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Médiateurs de terrain en matière de pauvreté : état des lieux

Des « médiateurs de terrain », ayant connu des situations d’extrême pauvreté, aident à faire le lien entre personnes précarisées et services publics. Cetteexpérience, unique en Europe, est encore actuellement à l’état de projet pilote. Lancé en 2004 par le ministre Christian Dupont1 et la secrétaired’État Els Van Weert2, le projet a été évalué à mi-parcours ce 23 novembre.

04-12-2006 Alter Échos n° 220

Des « médiateurs de terrain », ayant connu des situations d’extrême pauvreté, aident à faire le lien entre personnes précarisées et services publics. Cetteexpérience, unique en Europe, est encore actuellement à l’état de projet pilote. Lancé en 2004 par le ministre Christian Dupont1 et la secrétaired’État Els Van Weert2, le projet a été évalué à mi-parcours ce 23 novembre.

L’expérience des médiateurs de terrain en matière de pauvreté consiste à engager au sein des services publics fédéraux des personnes ayantvécu des situations d’extrême pauvreté : grâce à leur expérience de vie, ces fonctionnaires d’un nouveau genre sont censés réduire lefossé entre les personnes précarisées et les services publics. Le SPP Intégration sociale a été le premier service public fédéral àlancer un projet pilote, en novembre 2004, dans le cadre duquel deux médiateurs de terrain ont été engagés. D’avril à septembre 2005, deux coordinateurs deprojet ont été chargés d’organiser la présélection des candidats et de mettre en route la formation devant mener à la qualification de «médiateur de terrain en matière de pauvreté et d’exclusion sociale ».

Entre le 1er octobre 2005 et le 16 mai 2006, 16 médiateurs de terrain (8 francophones et 8 néerlandophones) ont été engagés par le SPPIntégration sociale : ceux-ci sont en formation deux jours par semaine et détachés trois jours par semaine pour effectuer leur stage pratique au sein de services publicsdéterminés. Les deux coordinateurs sont quant à eux chargés du suivi et du soutien de la pratique quotidienne, de la collaboration entre les « médiateurs» entre eux et avec leurs collègues, et, enfin, de collaborer à l’évaluation et au développement du projet.

Formation

Le concept et la formation des médiateurs de terrain ont été élaborés en Flandre par De Link. Les médiateurs engagés pour participer au projetfédéral ont été sélectionnés parmi les médiateurs qui étaient en troisième année de formation (sur quatre ans en tout) ou parmiles candidats ayant terminé leur cycle.

Du côté francophone, une filière de formation a été développée avec l’Institut Roger Guilbert (promotion sociale). À la fin de ladeuxième année académique, une attestation de réussite de niveau secondaire supérieur (mais non pas le certificat d’enseignement supérieur secondaire)devrait être délivrée.

Ces 16 médiateurs sont actifs au sein de 9 services différents : SPF Justice, SPF Sécurité sociale, SPF Finances, SPF Santé publique, Sécurité dela Chaîne alimentaire et Environnement, Banque Carrefour de la Sécurité sociale, ONP, Onem, Caami et l’Onafts.

Leur travail consiste à aider à définir la politique en matière de lutte contre la pauvreté. Concrètement, il s’agit d’accueillir, guider et soutenir le »groupe-cible », rassembler et relayer ses problèmes et ses besoins, réfléchir à une communication adaptée, et adapter les mesures politiques à laréalité sociale des personnes précarisées.

À l’origine du projet, le ministre de l’Intégration sociale, Christian Dupont, et la secrétaire d’État à l’Économie sociale, Els Van Weert, sont confiants: « Les médiateurs de terrain offrent une vraie plus-value aux organismes qui sont amenés à travailler en contact avec un public défavorisé. En adaptant leurstratégie de communication mais aussi l’élaboration même de leur politique, ces organismes font un pas important vers toute une partie de la population qui se sent tropsouvent exclue et incomprise. Dans ce cadre, les médiateurs de terrain peuvent contribuer à la recherche de solutions structurelles et dignes. Nous encourageons tous les organismes,qu’ils soient publics ou privés, à se lancer dans l’aventure. »

Une reconnaissance ? Pas pour tout de suite !

