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Quel avenir pour l’associatif bruxellois ?

Le numéro de juin du …Bis, la publication trimestrielle du Conseil bruxellois de coordination sociopolitique (CBCS)1 pose plusieurs regards prospectifs surl’associatif bruxellois.

16-06-2006 Alter Échos n° 210

Le numéro de juin du …Bis, la publication trimestrielle du Conseil bruxellois de coordination sociopolitique (CBCS)1 pose plusieurs regards prospectifs surl’associatif bruxellois.

Il s’agit de la troisième étape d’un processus enclenché il y a un an avec l’interview de douze membres du CBCS, représentants defédérations et responsables d’associations issues de secteurs variés comme la santé mentale, l’insertion, l’action sociale, l’interculturel ouencore la jeunesse. Entre ces deux temps, des tables rondes ont permis de dégager les idées fortes, de dessiner des scénarios.

Abraham Franssen, du centre d’études sociologiques des Facultés universitaires Saint-Louis2, a prêté main-forte à cette démarche. Ilpointe d’emblée l’enjeu de la transversalité. « Il existe des lieux de concertation, comme les fédérations par exemple, mais la prolifération necontribue pas toujours à construire une vision partagée permettant de tracer des perspectives », dit-il. Or cette transversalité a toute son importance dans le contexteactuel où l’on observe une croissance de la fréquentation des publics et des pratiques. On est souvent dans l’action immédiate, la réflexion estmorcelée, chacun dans son association, dans son secteur. Outre les associations qui différent beaucoup les unes des autres, le sociologue relève aussi un secondélément de fragmentation : l’amoncellement des instances Cocof, Cocom, régionales, communales etc. en plus des autres niveaux de pouvoir et des compétences.

Des constats partagés

Lors des tables rondes, les mêmes mots clés reviennent : précarisation croissante des différents publics, complexification des situations dans lesquelles les gens sontempêtrés, trajectoires brisées, individualisation croissante, multiples « je » fissurés, renouvellement constant du public. « Il y a convergence,précise A. Franssen, mais elle est ambivalente, car une partie de cette complexification est liée au jeu des associations elles-mêmes. De nouveaux dispositifs se mettent en place,on se donne les moyens d’être attentif à de nouvelles problématiques. Le filtre du guichet a tendance à s’élargir. »

Le constat de l’effritement des lieux de sociabilité est-il indépendant de l’extension du processus associatif ? Franssen cite pour exemple l’attitudeconsumériste reprochée aux usagers. « N’est-elle pas favorisée par le fait qu’on les nomme de plus en plus souvent des clients ? », interroge-t-il.

Une question reste en débat : quel est le modèle actuel d’action sociale ? Celui de l’émancipation de l’individu (on l’aide à reprendre dupouvoir sur sa vie et pas uniquement à répondre à des problèmes ponctuels) est en tension croissante avec des logiques plus instrumentales notamment dans le domaine del’insertion. Un modèle réparateur (intervention supplétive aux carences de l’institution à la vie en société) ? Un modèled’accompagnement (moins apporter une réponse qu’aider à prendre en charge ses problèmes) ? Un modèle intégré (travailler ensemble, prendre encharge les différentes facettes de la personne avec le risque du fantasme de la complétude) ?

Les discussions ont également mis le doigt sur le contexte institutionnel, sur le tirage entre les associations et les pouvoirs publics, entre la demande de reconnaissance et lavolonté d’autonomie. « La reconnaissance augmente de pair avec l’auxiliarisation », remarque Franssen. Une espèce de New Deal est à trouver dans undécor institutionnellement morcelé (social, santé, communautaire, francophone, néerlandophone) qui segmente de facto l’action sur le terrain.

Et l’avenir ?

Quel sera l’avenir du social et de la santé à Bruxelles ? Le scénario le plus précis, le plus prévisible est celui du maintien du poto-poto actuel. «Le cadre institutionnel est à la fois trop large et trop étriqué, explique Abraham Franssen. L’approche est sectorielle dans une ville qui se prend pour une région.» Entre marteau des contraintes institutionnelles et l’enclume des besoins sociaux, les associations vivent un entre-deux confortable qui permet de se cacher, d’alimenter la plaintesans la responsabilité des solutions…

Un autre scénario, celui de la modernisation gestionnaire, implique une auxiliarisation du monde associatif plus efficace et moins couteux que l’administration. On sentdéjà une pression pour une vision adaptative des individus aux exigences d’insertion (compétitivité, performance), une structuralisation de l’offre, unetraçabilité accrue des usagers, une mise en réseau des professionnels (banque carrefour, de données, parcours intégré).
Le troisième scénario, souhaité par les participants, suppose quant à lui une transversalité locale (des travailleurs communs à plusieurs services) etglobale (une fédération de fédérations par exemple), une construction de lieux où les associations peuvent structurer leurs constats et leurs capacitésd’interpellation. Être davantage partenaire qu’auxiliaire, en quelque sorte.

1. Conseil bruxellois de coordination sociopolitique, av. Voltaire, 135 à 1030 Bruxelles – info@cbcs.be – fax : 02 245 23 02 – tél. : 02 644 04 81

2. FUSL, bd du Jardin botanique, 43 à 1000 Bruxelles

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