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Les immigrés préfèrent se marier en Belgique

Les personnes d’origine turque ou marocaine vivant en Belgique vont de moins en moins chercher un ou une partenaire dans leur pays d’origine. C’est ce qui ressort d’une étude de l’Université de Gand.

07-10-2014
Se marier, pas toujours du gâteau. Photo : David Hepworth, CC BY 2.0

Les personnes d’origine turque ou marocaine vivant en Belgique vont de moins en moins chercher un ou une partenaire dans leur pays d’origine. C’est ce qui ressort d’une étude de l’Université de Gand.

Traditionnellement, lorsqu’un fils ou une fille était en âge de se marier, les familles turques de Gand profitaient de leurs vacances d’été à Emirdag, en Anatolie centrale, pour y dénicher l’âme sœur. Mais à en croire l’enquête de Pieter-Paul Verhaeghe, Koen Van der Bracht et Bart Van de Putte, c’est de moins en moins le cas. Ces trois chercheurs de l’Université de Gand ont comparé, pour les communautés turque et marocaine de la ville, les données des registres d’état civil sur les mariages et les cohabitations sur la période 2001-2008. Et les chiffres sont très parlants. En 2001, 71% des Gantois d’origine turque allaient encore chercher une partenaire dans leur pays d’origine. En 2008, ce chiffre n’était plus que de 49%. Quant aux Gantois d’origine marocaine, ils n’étaient plus que 38% en 2008 à aller chercher une compagne ou un compagnon au Maroc contre 61% sept ans plus tôt. Et selon Pieter-Paul Verhaeghe, cette évolution serait plutôt moins marquée à Gand qu’ailleurs. « Dans les anciennes communes minières du Limbourg par exemple, on sait que ce pourcentage est encore plus bas. » Les auteurs ont publié le résultat de leurs recherches dans un livre intitulé « Migrant zkt. toekomst »1 (« Immigré ch. avenir »), essentiellement consacré à la situation à Gand.

Trop de désavantages
« Les Turcs de Gand sont de plus en plus convaincus des difficultés inhérentes à ce type de mariage », affirme Pieter-Paul Verhaeghe. « Les chiffres sont clairs. Ceux qui vont chercher un ou une partenaire en Turquie ont beaucoup plus de chances de divorcer. Non seulement, il y a, pour celui ou celle qui arrive ici, toutes les difficultés liées à l’apprentissage de la langue. Mais souvent, les partenaires ne trouvent pas de travail, au moins au cours des premières années. Cela conduit à toute une série de frustrations. Si bien que les Turcs de Gand sont de plus en plus convaincus que ce type de relation comporte surtout des désavantages. » En conséquence, beaucoup d’entre eux préfèrent dès lors chercher en Belgique une personne d’origine turque. « Mais il y a aussi de plus en plus de mariages mixtes », selon Pieter-Paul Verhaeghe. Au sein de cette communauté, le nombre de mariages avec un ou une Belge de souche est passé de 4 à 8 % au cours de la même période.

Changements socio-économiques
Pour les enquêteurs, cette évolution est également liée aux changements socio-économiques qui ont affecté une partie de la communauté. « Il y a toute une classe moyenne turque, qui a pas mal réussi économiquement et qui tend à délaisser les traditionnels quartiers à fort densité immigrée comme la Rabot et la Brugse Poort pour aller vivre en périphérie : à Wondelgem, Gentbrugge ou Sint-Amandsberg. Les Turcs et les Belges se côtoient de plus en plus aussi. Les Flamands vont de plus en plus chez le boulanger turc. Les asbl turques cherchent à s’approcher des organisations flamandes de jeunes. »

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette évolution n’a pas que des conséquences positives. « Si les modèles positifs quittent les enclaves turques de la ville, il risque de ne rester que ceux qui sont plus fragilisés socialement. De jeunes familles flamandes reviennent tout doucement s’installer dans ces quartiers parce que les maisons y sont moins chères qu’ailleurs. Mais nous remarquons que le plus souvent, les Turcs qui quittent la Brugse Poort ou le Rabot louent leur ancienne habitation à de nouveaux migrants, comme des Slovaques ou des Bulgares. Ceux-ci risquent d’être marginalisés socialement parce qu’ils n’ont pas d’emploi ou alors du travail sous-payé et qu’ils ne parlent pas suffisamment notre langue. »

La solution, selon les auteurs : mettre l’accent sur le travail de quartier pour faciliter à ces nouveaux migrants l’accès à l’enseignement et au marché du travail. « Il y a de plus en plus de diversité dans ces anciens ghettos. Et il ne suffit pas de rénover les quartiers, il faut surtout permettre aux gens de prendre eux-mêmes les choses en main. »

D’après De Morgen et De Standaard

Pierre Gilissen

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