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Quand l'économie sociale butine dans le champ de la consultance…

Fin janvier s’est tenue une nouvelle édition de la « bourse aux expertises », un espace de rencontre entre le secteur de l’économie sociale et celui de la consultanceprivée.

30-01-2009 Alter Échos n° 266

Fin janvier s’est tenue une nouvelle édition de la « bourse aux expertises », un espace de rencontre entre le secteur de l’économie sociale et celui de la consultanceprivée. Objectif : aider l’économie sociale à se professionnaliser plus encore, promouvoir son développement et contribuer ainsi à la création d’emploi.

Ce mardi 27 janvier, les locaux de l’Agence Alter, à Bruxelles, ont accueilli la troisième édition de la « bourse aux expertises ». Des représentants de 32structures agréées et subventionnées comme entreprises d’économie sociale (ES) dans le cadre de l’ordonnance bruxelloise de mars 20041 ont ainsi pu rencontrer25 consultants actifs dans des domaines aussi divers que la gestion des ressources humaines, le marketing, la gestion de la qualité, les finances et la trésorerie, la planificationstratégique, etc. A la suite de ces rencontres, ces entreprises d’ES pourront déposer individuellement une demande de subvention afin de financer le recours à de laconsultance.

« Il y a quatre ans, dans le cadre du programme Creasoc2, qui avait pour but de promouvoir la croissance de l’ES à Bruxelles, nous avions réalisé uneenquête pour identifier les besoins du secteur, explique Gaëlle Francart, qui coordonne le projet pour l’Agence Alter. Nous avions alors identifié une forte demande pour desfonctions de support : ces entreprises ont besoin d’expertises extérieures diverses pour se professionnaliser, se pérenniser et se développer. L’idée est alors venue,d’une part, de faire se rencontrer « physiquement » les demandes des entreprises d’ES et les offres des consultants privés et, d’autre part, de trouver du financement public pour permettreà l’économie sociale de se payer ces services spécialisés. Ainsi est née la « bourse aux expertises ». »

De l’approche aux sous

Concrètement, le schéma chronologique du projet est en gros le même depuis trois ans. Pour cette édition, il peut être résumé ainsi:

– à la fin de l’été, un courrier est envoyé aux entreprises d’économie sociale reconnues afin de les informer du lancement du projet et de ses modalités;

– en novembre, les partenaires du projet (Alter, Crédal, SAW-B et Hefboom) reçoivent les représentants des entreprises qui souhaitent participer à la bourse ; le pointest fait avec chacune pendant une bonne heure sur ses besoins en consultance ; pour les entreprises qui voient déjà clair au départ sur leurs besoins, le travail esteffectué par échange de courriels ;

– fin janvier, la bourse elle même est organisée lors d’une journée spéciale : les représentants de chaque entreprise ont l’occasion de passer du temps, lors deséances individuelles de 25 minutes, avec les consultants identifiés par les organisateurs comme étant les plus susceptibles de rencontrer leurs besoins spécifiques ;

– pour mars, les entreprises qui le souhaitent introduisent un dossier de candidature afin de décrocher un chèque de 2 500 euros pour financer une mission de consultance ;

– un jury constitué de représentants du cabinet Cerexhe, de l’administration et d’experts extérieurs sélectionne alors, sur la base de critèresprédéterminés, un maximum de 14 projets qui seront soutenus grâce à un chèque ; l’entreprise a alors 6 mois pour faire effectuer la mission de consultance enson sein.

32 entreprises sur 62

Au total, pour l’édition 2008-2009, sur les 62 entreprises d’ES reconnues, 32 ont participé à la bourse du 27 janvier et 14 recevront une subvention via chèque.

En fait, explique Gaëlle Francart, « environ la moitié des entreprises qui participent à la bourse de janvier n’introduisent finalement pas de demande de subvention.Il semble que le passage à l’acte, la mise en œuvre d’une démarche avec des conséquences concrètes – le fait qu’un « extérieur » vienne mettre son nezdans les affaires de la boîte, même avec son consentement et dans un cadre précis – puisse bloquer certains. Les entreprises d’ES sont souvent au centre de schémasinstitutionnels ou décisionnels complexes : les personnes qui, au départ, ont introduit une manifestation d’intérêt, puis ont poursuivi le processus ne sont pas toujoursles mêmes que celles qui peuvent in fine décider d’enclencher effectivement un travail de consultance. » Pas de quoi décourager les organisateurs, cependant :« même pour les entreprises qui ne donnent pas suite formellement, nous pensons qu’il y a un gain : des cartes de visite s’échangent et pas mal de choses se passent endehors du système de chèque, lors des contacts directs par la suite. En fait, toute la première partie du processus, y compris la journée de « bourse », estdéjà une fin en soi : elle permet aux entreprises d’avoir un premier diagnostique extérieur sur l’un ou l’autre problème, de pêcher des idées pour plustard, de faire de la mise en réseau, etc. »

