La Traversée: livre plaisir, livre outil

La Traversée: livre plaisir, livre outil

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La Traversée: livre plaisir, livre outil

La régionale luxembourgeoise de Lire et Écrire a créé une collection de romans courts et accessibles. Utiliser le livre dans l’apprentissage de la lecture, ce n’est pas exceptionnel. Ce qui l’est ici, c’est la collaboration participative des écrivains et des apprenants dans le processus de création et d’édition.

Pascale Meunier Images : Illustrations de Charlotte Lemaire 22-12-2017
La Traversée: livre plaisir, livre outil

La Traversée. Le titre de cette collection dit déjà ce qu’il en est: des livres que l’on se passe, un passage vers d’autres livres.

Une vingtaine de titres, et deux nouveaux chaque année. La Traversée est une collection qui ne cesse de s’étoffer. «C’est essentiel pour nous et pour les écrivains, dit Rita Stilmant, directrice de Lire et Écrire Luxembourg. Nous avons encore des choses à défendre et un éclectisme à renforcer pour que chacun trouve le livre qui fera écho et lui permettra de vivre ce plaisir de la lecture.» C’est bien là le cœur de ce projet: donner envie de lire à ceux qui débutent, à ceux qui ne savent pas, à ceux qui ne savent plus. Même si ce plaisir n’est pas facile à rencontrer lorsqu’on entre dans un processus d’apprentissage et de renforcement des savoirs de base.

Marie-Thérèse fréquente Lire et Écrire depuis 2010. Demandeuse d’emploi, elle avait entamé une formation en informatique, «mais j’avais beaucoup de difficultés à suivre, dit-elle. J’ai quitté l’école à 14 ans. On était nombreux à la maison, et mon père ne savait pas lire non plus». Elle a été orientée vers l’association où, comme d’autres apprenants, elle se rend plusieurs fois par semaine. «Au départ, poursuit-elle, on vient pour apprendre à lire et à écrire, et, à force, on a envie de découvrir d’autres choses. Malheureusement, à part les livres pour enfants il n’y a pas grand-chose. Or on est des adultes; on a besoin de livres pour adultes avec des histoires d’adultes. C’est ça qu’on a demandé.» Dont acte. «Un jour on nous a proposé de travailler sur des livres avec des auteurs. On a un peu hésité. Des écrivains, c’est intimidant! Mais on s’est lancé, et on a aimé», raconte celle qui est aujourd’hui l’une des meilleures ambassadrices de La Traversée.

Une rencontre avant tout

Il est rare qu’auteurs et lecteurs se rencontrent à ce point.

Interpeller un écrivain ou répondre à une sollicitation, c’est la toute première étape du processus. «Je le rencontre et lui fais part de notre projet, des valeurs de l’association, car elles ne parlent pas forcément à tout le monde, explique Amandine Legrand, responsable du projet La Traversée. On voit comment il peut y répondre.» Tous les auteurs vivent en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’autre exigence, c’est qu’ils aient déjà publié.

L’écrivain rencontre ensuite un groupe d’apprenants. À qui s’adresse-t-il? Quel est leur rapport au livre, à la langue, à la lecture? Qu’est-ce qui leur facilite ou complique la lecture, au niveau de la forme, mais aussi selon l’expérience qu’ils en ont – ou pas. «Les apprenants désacralisent un auteur et le métier d’écrivain, ajoute-t-elle. C’est vraiment une rencontre de deux mondes qui permet à chacun de dire qui il est et dans quoi il se lance.» Pour l’y aider, l’auteur reçoit un guide d’accompagnement. «C’est la bête noire des auteurs!», plaisante Amandine. Il a été réalisé avec les apprenants dès le lancement du projet en 2011. À partir de plusieurs textes, ils ont identifié tous ces éléments problématiques avec leurs formateurs: les mots, les phrases, les paragraphes, les chapitres, etc. D’autres recommandations sont destinées à l’éditeur, Weyrich à Neufchâteau: taille et police de caractères, mise en page. Il n’y a pas de césures par exemple. «On a demandé que l’écriture soit grande pour avoir plus de facilité à lire, et des livres plus fins», illustre Marie-Thérèse. Les ouvrages sont en effet de petit calibre, de courts romans de 180.000 signes au maximum.