À plus long terme, l’objectif est de développer une nouvelle filière emploi et d’étendre ce type d’initiative à d’autres niveaux de lasociété, le ministre Dupont envisage ainsi la création d’un poste de médiateur de terrain dans chaque CPAS du pays. Pour ce faire, de nombreux défis devrontencore être relevés dont notamment l’adaptation continuelle de la formation des médiateurs, la reconnaissance de cette formation et du métier même de «médiateur de terrain ». « Cette reconnaissance est du ressort des Communautés. Les démarches nécessaires ont été entamées, préciseChristian Dupont, mais la procédure est lourde et donc relativement longue. » On se souviendra à ce sujet que les associations francophones actives en matière de luttecontre la pauvreté, avaient dénoncé à l’entame du projet, outre l’absence de concertation avec elles, le fait que les médiateurs engagésl’étaient sous niveau D de la Fonction publique et donc subissaient de plein fouet les pièges à l’emploi vu leur salaire très bas. « Un comble pour desmédiateurs en matière de pauvreté et d’exclusion sociale ! », selon ces associations. .

Une critique à laquelle le ministre Dupont a partiellement répondu en proposant une solution temporaire au problème de l’accès au niveau C : « J’aidécidé d’octroyer une prime aux médiateurs de terrain qui réussissent l’examen de formation, a expliqué le ministre le 23 novembre. Cette primemensuelle comblera la différence qui sépare le salaire de niveau D de celui du niveau C. Bien évidemment, le projet de reconnaissance du diplôme devrait aboutir àl’accès définitif au statut de niveau C. »

À noter qu’une évaluation à mi-parcours de cette expérience pilote a été réalisée par l’ULB et l’Hiva3. « Nous avonsréalisé une évaluation après 3 ou 6 mois d’insertion du médiateur dans le service concerné, explique le chercheur André Rea (ULB). Il en ressortque dans l’ensemble des administrations rencontrées, l’accueil a été favorable et l’envie de voir comment ils pouvaient innover dominait car il s’agitbien d’inventer une nouvelle fonction et de nouvelles pratiques au sein des administrations. » Reste qu’à certains endroits, on constate quelques difficultés : «Il est plus facile pour les médiateurs de travailler à l’accueil du public pour reformuler ce que les gens désirent que de travailler au sein même d’un serviceadministratif, ce qui demande du temps pour apprendre à connaître l’institution, la législation sociale. La question se pose parfois de l’inclusion dans les services,par exemple quand un médiateur se retrouve dans un service où il n’y a que des niveaux A et B. Ou encore la question de la présentation de soi à l’accueil,manière de parler et de se présenter. Il existe également certaines administrations ne travaillant pas directement avec un public pauvre, il y est donc plus difficile d’ytrouver une place pour le médiateur. Enfin, on constate aussi pour certains, un problème d’adéquation du choix du médiateur avec les besoins del’administration. »

L’évaluation sera sous peu consultable sur le site du SPP Intégration sociale.

1. Cabinet Dupont, rue de la Loi, 51 (6e et 7e étages) à 1040 Bruxelles –tél. : 02 790 57 11 – courriel : christian.dupont@p-o.be.
2. Cabinet Van Weert, place Quetelet, 7 à 1210 Bruxelles – tél. : 02 227 51 11 – courriel : kabinet@vanweert.fgov.be.

3. Projet pilote « Médiateur de terrain en matière de pauvreté et d’exclusion sociale au sein des services publics fédéraux »,évaluation externe à mi-parcours, par Barbara Demeyer (Hoger Instituut voor de Arbeid, HIVA – KULeuven), Andrea Rea (Groupe d’études sur l’ethnicité, leracisme, les migrations et l’exclusion, Germe – ULB) et Perrine Devleeshouwer (Germe – ULB).

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