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Le bus pour rapprocher l'action sociale de ses publics

Depuis longtemps, la culture va à la rencontre du citoyen au travers des bibliobus et discobus. S’inspirant sans doute de la même volonté de toucher un maximum de personnes,les professionnels du logement, de l’action sociale, de l’aide à la jeunesse, de la petite enfance et de l’insertion recourent désormais aux bus pour toucher leurs publics.

20-06-2008 Alter Échos n° 254

Depuis longtemps, la culture va à la rencontre du citoyen au travers des bibliobus et discobus. S’inspirant sans doute de la même volonté de toucher un maximum de personnes,les professionnels du logement, de l’action sociale, de l’aide à la jeunesse, de la petite enfance et de l’insertion recourent désormais aux bus pour toucher leurs publics.

Pour qu’une action soit réussie, il faut qu’elle atteigne les bénéficiaires. Et pour cela, il faut avoir accès aux services offerts. Or il arrive encore aujourd’hui quebeaucoup en soient exclus, en particulier dans les milieux ruraux ou certains quartiers urbains peu ou mal desservis par les transports en commun. La mobilité est un enjeu en soi. Passeulement pour les entreprises et leurs travailleurs, mais aussi pour tous ceux qui souhaitent s’informer, trouver une solution à leurs problèmes, se divertir, s’insérersocialement ou professionnellement – voire les deux. Pour répondre à ces besoins, un nombre grandissant d’acteurs de terrain ont mis en œuvre des bus ou des minibusdestinés à aller à la rencontre des jeunes, des moins jeunes, des habitants, des chercheurs d’emploi, des résidants permanents en camping. Petit tour d’horizon d’outilsqui ont fait leurs preuves mais sont, de temps à autre, confrontés à certaines limites.

L’Airbus de la Teignouse

Actif dans la région de l’Ourthe-Amblève, le Service régional de prévention La Teignouse1 en est à son troisième bus – acheté auxTEC. L’outil s’avère très utile pour intervenir dans une région rurale où les populations – et les publics – sont dispersés. Sans compter que lesterritoires d’action de la Teignouse sont nombreux, puisque celle-ci a des partenariats avec les communes d’Anthisnes, d’Aywaille, de Clavier, de Comblain-au-Pont, d’Esneux, deFerrières, d’Hamoir, de Nandrin, d’Ouffet, de Sprimont et de Tinlot.

Partant également du constat que les publics visés hésitent à se rendre dans un lieu de rencontre, la nécessité de disposer d’un local mobiles’est imposée. Un premier bus a été acquis et aménagé dès 1996 dans le cadre d’un Plan social intégré (PSI). L’association abaptisé le véhicule AIR Bus, pour Animation, Information et Rencontre. L’objectif était d’aller à la rencontre des jeunes, des résidants en camping et des habitantsdes cités sociales. Il a été « graffé » par des jeunes de la région dans le cadre de travaux d’intérêt général.

Le bus sert d’espace de rencontre pour les adultes (groupes de parole) et de local d’animation pour les enfants. Le bus vise aussi les jeunes adolescents. Il est présent lors des bals etfêtes de village à la demande d’autorités communales, d’écoles, de mouvements de jeunesse,etc. « L’action consiste principalement en uneprévention de la consommation excessive d’alcool et/ou d’autres produits stupéfiants, précise la Teignouse sur son site web. Nous proposons également un lieu derépit, un espace de parole et d’échange. C’est aussi l’occasion de faire circuler une information judicieuse sur les différents produits auxquels les jeunespeuvent être confrontés dans ce type de manifestation. » Lors de ces manifestations, quatre éducateurs sont présents, ils se répartissent dans la salle et dansle bus. « Sinon, en temps ordinaire, un seul travailleur suffit pour les groupes de parole et les animations », explique Philippe Mathieu, administrateur délégué dela Teignouse.

Le bus est aussi clairement identifiable. « Nous l’avons fait graffer par des jeunes. Cela permet d’être visible et réduit les risques de dégradation,poursuit-t-il, il y a une sorte de « code d’honneur » par rapport aux graffs. »

Une fois le premier arrivé en bout de course, la Teignouse en a acquis un deuxième grâce à un financement du Fonds pauvreté de la Fondation Roi Baudouin. Letroisième a été acheté et aménagé avec un financement de la Loterie nationale. À chaque fois, il s’agit d’un bus d’occasion rachetéaux TEC. « Pour ce qui est du fonctionnement courant, cela se fait via nos budgets généraux et les financements de nos partenaires communaux, nous dit Philippe Mathieu.Aujourd’hui, on ne ressent pas trop l’impact de la hausse du coût des carburants car nos trajets ne sont pas très longs. Le seul risque, c’est la panne importante etcoûteuse. Heureusement, nous avons des contacts avec une société de bus de Sprimont qui a toujours des pièces de rechange pour nous. Tant que ce n’est pas laboîte de vitesses qui casse… Sinon, il faut aussi financer la logistique et obtenir le permis bus. Il faut former les éducateurs à cela, ce qui coûte entre 700 et 1300 euros par éducateur. Lors des bals, il faut également conduire l’éducateur au bus, ramener le bus au dépôt des ateliers communaux de Comblain-au-Pont etreconduire l’éducateur chez lui. »

Le Logisbus du Logis social

Lancé en 2001, le Logisbus s’est inspiré de l’expérience de la Teignouse. Il dessert les différents quartiers sociaux de la société delogement de service public (SLSP) le Logis social, à Liège2. Cet ancien véhicule déclassé des TEC a été acheté et transforméen outil mobile de communication par la SLSP. Il est équipé d’un bureau avec PC portable, d’un coin cuisine pour la convivialité, d’une table, de chaisespliantes et de panneaux amovibles pour suspendre les plans de rénovation… L’espace est modulable. Le véhicule peut recevoir de 20 à 30 personnes. S’il faut toucher plus depersonnes, l’activité sera répétée.