Quand la première version du texte est prête, la responsable du projet contacte des formateurs de toutes les régionales de Lire et Écrire ainsi que d’autres associations d’alphabétisation. «Je leur envoie un résumé et demande qui souhaite en faire la lecture critique avec son groupe. Je compte sur quatre à six réponses, pas plus car cela devient difficile à synthétiser, pas moins parce qu’on recherche une diversité de lecteurs, une diversité culturelle et une diversité de niveaux d’apprentissage», poursuit Amandine. Le formateur et son groupe de volontaires organisent alors cet exercice comme ils l’entendent: les apprenants lisent tour à tour à voix haute, ou le formateur quand ils ne savent pas encore le faire; chacun dit ce qu’il comprend et ne comprend pas, souligne, annote, fait des propositions. «J’attends d’eux un document en retour, soit le manuscrit avec des commentaires, soit des annexes… que je compile le plus diplomatiquement possible. Cela peut toucher au mode d’expression, à la chronologie, au nombre de personnages… Et je vois avec l’auteur comment il envisage de retravailler son texte.»

Dans un roman sur deux, les apprenants se plaignent du dénouement. «Ils voudraient une suite ou une fin fermée», remarque-t-elle. La fille de la Poésie, par exemple, se termine de manière brutale, accélérée. Angèle, qui l’a lu en formation et relu chez elle, reconnaît qu’elle aurait aimé savoir si l’héroïne allait finalement se marier… «Avoir une certitude», dit-elle.

C’est beaucoup de travail pour l’auteur. «Il y en a qui ont jeté l’éponge alors qu’ils pensaient que l’exercice serait facile, dit Rita Stilmant. Nous en avons tiré les leçons et nous avons revu notre accompagnement de manière à ne plus avoir à demander à l’écrivain de retravailler, parfois très fondamentalement, sa production de départ. Ce qui est tout de même d’une grande violence par rapport à un acte de création.»

Sensibilités et cultures différentes

Les apprenants ne sont pas coauteurs certes, mais une part d’eux-mêmes se retrouve dans les textes. «C’est vrai qu’on ne leur demande pas de tout changer; autrement, c’est nous les écrivains! dit Marie-Thérèse. Mais c’est pour qu’on se reconnaisse un peu dans les paroles.»

Tout le monde ne cale pas sur les mêmes mots, les mêmes obstacles. «Dans un de mes groupes, les apprenants sont choqués quand des gros mots apparaissent dans le roman», raconte Noëlle Van Aerschodt, formatrice à Barvaux. «On est attentif aux chocs culturels qui vont affleurer dans le travail d’échange et de confrontation du groupe avec le travail de l’écrivain ou avec l’écrivain lui-même», assure la directrice. Ce sont deux cheminements autour du manuscrit. «On s’adapte, il ne faut pas être trop fusionnel avec son texte mais parfois il faut aussi un peu choquer le lecteur», défend Christine Van Acker, écrivaine. Dans son roman Le monde de Nestor, un personnage peint les chevaux en vert et l’herbe en bleu. «Pour une apprenante, c’était impossible, c’était n’importe quoi. Mais ma phrase est restée.» C’est une question récurrente: «Les apprenants ont souvent des difficultés avec l’imaginaire, sans doute liées à leur histoire personnelle. C’est rassurant de savoir que l’herbe est toujours verte, sans quoi on peut perdre ses repères», analyse Vinciane Annet, formatrice à Paliseul. Rizvan, participante au projet, le constate aussi avec ses compagnons d’apprentissage à Vielsalm: «Les récits fantasques, des chats qui parlent comme dans Histoires ordinaires, beaucoup ont du mal avec ça: un chat, ça ne parle pas! Pourtant on ne doit pas toujours chercher à comprendre, dit-elle. C’est de la poésie…» Elle qui vient du Kazakhstan butait davantage sur des noms de métiers, notamment de gens d’Église, qu’elle ne connaissait pas.

