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"Qualité de l'emploi : la présidence belge de l'UE veut infléchir la Stratégie européenne pour l'empl"

08-10-2001 Alter Échos n° 106

Les 20 et 21 septembre à Bruxelles, la ministre Onkelinx1 et la DG Emploi et Affaires sociales de la Commission organisaient deux journées de travail sur la qualité del’emploi : For a Better Quality of Work.
La préoccupation de la qualité d’emploi n’est pas nouvelle au niveau des institutions européennes, mais c’est depuis peu qu’elle apparaît àl’avant-scène. En effet, la Stratégie européenne pour l’emploi et les Plans d’action nationaux qui en découlent imposent des objectifs quantitatifsambitieux en termes de création d’emplois, et plusieurs voix se sont élevées pour, en substance, qu’on ne crée pas n’importe quels emplois, etqu’on ne porte pas atteinte aux normes existantes de qualité d’emploi, simplement en voulant atteindre à tout prix ces objectifs quantitatifs. Le Conseil européen adonc demandé à la ministre Onkelinx de préparer pour le sommet de Laeken une batterie d’indicateurs et de normes sur la qualité d’emploi. Utilisés auniveau de chaque État membre, ces indicateurs faciliteront la prise en compte de la qualité d’emploi dans les plans d’action nationaux que chaque pays concocteannuellement.
Il est intéressant de noter dans les différents discours que la qualité d’emploi est comprise comme un facteur de la croissance économique. Avec des phrases comme« La qualité d’emploi est la base de la prospérité dans la société de la connaissance », la présidence belge entend aller àl’encontre d’une vision de court terme, la plus courante dans le monde de la gestion d’entreprise et de la finance, qui voudrait que le poids de la compétitivité desentreprises pèse d’abord sur les épaules de leurs travailleurs.
Mais le projet est ambitieux, surtout quand on le confronte aux réalités du monde du travail que rapportaient les participants. Ainsi, les rapports récents de la Fondation deDublin (European foundation for the imporvement of living and working conditions)2, avec la collaboration de laquelle cette conférence a été préparée, montrentqu’“il n’y a plus d’amélioration automatique des conditions de travail en Europe depuis dix ans”. Sans parler du reste du monde… C’est notamment lestress au travail qui est mis en cause.
> Des études montrent que nombre d’“entreprises flexibles” sont celles où on trouve à la fois les plus hauts taux de profits et le plus de stress autravail.
> Notamment dans les métiers où les technologies de l’information deviennent déterminantes, les horaires s’allongent et les temposs’accélèrent, avec des effets négatifs surtout sur les femmes et les travailleurs âgés.
> Plus aucun expert ne conteste que, depuis 40 ans, le fait d’être sur un contrat de travail temporaire est le premier facteur de risque de mauvaise santé et d’accidentsau travail.
Les constats de la Fondation de Dublin semblent même parfois anachroniques : “Un travailleur sur trois se plaint de douleurs dorsales liées au travail. Pratiquement lamoitié des travailleurs disent travailler dans des positions douloureuses ou pénibles, et plus de la moitié de la main-d’œuvre affirme être soumise à descadences très élevées et des délais très serrés pendant au moins un quart de son temps de travail.” Pour la Fondation de Dublin, lesaméliorations enregistrées en termes d’autonomie au travail ou de possibilités de formation continue ne compensent pas ce type de reculs.
Face aux discours parfois alarmistes des participants, mettre en avant la qualité de l’emploi ressemble à une démarche à contre-courant. L’emploi durable et dequalité est défini comme celui qui “assure la santé et le bien-être du travailleur et qui lui permet de combiner les temps de travail et de non-travail demanière flexible et productive”. Parmi les dix composantes de la qualité d’emploi, on retrouve p. ex. les perspectives de carrière, l’égalité desgenres, l’inclusion et l’accès au marché du travail, la participation et la concertation sociale, la performance, la non-discrimination, etc. Soit des réalitésévidemment difficiles à cerner par des indicateurs, et faciles à énoncer politiquement… de façon vague.
Au niveau des conclusions, on note aussi un consensus implicite entre la plupart des institutions concernées : les mesures d’amélioration de la qualité de travailenvisagées et les normes visées en la matière s’appuient sur une individualisation de la négociation des conditions de travail, des horaires et de laflexibilité. Pratiquement, on ne parle pas non plus des emplois d’insertion, activés et autres, que les États membres sont en train de créer dans le cadre de lamême Stratégie européenne pour l’emploi.
La motion de conclusion de la conférence était intitulée “La qualité : la force motrice de la croissance économique”. Méthode Coué? On lesaura en épluchant les conclusions du sommet de Laeken le 14 décembre. Ce n’est qu’ensuite que viendront, le cas échéant, des réglementations et desdirectives.
1 Cabinet : Denis Stokkink, rue du Commerce 78-80 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 233 51 11, fax : 02 230 10 67, site : http://meta.fgov.be
2 EFILWC, tél. : +353 1 204 31 26, fax : +353 1 282 64 56, site Web : http://www.eurofound.ie

Thomas Lemaigre

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