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Regard critique · Justice sociale
Un potager qui ne manque pas de SEL.

Le Sel Entraide de Braine-le-Château vient de terminer sa phase test d’un mode de fonctionnement innovatif, le CEL (Communauté d’échanges locaux). Adieu à la liste comptable d’échanges, place à l’humain et à la solidarité. Cette nouvelle perspective, basée sur le pur don, est-elle viable?

Le SEL (Système d’échange local de services) est un système qui permet de partager ses savoir-faire à travers un système d’échanges multilatéraux, qui sont comptabilisés sur une plateforme, selon une unité d’échange: l’heure. Car, dans le SEL; l’argent est banni. On échange des unités de temps. Vous apprenez l’espagnol à quelqu’un et quelqu’un d’autre fera du baby-sitting chez vous. «Mais aux huit ans de la création du SEL Entraide de Braine-le-Château (en 2016, NDLR), nous avons ressenti le besoin d’aller plus loin», explique Emmanuel Meeus, initiateur avec Stéphanie de Raikem. Le groupe a alors basculé en CEL (Communauté d’échanges locaux). Un changement de taille pour cette petite communauté d’une cinquantaine de membres qui a décidé de passer à un mode de «pur don».

«Un service presté équivaut à un autre service presté, peu importe le temps nécessaire pour l’accomplir.» Sylvie Simon, Brain-de-SEL

Libéré des listes de services rendus, de la comptabilité héritage d’une logique économique, ce groupe se sent plus libre de s’intéresser aux liens, de consacrer ses énergies collectives à l’échange et l’entraide. La doyenne du groupe, du haut de ses 87 ans, est active comme «mamy conteuse». Elle reçoit, en échange de ses services, un mot de remerciement sur le «mur» d’affichage du site de la communauté. C’est la récompense que le SEL Entraide a imaginée et pratique aujourd’hui. Une forme de gratification que les personnes qui ont rendu service apprécient davantage qu’une simple liste de plus et de moins dans leur compte individuel.

De l’intérêt d’être altruiste

Ce nouveau mode de fonctionnement a été testé au sein du groupe pendant deux ans. Les résultats en termes de bien-être et de convivialité ont été tels qu’aujourd’hui ses membres ne souhaitent plus revenir au mode traditionnel d’échange et leur innovation a déjà séduit leurs voisins de Braine-l’Alleud. Ce 10 mars, des citoyens ont créé le Brain-de-SEL, un SEL basé sur la même philosophie que celui de Braine-le-Château. Conseil en permaculture, diagnostic PC, soutien scolaire, repassage, baby-sitting et covoiturage s’échangeront ici à travers la plateforme, sans comptabilité liée aux heures. «Un service presté équivaut à un autre service presté, peu importe le temps nécessaire pour l’accomplir, explique Sylvie Simon, membre du groupe de coordination. Nous valorisons l’humain pour créer un tissu social plus solidaire.»

Les travaux du psychologue américain Daniel Batson le démontrent, l’altruisme fondé sur l’empathie existe. Le répertoire des motivations humaines ne se limite pas à l’égoïsme. Les recherches d’Emma Sepalla, directrice du Centre de recherche et d’éducation sur la compassion et l’altruisme de Stanford, et celles de Tania Singer, qui dirige le département des neurosciences sociales à l’Institut Max Planck de Leipzig, montrent que l’empathie aurait des bases neurobiologiques, contrairement à la vision dominant la psychologie occidentale qui considère l’égoïsme comme seul moteur des motivations humaines. Selon cette dernière, tout comportement, apparemment altruiste, serait déterminé par une motivation intéressée. D’où l’intérêt du CEL de Braine-le-Château et sa jeune pousse «le Brain-de-sel» de Braine-l’Alleud?

Petite histoire du SEL (Système d’échange local)
Ce système naît dans les années 80 au Canada sous l’impulsion de citoyens qui s’interrogent sur les dérives du système capitaliste. En 1988, Guy Dauncey, dans son livre After the crash: the emergence of the rainbow economy, inscrit les SEL dans les économies alternatives, qui veulent remettre au centre de tout échange l’homme, et non l’argent, l’intérêt de chacun au service de l’intérêt de la communauté. Le concept rencontre un grand succès mondial, des SEL naissent en Australie, Grande-Bretagne, France et arrivent en Belgique en 1995 quand un groupe de citoyens se réunissent pour réfléchir sur le thème: «Les sociétés modernes en panne de solidarité́». À cette époque, en pleine crise économique, le besoin se fait ressentir de reconstruire des liens sociaux et de voisinage affaiblis par le système économique capitaliste, en mettant en valeur les compétences de chacun. Une perspective de développement économique soutenable et autosuffisant qui apporterait une véritable réponse aux problèmes de ses participants. En 20 ans, 117 SEL ont été créés en Belgique francophone, une cinquantaine en Flandre.

 

 

Alessandra Leo

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