Du côté du cabinet du ministre Cerexhe (CDH)3, qui finance l’opération, on semble en tout cas convaincu de l’utilité de celle-ci. Maïlys Verhaegen,conseillère du ministre, explique : « Il est important de soutenir les démarches qui aident réellement les entreprises de l’économie sociale. Il estévident que des gestionnaires qui auront pu faire appel à des expertises extérieures seront mieux armés pour pérenniser, puis développer leur entreprise. Ornous sommes convaincus que l’économie sociale est un gisement d’emplois important, au delà des 1 350 existants. »

Butinage, oui. Mais essaimage ?

Les représentants d’entreprises d’ES rencontrés nous ont en tout cas fait part de motivations fort diverses. Quelques exemples en vrac…
« Nous devons redéfinir l’identité de notre boîte, le « qui nous sommes et vers où nous allons ». Mais en même temps, on a trop le nez dans le guidon et, eninterne, ce sont toujours un peu les mêmes qui réfléchissent. Un regard extérieur est vraiment indispensable pour nous, maintenant. »
« Au fil du temps, notre projet s’est subdivisé en différentes spin off, on a vraiment besoin de soutien pour élaborer la stratégie qui nous permettra degarder une cohérence globale. »
« Nos missions impliquent que notre personnel est la plupart du temps sur les routes, aux quatre coins de la Région. Par ailleurs, nous sommes en forte croissance. Nous avons donc besoinde conseils pour organiser le travail : aussi bien au niveau des méthodes sur le fond que pour choisir des logiciels adéquats. »

Du côté des consultants, le système leur permet en tout cas d’augmenter leur portefeuille de clients. Ainsi, Anne Bodart, consultante pour le CFIP, est ravie :« C’est bingo. En une demi-journée de présence à la bourse, je me retrouve avec plusieurs contrats quasi
signés. De plus, les contratsdécoulant de la bourse ayant de fortes chances d’être subventionnés, cela réduit aussi le risque d’avoir un client en difficulté de paiement. » Unélément important pour des consultants qui sont souvent de simples indépendants… Un bémol pointé, tout de même : « Même sic’est une petite minorité, on sent qu’il y a des gens qui sont clairement là un peu par obligation, parce que leur structure leur a demandé de venir mais sans savoir trèsclairement pourquoi. »

Pour Serge De Backer de Cap Conseil, un autre consultant, l’enjeu de la « bourse » n’est en fait pas tellement d’ordre économique : « Ce qui est intéressant,c’est surtout la rencontre humaine avec des acteurs de terrain actifs dans le social ; on est dans un premier contact, en dehors d’une relation commerciale, on est donc très vite dans lasincérité et on se sent utile. »

Après trois ans d’existence, le dispositif semble en tout cas avoir prouvé son utilité. La question de sa pérennisation en tant que tel ou de son transfert vers desacteurs structurellement reconnus et financés, comme les agences conseil en ES, se pose sans aucun doute.

Du côté des organisateurs, on réfléchit par ailleurs à étendre le dispositif au delà du secteur de l’économie sociale, par exemple vers lesecteur du commerce équitable. Voire même à lorgner vers la Wallonie.

1. Ordonnance relative à l’agrément et au financement des initiatives locales de développement de l’emploi (ILDE) et des entreprises d’insertion (EI) du 18 mars 2004(publiée au Moniteur du 30 mars 2004). Cette ordonnance circonscrit, régit et finance le secteur de l’économie sociale en Région bruxelloise, via les deux grandstypes d’agrément : les ILDE et les EI.
2. Creasoc était un programme de soutien et de promotion des secteurs de l’insertion socioprofessionnelle et de l’économie sociale bruxellois. Les partenaires étaientl’Agence Alter, Crédal, Groupe One, SAW-B, l’EPFC et l’Institut Roger Guilbert. L’objectif était de renforcer les capacités des acteurs du secteur à identifierles enjeux de leur développement et à y apporter des réponses, notamment en matière de formation.
3. Cabinet du ministre Benoit Cerexhe :
– adresse : rue capitaine Crespel, 35 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 508 79 11
– courriel : info@cerexhe.irisnet.be
– site : www.cerexhe.irisnet.be

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