Deux options se présentent à l’auteur: remplacer le mot en question par un autre plus compréhensible ou le conserver en le contextualisant. «Lire, c’est aussi enrichir son vocabulaire, souligne Amandine Legrand. Il faut trouver un équilibre et ne pas devenir trop didactique.» Difficulté à comprendre et difficulté à lire parfois s’additionnent. «Dans mon livre, se souvient Christine Van Acker, c’était le mot ‘bourgeon’.» Ce n’est pas un mot de tous les jours, et les sons sont complexes. Les apprenants d’origine étrangère ne savent pas toujours non plus de quoi il s’agit. «Alors j’ai arrangé ma phrase pour que l’on comprenne: les petites feuilles des arbres se cachent encore dans les bourgeons.»

Il arrive qu’un passage sensible bouleverse le cours de la lecture, une scène d’amour ou de tendresse par exemple ou quand une partie du corps se dénude. «Pour dissiper la gêne, plutôt que de lire à voix haute, on s’interrompt et chacun poursuit en silence, dit Amandine Legrand. Puis on reprend le texte ensemble quelques lignes plus loin.»

Les apprenants participent également au choix du titre des romans et à leur illustration en couverture. «Pour Histoires ordinaires, l’un d’eux avait avancé Minou, se souvient-elle. Allait-on prendre un nom de chat et une photo de chat pour une histoire de chat? Qu’est-ce que ça va apporter? On développe ensemble un travail de réflexion sur la présentation et le partage de l’envie de lire.»

Un travail de promotion

Une fois imprimé, le livre peut devenir un outil de formation dans les groupes, comme n’importe quel autre roman. C’est aussi pour cela qu’il ne contient pas de glossaire, pas de notes en bas de page, pas d’exercices en fin de chapitre. D’autres collections en français facile offrent cette approche pédagogique. Ici non. «Ce sont des romans que lisent des apprenants, mais aussi des personnes âgées qui ont perdu l’habitude de lire ou que se lancer dans de lourds ouvrages rebute, dit la directrice. Des gens les lisent en français langue étrangère. Ils sont aussi appréciés dans le monde scolaire et en milieu psychiatrique. Toutes les bibliothèques de la Fédération Wallonie-Bruxelles les proposent. On peut les acheter en librairie au prix d’un livre de poche. On tenait aussi à cette forme d’accessibilité.»

Depuis un an, un groupe de travail se réunit un mercredi matin par mois. Il est composé de quelques apprenants, de membres de l’équipe et du conseil d’administration de la régionale. On y vient pour partager, réfléchir à la promotion de la collection, imaginer comment la faire découvrir à d’autres. Marie-Thérèse, qui en est à sa huitième contribution, y participe, insistant sur son rôle d’intermédiaire. Et la transmission par les pairs fonctionne plutôt bien. «Chaque année, La Traversée participe au Printemps de l’Alpha. En général, on y lit un livre, raconte-t-elle. Mais dans notre groupe on aime bien jouer; alors on en a pris des petits bouts, on a fait un montage, une pièce qu’on a jouée. On se découvre d’autres talents et ça donne envie aux autres de le lire.»

À la bibliothèque de Vielsalm, le groupe de Rizvan a exploré une forme de théâtre d’objets en reconstituant fidèlement le décor de Rue du Chêne: «Quand on racontait l’histoire, on sortait d’une petite valise les accessoires et les outils de chaque personnage pour aider les gens à comprendre l’intrigue.» Des auteurs animent des balades contées, lisant des passages de leur livre. En chemin, ils lâchent des anecdotes, la petite histoire de l’histoire: comment ils ont nourri leur récit, la part de vécu et la part de fiction.

Des apprenants découvrent des événements qu’ils n’ont pas connus et veulent en savoir plus: Les cerises de Salomon ont incité un groupe à visiter le War Museum de Bastogne. Ce livre a aussi tracé sa route: un groupe d’alpha de Namur l’a décliné en roman-photo. Le monde de Nestor a été utilisé à la prison de Saint-Hubert; des détenus l’ont illustré et ont monté un dossier pédagogique pour qu’il serve d’outil à d’autres apprenants.

