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Le placement des mineurs, géré et centralisé

Depuis le 1er avril, la Cellule d’information, d’orientation et de coordination (Cioc) est un passage obligé pour tous les services de placement publics commeprivés de l’Aide à la jeunesse. Un outil attendu depuis longtemps par les pouvoirs mandants et qui devrait permettre une prise en charge plus rapide et plus efficace des jeunes endifficulté.

24-04-2009 Alter Échos n° 271

Depuis le 1er avril, la Cellule d’information, d’orientation et de coordination (Cioc) est un passage obligé pour tous les services de placement publics commeprivés de l’Aide à la jeunesse. Un outil attendu depuis longtemps par les pouvoirs mandants et qui devrait permettre une prise en charge plus rapide et plus efficace des jeunes endifficulté.

À première vue, l’innovation souffre peu de critiques. Sauf peut-être celle du temps perdu avant d’en arriver là : la mise en route effective d’unecellule d’information, d’orientation et de coordination (la « Cioc » pour les initiés) dépoussiérée et enfin efficace aura mis plus de trois ansà aboutir. En son temps, le défunt SIO, service d’information et d’orientation avait cédé la place à une première Cioc que la plupart desservices préféraient contourner vu sa lourdeur et son efficacité toute relative1. Cette fois, les spécialistes de la direction générale del’Aide à la jeunesse (DGAJ) ont mis les bouchées doubles pour peaufiner l’outil, poussés par la ministre Fonck, elle-même sous la pression des pouvoirs mandantsréclamant des moyens pour faciliter l’orientation et le placement des jeunes en danger et/ou ayant commis des infractions. Si la ministre a répondu au « manque de places» pour les mineurs délinquants de la manière forte – multiplication des places en IPPJ et création de nouveaux centres fermés –, elle a aussiréussi à mettre de nombreux sceptiques de son côté : ceux qui pensent que le réel problème est avant tout organisationnel, plutôt que quantitatif.

La réforme a pris beaucoup de temps mais, à la décharge de ceux qui y ont travaillé, la tâche était ardue. Chaque année, environ cinquante millemesures sont prises en faveur des mineurs dans le cadre de l’Aide à la jeunesse. Dont près de 85 % pour protéger des enfants en danger et un peu moins de 20 %pour des mineurs délinquants. Ces derniers étant, le plus souvent, également des jeunes en danger. Si la grande majorité des situations est, par définition,urgente, certaines mesures pouvaient mettre des semaines, voire des mois avant de trouver une réponse adéquate.

Comment ça fonctionne ?

Pour ceux qui redoutent les Big Brothers de l’Internet, Fabrice Roland, coordinateur de la Cioc précise d’emblée que l’outil est « uniquementaccessible via un site web sécurisé », pour des utilisateurs dûment enregistrés. Autre précision utile : le système n’est pas un «outil d’informatisation du dossier du jeune ». Ce qui signifie que les seules données encodées sont celles de son identité (nom, prénom, âge, sexe) etnon celles de sa problématique particulière (situation, antécédents, dossier médical, etc.). Le but de la Cioc n’est donc pas de « ficher » lesjeunes mais tout simplement de faciliter la recherche d’une place en fournissant, en temps réel, les disponibilités par service. Finis les interminables coups detéléphone, service par service, avant de tomber sur celui qui peut accepter un gamin. « Avant, au bout de vingt refus, il arrivait que l’on finisse par placer un jeune dansle premier centre qui acceptait la demande même s’il n’était pas forcément le plus adapté à sa problématique », explique un intervenant.Cette pratique du moins pire devrait disparaître au profit du choix le plus judicieux. Le système est d’autant plus pertinent qu’il est obligatoire et qu’il fonctionnesept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec une permanence téléphonique à des plages horaires très étendues, de 8h à 19h en semaine etde 9h à 17h, les week-end et jours fériés. Pour répondre à ces besoins, la cellule Cioc se compose désormais de six agents. Près de douze centsutilisateurs ont déjà reçu une formation sur le fonctionnement du système.

