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Le grondement monte en coulisses de l’éducation permanente

Avis négatif de la ministre à la suite d’un, deux ou trois avis négatifs du côté de l’administration, de l’inspection, du Conseil supérieur del’éducation permanente. Refus de certains axes auxquels ils prétendaient pour d’autres. En attente – parfois après retrait du dossier dans le premier train dereconnaissance – pour les troisièmes.

09-06-2006 Alter Échos n° 210

Avis négatif de la ministre à la suite d’un, deux ou trois avis négatifs du côté de l’administration, de l’inspection, du Conseil supérieur del’éducation permanente. Refus de certains axes auxquels ils prétendaient pour d’autres. En attente – parfois après retrait du dossier dans le premier train dereconnaissance – pour les troisièmes.

En procédure de recours pour d’autres encore…. Et reconnus pour quelques-uns. Les associations font face au nouveau décret éducation permanente avec unefortune inégale. En coulisses, on s’agite. Mais sur la scène publique, la prudence est de rigueur. On préfère l’anonymat. Question de ménager seschances. Des commentaires, transparaît l’inquiétude.

Des a priori qui desservent

Parmi les réflexions glanées de ci, de là, on constate une relative incompréhension. Si un bon nombre s’accorde pour reconnaître qu’il n’y a paslieu de transformer l’éducation permanente en fourre-tout, beaucoup comprennent mal ce qui préside aux avis rendus. Ainsi un responsable d’association avance : « Quandon rédige un nouveau décret, il est évident qu’on fait le ménage et c’est parfois souhaitable pour s’assurer que l’argent public va bien au cadredéfini. Le problème avec ce décret, c’est qu’on n’échappe pas aux jugements a priori. Le problème c’est que les fonctionnaires– administration et inspection – ont une idée préconçue du travail des associations ». Et les membres du Conseil supérieur aussi, ajoutentd’autres.

À cet égard, les déplacements de l’inspection, de l’administration pour entendre les candidats sont vus d’un bon œil. Ils ont cependant montré,au travers des questions de précision posées, toute l’ampleur du fossé entre l’idée construite à la lecture d’un dossier et laréalité du projet associatif. D’autant que les associations constatent des conflits d’interprétation. Comment faut-il comprendre tel critère ? Que mettrederrière ce jargon maîtrisé par certains, inconnus pour d’autres ? Malgré les efforts de l’administration pour informer sur le décret et le dossierà soumettre, les problèmes de lisibilité persistent.

Conflits d’interprétation

Certains dénoncent l’hyperformalisme qui les touche. D’autres remarquent que, même si les demandes s’appuient sur des données très précises,chiffrées – une étude, x signes, par exemple -, les conceptions divergent. Faut-il avoir pris la plume pour une étude, une analyse ou en être le concepteurintellectuellement parlant ? Les témoignages du public cible, les comptes-rendus de colloque… sont-ils éligibles ? Ainsi, remplir sous forme de grilles un dossier dereconnaissance devrait garantir une certaine objectivité, mais on n’évite apparemment pas la subjectivité des avis. Là où cette situation devientproblématique, c’est lorsque l’on perçoit en toile de fond, des jugements d’ordre politique, du copinage, des inégalités de traitement ; lorsque lesarguments avancés semblent « prétextes fallacieux ». D’aucuns dénoncent les pratiques du parti socialiste, qui pilote la réforme (Rudy Demottel’avait initiée. Fadila Laanan la met en œuvre). Et d’y voir l’occasion d’une instrumentalisation des associations ; le contrôle de la sociétécivile au travers du soutien conditionné. Alors que la réforme justement tentait de contrer le fait du prince.

Jouer le jeu et puis regretter

Le sentiment d’avoir été trompé pointe à l’horizon. « Nous avons fourni des efforts démesurés pour rien, regrette un responsabled’association. En respectant les consignes données au départ, nous avions tablé sur une ouverture possible du doublement des subventions. Il a fallu recentrerl’activité. » Et d’évoquer la mobilisation d’une équipe pour se réapproprier la philosophie de l’éducation permanente,l’approfondissement et la diversification des métiers, des thématiques… Résultat : maintien au même niveau de financement mais avec des contraintes plusfortes, une sorte d’appauvrissement, constate avec dépit cet interlocuteur. Pour beaucoup, il faut encore gérer l’imprévision budgétaire. En effet, comme lesdossiers se rendent sur la base du fonctionnement d’une année socle, les critères sont appliqués en vue d’un financement, mais sans qu’ils ne soientdéjà octroyés. L’incertitude est de mise. Combien recevront-ils et quand ? Et de s’interroger sur le sort des plus petites associations, qui n’auront pas eu,elles, le temps matériel de s’emparer de la démarche.

Question d’imprévision budgétaire?

