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Médias et minorités ethniques : un rapport qui s’améliore

Le CECLR (Centre pour l’égalité des chances et de la lutte contre le racisme) et l’AGJPB (Association générale des journalistes professionnels de Belgique) viennent derendre publiques ce mercredi (28/02/07) les conclusions d’un rapport scientifique qu’ils avaient commandité sur « la représentation des minorités ethniques dans lesmédias belges ».

05-03-2007 Alter Échos n° 224

Le CECLR (Centre pour l’égalité des chances et de la lutte contre le racisme) et l’AGJPB (Association générale des journalistes professionnels de Belgique) viennent derendre publiques ce mercredi (28/02/07) les conclusions d’un rapport scientifique qu’ils avaient commandité sur « la représentation des minorités ethniques dans lesmédias belges ».

Cette étude réalisée par le Groupe de travail « sciences de la communication » de l’Université de Gand et l’Observatoire du récit médiatique de l’UCL)s’incrit dans le cadre d’une précédente recherche similaire effectuée en 1993. « Dans le contexte très particulier de cette période, à savoir celui desémeutes dans les quartiers populaires bruxellois ou de la percée de l’extrême droite aux élections, un groupe de journalistes s’est inquiété de lamanière dont les médias évoquent les personnes issues de l’immigration », rappelle Lieve Staes du CECLR.

L’objectif était donc de voir si la confrontation politique était bien « la faute des médias » ? Un premier rapport avait été établi en 1993aboutissant l’année suivante à des recommandations de l’association des journalistes1. Aujourd’hui, 14 ans après la première étude, un suivi semblaitnécessaire pour évaluer le rapport que les médias entretiennent avec les minorités ethniques.

Concrètement, les chercheurs ont examiné, pendant et hors période électorale, le traitement médiatique des sujets liés aux personnes d’origineétrangère (allochtones) dans les grands médias de la presse écrite (Le Soir, La Libre Belgique, La Dernière Heure, Vers l’Avenir, De Standaard, De Gazet vanAntwerpen, De Morgen et Het Laatste Nieuws) et télévisuelle (RTBF, RTL-TVi, VRT et VTM).

Les conclusions de ce nouveau rapport indiquent une évolution positive du traitement journalistique bien que « les minorités visibles continuent d’apparaître le plusfréquemment dans les rubriques « criminalité » ou « justice et procès » des grands supports médiatiques. Les thématiques privilégiées pour évoquerles personnes d’origine étrangère dans les médias sont le plus souvent : racisme, égalité des chances, droit des minorités et problématique de l’asile», relate Frieda Saeys (UG), co-directrice de l’étude.

Contrairement aux idées reçues, « le traitement de type sensationnaliste ou dramatisant, quant à d’éventuelles stigmatisations ou incitations à la haine,sont rarissimes dans tous les médias analysés. (…) L’usage de termes négatifs désignant les allochtones est assez rare, et est presque toujours mentionné dans descitations rapportées par les journalistes », explique Marc Lits (UCL).

Les journalistes « allochtones » peu représentés

Mais alors que la mention de la nationalité ou de l’origine des personnes est en baisse dans les articles de presse, la précision de la religion des personnes affiche unelégère augmentation par rapport à l’étude de 1993. Les médias semblent également mieux éviter les généralisations car, contrairementà 1993, les minorités ethniques sont plus souvent traitées en tant qu’individu que comme un groupe. De plus, des comparaisons explicites « nous-eux » favorisant laconfrontation sont moins courantes.

La grosse lacune du rapport est l’absence de comparaison de la présence des minorités par rapport au groupe majoritaire (belge) évoqué dans les mêmesmédias. Les allochtones sont certes le plus souvent mentionnés dans les rubriques « criminalité » ou « justice » mais le sont-ils plus que les Belges nonallochtones ?

L’un des plus gros points négatifs souligné par ce nouveau rapport se rapporte à la faible représentation des journalistes allochtones au sein desrédactions.

Martine Simonis et Pol Deltour (AGJPB) se réjouissent de ces résultats encourageants en matière de déontologie journalistique qui leur permettent d’actualiser leursrecommandations énoncées en 1994 : « Ces évolutions positives indiquent une prise de conscience accrue de la responsabilité journalistique et peut-être aussiun effet de nos recommandations de 1994. L’information est de plus en plus contextualisée et le reproche habituel fait aux médias (image stéréotypée desallochtones) n’est visiblement pas fondé. Mais il reste encore des progrès à réaliser par rapport à la prépondérance des rubriques judiciaires età la progression de la mention de la religion. Nous espérons réaliser un lexique pédagogique interactif2, un répertoire d’experts issus de l’immigrationet promouvoir une politique volontaire pour l’engagement des journalistes issus de l’immigration. »

Les participants à cette conférence seront nettement moins positifs que les orateurs. Un membre flamand du Raad voor de Journalistiek (Conseil flamand de déontologie) estimeraqu’ « aucun progrès n’a été fait en 14 ans ». Une jeune francophone s’inquiètera du peu d’implication du groupe cible concerné à laprésentation de ce rapport. Enfin, un journaliste flamand soulignera de son côté « la méfiance extrême des allochtones vis-à-vis des médiasmême pour intervenir dans des sujets non polémiques » en appelant à plus d’assertivité et de proactivité.

1. Les recommandations du rapport de 1993 peuvent être téléchargées sur le site de l’AGJPB : www.agjpb.be/ajp/articles.
2. Il sera disponible sur le site : www.diversiteit.be.

Mehmet Koksal

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