La Traversée intéresse d’autres pays, et la régionale entend bien aussi essaimer. Mais comment exporter ce projet sans le dénaturer ou le limiter à la production de livres accessibles? «C’est l’objet visible, mais il n’y aurait pas d’ouvrages s’ils n’étaient pas portés par une dynamique participative apprenante, résume la directrice. C’est cette mutualisation d’expertises qui fonde le travail et qui est la plus-value du projet.» La reconnaissance de l’expertise des auteurs, celle des formateurs et celle, fondamentale, des apprenants: le projet ne pourrait se déployer sans eux.

Le livre, une étape

«Avant j’étais fort renfermée, se souvient Marie-Thérèse. Je n’osais pas sortir, j’avais peur des gens, j’avais peur de ce que j’étais. Même aider mes enfants, je ne savais pas. Quand je vois le chemin parcouru…» Elle est fière de dire qu’elle suit une formation, fière de dire qu’aujourd’hui elle lit. «Au fond de moi, j’étais capable de le faire, ajoute-t-elle. C’est juste la vie qui…» Une expérience qui résonne chez Christiane Van Acker, issue du monde de la batellerie. «Ma mère était illettrée. Ma grand-mère ne savait pas lire, dit-elle. Quand j’étais gamine, les livres m’ont sauvée. Ils m’ont tant apporté!» Pour l’écrivaine qu’elle est aujourd’hui, participer à La Traversée, c’est un peu un donné pour un rendu.

Marie-Thérèse fait avec passion la promotion de la collection. Rizvan lit fréquemment le journal sur Internet, Angèle a constitué une petite bibliothèque chez elle. Mais tous les apprenants ne deviennent pas des lecteurs assidus. «L’univers du livre ne leur est pas familier, rappelle Noëlle Van Aerschodt (formatrice). Ici ils lisent ensemble, avec nous, mais seuls à la maison ils ne vont pas vers le livre ou alors cela s’apparente encore fortement à un exercice scolaire, avec un dictionnaire.» Certains empruntent des BD, des mangas ou des livres pour leurs enfants à la bibliothèque. Mais le vocabulaire des autres romans pour adultes reste compliqué.

La littérature permet de sublimer ce que l’on vit. Jean-Pierre Echterbille, l’auteur de Gros, a confié aux apprenants que c’était sa vie à lui qu’il racontait. «Un jeune homme fort corpulent a été particulièrement touché par cette histoire en miroir, impressionné aussi de voir que l’auteur avait maigri, qu’il était devenu écrivain alors qu’il avait longtemps été rejeté», se souvient la formatrice. L’action de La fille de la Poésie se passe à Bruxelles, dans la rue homonyme. Une jeune femme tombe amoureuse d’un coureur de jupons qu’elle rêve d’épouser. «À Bouillon, des apprenantes étaient fâchées qu’elle ne voie pas plus clair dans son jeu, relate sa collègue. Elles étaient aussi fâchées de leur propre situation, s’étant elles aussi fait berner ou violenter dans le passé.» Le groupe vit autant de ces échanges. Il apprend à laisser filer les personnages vers leur destin… Tout ne doit pas être vrai, tangible. L’herbe peut être bleue et les chats bavards. Les histoires n’ont pas toujours de suite ni de fin heureuse. Et le meilleur dénouement d’une intrigue, c’est lorsqu’un apprenant tourne la dernière page du roman, celui qu’il a lu en entier. Pour la première fois.

«Nous sommes ne sommes pas que des professeurs»

Vinciane Annet et Noëlle Van Aerschodt sont formatrices à Libramont, Paliseul/Bouillon, Bastogne et Barvaux. Leur quotidien dépasse le cadre strictement linguistique de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul.

Tout est apprentissage. Les apprenants font aussi partie d’un groupe. C’est un endroit où l’on se reconstruit, où gagner en assurance. Certains partent après trois mois, d’autres restent des années dans l’association. «Tant que la personne trouve du sens à poursuivre la formation, elle reste pour renforcer ses compétences, mener à bien ses projets, en accord avec ses réalités personnelles. Tout cela dans une dynamique collective.»