La ministre Laanan le disait face aux parlementaires, les moyens sont insuffisants pour répondre aux demandes. Inconséquent, rétorqueront les uns : « Si onn’envisage pas d’augmentation budgétaire suffisante, on ne doit pas lancer tout un secteur dans une entreprise pareille ». D’autres dénoncent le « fantasme» de la ministre à ce niveau. Elle ne se baserait sur aucune estimation budgétaire précise. Et prendrait aujourd’hui, pour limiter le mécontentement, desdécisions sans tenir compte des règles établies dans les textes, ajoutant ainsi des paliers intermédiaires et une confusion dommageable.

En périphérie de la question financière, certains s’interrogent sur les réelles motivations du renvoi vers d’autres niveaux de pouvoir, ou d’autresministres de tutelle. Motifs qui semblent sous-jacents à certaines décisions. La dispersion des moyens et des compétences reviendrait accabler les associations. Un jeu deping-pong considéré comme fragilisant, bien loin des intentions de consolidation. On entend également des interprétations de décisions à la lumièred’une volonté d’évincer le domaine social du champ de l’éducation permanente, d’un rattachement marqué à la culture. Et d’aucuns,parmi les associations contactées, de le regretter.

Mobilisation en vue?

Des besoins de mobilisation s’expriment. Ainsi l’asbl Dignitas, refusée et qui vient d’introduire un recours (voir encadré), en appelle à une plate-forme derésistance. D’autres évoquent l’idée de se rencontrer entre associations pour créer ce réseau informel manquant, pour partager les expériences etanalyses du contexte. Alors que ceux que l’on appelait émergents continuent à se rencontrer (voir encadré), c’est l’idée d’un « salon desrefusés » qui apparaît. Lieu au 19e siècle où exposaient les peintres d’avant-garde.

Appel de Dignitas

Dignitas est à l’origine une association d’usagers qui « veille à ce que la dignité humaine ne soit pas un concept à géométrie variable», et ce à partir de la problématique du surendettement (voir cahier labiso n°17).Agréée depuis mai 2004 comme service de médiation de dettes mais non encore subventionnée à cet égard, l’association bénéficiait depuis2003 d’une convention dans le champ de l’éducation permanente. Elle vient de recevoir un refus de la ministre Laanan quant à sa reconnaissance dans le cadre du nouveaudécret. Et ce, sur la base de trois avis négatifs (administration, inspection, conseil supérieur). Elle postulait sur l’axe 1 (animation) avec 4 thématiques : lalutte contre la facture numérique, rendre la parole aux personnes surendettées, « des mots aux maux », « de l’image à la réalité ».Pour l’association, rien ne laissait supposer qu’elle n’était pas dans la bonne direction. Elle regrette à cet égard l’absence de rencontre avec lecomité d’accompagnement prévu par sa convention ultérieure. L’association s’interroge sur le double subventionnement qui lui est reproché.L’agrément comme service de médiation de dettes concernera en effet quelque 149 dossiers. Mais la gestion des dossiers individuels n’a qu’un temps. Une fois la mise enrelation avec un médiateur de dettes enclenchée, l’association se décharge du dossier. Par contre, autour de ce service de médiation de dettes stricto sensu,l’asbl fait valoir son intervention notamment avec la mise sur pied d’espaces de paroles collectifs, d’ateliers d’écriture, de temps de rencontres et de débats.Victime de confusions ? Victime d’a priori d’ordre plus politique ? C’est en tout cas l’incompréhension face à cette décision etl’association se mobilise. Elle lance une pétition et plus généralement un appel aux autres associations pour créer une plateforme de résistance.

1. Dignitas, rue Henri Tournelle, 3 à 7012 Mons – tél.: 065 35 20 97

Des tambours sur l’oreille d’un sourd

www.bigoudis.org annonce la sortie d’un livre « initié à l’occasion de la réforme dudécret sur l’éducation permanente ». Et les auteurs de se présenter :
« ‘Bigoudis’, ils existent vraiment ceux-là? Bigoudis est pour certains une nébuleuse, une fiction, une prétention… mais qu’importe ? Aussi réelqu’une lettre du sous-commandant Marcos adressée au président de l’Inter de Milan, ou aussi virtuel qu’une fiction qui nous transporte vers de nouveaux mondes, ce groupe d’usagers s’estlongtemps réuni autour du projet de réforme du décret de l’éducation permanente. D’abord qualifiés « d’émergents », les « membres » de la plate-forme se verrontensuite taxés, ne lâchant pas l’affaire, d' »énervants » puis d' »emmerdants »… Au final, leurs propositions ont été habilement contournées, voireretournées (contre eux), tandis que le nouveau décret a été sagement et unanimement voté. Game over ? Mais non ! Aujourd’hui, les « persistants » ont le grandplaisir de vous présenter leur livre : Des tambours sur l’oreille d’un sourd, récit d’une aventure épique, où vous découvrirez aussi de multiplesréflexions, analyses, contre-expertises et propositions relatives à ce « secteur » associatif et aux débats qui le traversent (salariat, chômage, subventions, rapportà l’Etat, public cible, évaluation…). 260 pages pour continuer à gêner! ».

Ce livre sortira de presse à l’heure où nous bouclons ces pages. Nous ne manquerons pas d’y revenir dans notre prochain numéro.

Catherine Daloze

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