut leur impose de ne pas « révéler les faits dont ils auraienteu connaissance en raison de leur fonction et qui auraient un caractère secret », on précise également qu’il ressort de l’analyse menée par le servicejuridique de la Communauté française et celui de la direction générale de l’enseignement obligatoire qu’un enseignant, un éducateur d’écoleou d’internat et un chef d’établissement peuvent être aux yeux de l’article 458 du Code pénal assimilés « à des personnes dépositaires parétat ou par profession des secrets qu’on leur confie ».

Lise-Anne Hanse, directrice générale de l’enseignement obligatoire, précise également en introduction au fascicule que, à l’instigation du Conseilsupérieur de la guidance et des centres PMS, « une réflexion a été entamée dans mes services pour voir dans quelle mesure la notion de secret professionnels’applique aux membres des CPMS. Dans ce cadre, il est vite apparu que la notion de secret professionnel telle qu’appliquée dans les CPMS ne peut être dissociée de sonapplication dans les établissements scolaires. En effet, ainsi que démontré par l’analyse des textes et de la jurisprudence, les enseignants sont, eux aussi, desprofessionnels qui peuvent être soumis au secret
professionnel.”

Ce qu’en dit le Conseil supérieur de la guidance PMS

L’avis n° 13 du Conseil supérieur de la guidance PMS semble, quant à lui, moins tranché4 : “En ce qui concerne les éducateurs et lesenseignants, leurs statuts leur imposent de ne pas révéler les faits dont ils auraient eu connaissance en raison de leur fonction et qui auraient un caractère secret (art. 10 del’A.R. du 22.03.1969, art. 18 du décret du 01.02.1993, art. 11 du décret du 06.06.1994). Nonobstant les interprétations diverses sur la portée juridique de cesarticles au plan pénal, il faut retenir la dimension éthique du devoir de discrétion. Celui-ci doit être au centre de leur mission éducative tout autant qu’aucentre des missions PMS.”

Le Conseil supérieur donne également quelques précisions sur la notion de “secret partagé” entre l’agent CPMS et l’enseignant : «L’agent PMS veillera, dans son partage d’informations, à respecter les cinq conditions (NDLR : du secret partagé) qui sont cumulatives5. Une de ses missions estde traduire en termes éducatifs les informations dont il dispose afin d’aider les enseignants dans leur mission. Enseignants et personnel PMS participent à une missionpédagogique commune : « On peut considérer qu’un enseignant et une personne travaillant pour le PMS font partie de la même équipe pédagogique et peuventdiscuter ensemble de la situation familiale pénible d’un élève (sans tierce personne et sans révéler le secret à des tiers), à l’instar dumédecin et de ses collaborateurs qui forment une équipe médicale » (M. Rothschild, directeur des Affaires juridiques et contentieuses). »6

Un certain flou artistique

Au service législation et gestion scolaire du Segec7, le Secrétariat général de l’enseignement catholique, on précise que lesfédérations n’ont pas été consultées pour la rédaction de cette brochure et qu’on n’a pas souvenance d’avoir un jour entendu parlerd’une quelconque jurisprudence sur le sujet un niveau des enseignants. “En ce qui nous concerne, l’article 18 du décret fixant le statut des membres du personnelsubsidiés de l’enseignement libre subventionné (01/02/1993, cf. plus haut) qui demande une obligation professionnelle de réserve aux enseignants, est rappelé dans lesdocuments contractuels”, précise Bénédicte Beauduin, directrice du service.

La question de l’élargissement aux enseignants de la portée de l’article 458 du code pénal, définissant le secret professionnel, n’est donc pasréglée, tant s’en faut. Reste que la plaquette qui a été distribuée à toutes les écoles de la Communauté française, ne semble pas,jusqu’ici, soulever de débats. “Elle n’a pas été non plus, remarque Paul Maurissen de la FCPL, accompagnée de beaucoup de communication…”Anne Hellemans, qui a participé à son élaboration, rappelle toutefois que des formations sur le sujet peuvent être sollicitées auprès de la directiongénérale de l’enseignement obligatoire. La chose se pratique déjà pour les centres PMS.

1. Les brochures (Le secret professionnel et les enseignants – Pistes de gestion et Le secret professionnel et les CPMS – Pistes de gestion) sont téléchargeables sur le site de l’Administration générale del’enseignement et de la recherche scientifique.
2. FCPL, av. Mounier 100 à 1200 Bruxelles – tél. : 02 256 73 11-
fax : 02 256 73 14 – courriel : fcpl@segec.be
3. Le Code pénal (Art. 458) définit le principe de base ainsi : « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autrespersonnes, dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justiceet celui ou la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois etd’une amende de 500 euros à 2 500 euros».
4. Avis n°13 – 1205 « Le Secret professionnel des membres du personnel des Centres Psycho-médico-sociaux » Conseil supérieur de la guidance psycho-médico-socialeet de l’Orientation scolaire et professionnelle. Téléchargeable sur : http://www.segec.be/Fcpl/actualites/csgpms.htm
5. Les cinq conditions cumulatives requises pour le secret partagé sont les suivantes :
1. aviser le maître du secret de ce qui va faire l’objet du partage, et des personnes avec lesquelles le secret va être partagé ;
2. obtenir l’accord du maître du secret. Il est capital de demander à la personne qui s’est confiée si elle vous autorise à partager le secret ;
3. partager ces informations exclusivement avec des personnes tenues également au secret professionnel ;
4. ne les partager qu’avec des personnes en charge d’une même mission. En effet, des professionnels intervenant pour une même situation peuvent poursuivre des finalitéstrès différentes ;
5. limiter le partage à ce qui est strictement utile et indispensable à la bonne exécution de la mission commune dans l’intérêt exclusif du maître dusecret.
6. Réponses à une question du Conseil supérieur de la guidance PMS (02/09/2005 – 29/09/2005).
7. Segec, service LGS, av. Mounier, 100 à 1200 Bruxelles – tél. : 02 256 70 11.

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