«C’est un chantier immense qui a rencontré des embûches importantes. Certains de mes prédécesseurs s’y sont attaqués sans parvenir à lefaire aboutir », précise Catherine Fonck, au cas où certains auraient oublié que nous sommes entrés en période électorale. Liliane Baudart,fraîchement nommée à la tête de la DGAJ acquiesce. « La Cioc a acquis une dimension beaucoup plus transversale. Elle concerne désormais l’ensemble desautorités mandantes du secteur de l’Aide à la jeunesse et non plus seulement les cinq IPPJ et le centre d’Everberg, comme précédemment. Cela signifie qu’aulieu de 60 à 70 personnes utilisatrices de l’outil, on est passé à 1500 utilisateurs potentiels. En outre, grâce à la Cioc, les autorités mandantesauront accès à des informations relatives à la prise en charge dans des services extérieurs au secteur de l’Aide à la jeunesse mais en lien avec celui-ci,comme à ceux de la santé mentale, de l’Awiph (Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées) ou encore de l’enseignement ». Par exemple,on peut imaginer qu’un gamin serial tagueur ou primo-délinquant qui boycotte l’école sera, dans un premier temps, plus utilement pris en charge par un serviced’accrochage scolaire que par une IPPJ…

Un outil statistique

Avant toute chose, l’idée est donc bien d’améliorer et d’accélérer l’orientation des enfants et de renforcer le potentiel des services existantsplutôt que de créer des nouvelles places. Dans un second temps, la Cioc devrait fournir des données quantitatives et qualitatives du secteur pour déterminer les servicesqui auraient éventuellement besoin d’être renforcés. Un aspect de l’outil qui devrait rassurer les services qui triment en sous-effectif, mais qui risque aussi defaire grincer des dents. Dans certains services d’accueil, notamment privés, la Cioc n’est pas spécialement vue d’un bon œil. La liberté dedécision devient en effet très cadrée puisque tout refus d’accepter un mineur devra être justifié. « La possibilité de refuser un placement estévidemment encore possible mais nous allons étudier les motifs de refus. » Et pour les services qui refuseraient trop systématiquement des placements pour des raisonsestimées fallacieuses, la sanction est simple puisque l’une des conditions de l’agrément est l’acceptation des principes de la Cioc. Il est cependant peu probable quedes agréments soient remis en cause durant la première année de fonctionnement. « Il faut laisser le temps aux services de s’habituer à l’outil etpermettre à la Cioc de faire ses maladies de jeunesse, préci
se la ministre ; des ajustements et correctifs pourront intervenir en vue de le perfectionner. »

« On ne peut que saluer cette initiative. Nous espérons que l’on arrivera également à établir des analyses qualitatives. Pour voir comment, demanière objective, on répond aux besoins du terrain et des familles. Le secteur ne doit pas avoir peur de cet outil », plaide Guy De Clercq, président du CCAJ2.Un avis partagé avec enthousiasme par le magistrat de la jeunesse Éric Janssens3. « Mon vœu est que la Cioc s’étoffe pour devenir un véritableoutil d’aide et qu’il permette un dialogue constructif. Je suis persuadé qu’il est promis à un bel avenir ! »

À propos d’avenir, outre les aspects pratico-pratiques qui devraient faciliter le quotidien des autorités mandantes, la DGAJ mise sur la Cioc pour affiner sa connaissance desproblématiques rencontrées par les jeunes. « À plus long terme, la Cioc participera à la coordination des différentes bases de données concernant lesjeunes pris en charge, notamment à travers la réécriture de l’outil Sigmajed4, un autre grand chantier qui attend l’Aide à la jeunesse enmatière de centralisation et d’informatisation des données dans les années à venir », se félicite Liliane Baudart. Une coordination desdifférentes bases de données qui est attendue pour 2011. Si cette rationalisation du secteur se fait au bénéfice des jeunes et d’une vision plus objective del’Aide à la jeunesse, le pari sera gagné.

1. À ce sujet, voir Alter Échos n° 259 : « Un meilleur aiguillage pour le placement des mineurs ? »
2. Guy De Clercq est le président du Conseil communautaire de l’Aide à la jeunesse
Secrétariat du CCAJ:
– adresse : bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 32 06.
3. Éric Janssens est le président de l’Union francophone des magistrats de la jeunesse.
4. Sigmajed est la base de données qui reprend l’ensemble des mesures prises par les conseillers et directeurs de l’Aide à la jeunesse ainsi que par les juges de la jeunesseà l’égard des jeunes lorsqu’elles donnent lieu à une prise en charge financière par la direction générale de l’Aide à lajeunesse.

aurore_dhaeyer

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