Les apprenants sortent de Lire et Écrire avec un meilleur bagage, mais quitter est parfois difficile. «Certains continuent à nous demander conseil, de l’aide pour remplir des documents. Les apprenants vivent parfois des situations très difficiles, rappellent-elles. Nous ne sommes pas un service social, nous ne sommes pas que des professeurs non plus. Nous sommes des formateurs. Nous avons des agents d’accueil et de guidance dans notre équipe, qui les épaulent, qui collaborent avec les assistants sociaux des CPAS dont certains dépendent. On les accompagne dans leur recherche de logement ou d’emploi. Lundi, à Barvaux, un Syrien a reçu une offre d’une agence d’intérim qui lui correspondait. Je l’ai aidé à rédiger son e-mail de candidature car il n’était pas encore capable de bien le faire en français. Je trouve que ça fait partie de notre boulot. Toutes ces réalités de vie avec lesquelles les apprenants viennent en formation sont des points d’appui pour enraciner le travail pédagogique avec le groupe.» Exemples: comprendre une prescription médicale, entrer en contact avec l’école de leurs enfants, remplir un formulaire, demander à un fournisseur un étalement de paiements… Naturellement, les apprenants se tournent les formateurs. «Ils ont confiance en nous.»

Pour une alphabétisation émancipatrice

Militantisme et humanisme sont les maîtres mots de Lire et Écrire Luxembourg, sur un vaste territoire qui impose aussi quelques contraintes d’organisation.

«Quelle société voulons-nous aujourd’hui et pour demain? Une société inclusive, une société qui permette à chacun de trouver ou de retrouver une place?» Rita Stilmant, directrice de Lire et Écrire Luxembourg, soutient une réflexion politique.

La première mission de cette régionale est la formation. Pour l’optimaliser, elle a multiplié les antennes de formation. «Nous en avons onze, dit-elle. C’est lié à l’accessibilité, à la mobilité, et puis nous sommes aussi le principal opérateur sur le terrain provincial. Notre souci est d’aller au plus près des personnes en besoin ou en demande d’alphabétisation.»

Plus de 300 apprenants suivent les formations chaque année. L’équipe compte vingt-trois travailleurs rémunérés et une douzaine de travailleurs bénévoles intervenant en co-animation. «Cela permet de réduire l’hétérogénéité de groupes parfois composés de gens qui n’ont jamais été en contact avec l’écrit et d’autres qui ont été à l’école sans cependant avoir acquis les savoirs de base.» L’association travaille avec les pouvoirs publics locaux, notamment dans les plans de cohésion sociale. «Ils acceptent que nous travaillions parfois avec seulement trois ou quatre inscrits car, à l’échelle des réalités de la commune, cela a du sens.»

L’enjeu est de ne pas exclure. «Chacun est porteur d’expertise. On a tous quelque chose à défendre, à apporter et à enrichir», poursuit-elle. La Traversée incarne cette valeur. Ce projet permet aux apprenants qui participent au processus de se reconnaître comme porteurs de culture. «Tout doucement, ça les transforme, et peu à peu ils se reconnaissent comme citoyens dans une société qui est souvent rude avec eux», observe la directrice. Elle défend une alphabétisation émancipatrice, mais sans triomphalisme cependant: «Nous cherchons à permettre aux apprenants notamment inscrits dans des dynamiques d’insertion sociale, socioprofessionnelle, et qui sont de plus en plus aux prises avec les politiques d’activation, de bien comprendre dans quelle pièce on tente de les faire jouer. Leur permettre aussi d’être critiques. Cela ne veut pas dire qu’ils ont d’emblée plus de latitude par rapport au système qui les contraint, mais progressivement ils identifient que des choix sont possibles, qu’il existe l’un ou l’autre levier à actionner collectivement pour retrouver de la liberté. La liberté d’agir et de résister.»

Pascale Meunier

Pascale Meunier