En 2007, quelque 470 personnes ont assisté à une rencontre à bord de cet espace de réunion : pour des informations techniques, des informations du service social, desquestions de décompte des charges, la gestion de conflits de voisinage, la distribution de cartes magnétiques pour l’ouverture du bâtiment, des informations sur les travauxmenés dans le cadre du PEI (Plan exceptionnel d’investissement) qui vise à la sécurisation et à la salubrité du parc social locatif wallon… «Aujourd’hui, le PEI mange beaucoup de temps, reconnaît Catherine Fourneaux, gestionnaire du service Communication et relations avec les locataires. Donc on fait moins d’animations (pour lesenfants ou pour le quartier) que par le passé. Mais on garde l’aspect convivialité à travers l’accompagnement social des locataires. »

Avant le Logisbus, tout se faisait dans des locaux d’écoles. Mais il fallait les réserver au moins dix semaines à l’avance, ce qui était ingérable. Sanscompter que les écoles ne sont pas forcément à proximité des quartiers visés. De plus, le bus – décoré par un graphiste &nda
sh; est clairementidentifié par les locataires.

« Mais le bus se fait vieux et est souffrant, constate Catherine Fourneaux. Nous venons de demander un devis pour les réparations car il en a besoin. Lorsqu’il nous lâchera, ilest clair que nous en rachèterons un autre d’occasion. Pour des demandes spécifiques, cela nous permet d’aller rapidement au cœur des quartiers. Nous récupéreronsles aménagements faits pour ce premier bus, puisqu’ils ont été faits sur mesure. »

Le Fun’en Bus à Somme-Leuze

En province de Namur, la commune de Somme-Leuze a, pour sa part, créé une maison de jeunes mobile. « Le Fun’en Bus a été mis en place parce que la communeest étendue et qu’il n’était pas possible de créer des maisons de jeunes partout », dit Cécile Guisse du Plan de prévention et de proximitéde Somme-Leuze3. Il est vrai que l’entité compte neuf villages et trois hameaux. Après s’être mis à l’écoute des désirs desjeunes, l’idée d’une maison de jeunes mobile a émergé et la commune a procédé à l’achat d’un bus d’occasion aux TEC, dans lecadre du PSI – devenu depuis PPP. Vers la fin 2002, le bus a été graffé par les jeunes à l’occasion d’un stage. « Une face représentele côté campagne, l’autre le côté ville, ce qui lui donne une allure plus festive et accueillante. Il représente aussi une identité commune pour tous lesvillages, puisque tout le monde y a apporté sa contribution », commente Cécile Guisse. L’aménagement intérieur a été pris en charge par lesouvriers communaux : le plancher a été rabaissé, des armoires ont été installées au-dessus des roues, les tables se replient, et il est possible de sebrancher sur l’électricité à l’extérieur lors des déplacements. L’investissement total pour l’achat et l’aménagementreprésente quelque 14 000 euros.

« Le bus évolue aussi avec les jeunes, poursuit notre interlocutrice. On s’en sert aussi pour les opérations « Je lis dans ma commune » qui se font en collaboration avecles écoles. On permet aux élèves de sortir des classes et de venir dans le bus. »
Pour Cécile Guisse, ce type d’outil « est obligatoire quand on a des territoires comme les nôtres, mal desservis en transport en commun ». Mais en ce moment, il est enréparation : « On prévoit un budget chaque année pour cela mais on croise quand même les doigts. Heureusement, on est dans une période où les jeunes neviennent plus au bus – à cause des examens – et on est aussi en train de préparer les stages d’été. Pour les stages, on loue deux bus qui assurent leramassage des enfants pour les amener aux stages et les ramener ensuite, une fois le stage terminé. Il y a deux arrêts par village et le prix du bus n’est que de 5 euros par semaine parenfant. »

Les bus de quartiers de la Cité de l’enfance

En janvier 2004, les bus des lignes 154 et 158, reliant Charleroi à Farciennes et Aiseau-Presles, avaient subi des jets de pierre. En guise de première réponse, l’AMOVisa jeunes, dépendant de l’asbl la Cité de l’enfance4, avait initié l’opération « T’es cool, TEC cool », sur les communesde Farciennes, Aiseau-Presles, Châtelet et Fleurus, laquelle avait entrepris de restaurer le dialogue entre les jeunes et les chauffeurs des TEC.

Par la suite, un bus d’occasion été acquis et réaménagé en espace de rencontre, grâce à un subside de quelque 18 000 euros de la Politique desgrandes villes et le soutien de partenaires communaux et locaux. Le but était d’aller dans les quartiers « oubliés » pour y faire émerger des projets positifsavec les jeunes. « Il y a eu des résultats probants, déclare le directeur de la Cité de l’enfance, Alberto Mulas. Cela a débouché sur des projetsd’aménagement des quartiers, l’organisation de festivals, la possibilité de rencontrer les parents… Il est aussi possible d’avoir des contacts individuels sansdevoir « ouvrir un dossier ». Plusieurs centaines de personnes passent chaque année par les bus. Les éducateurs des AMO peuvent aussi poursuivre leur travail de zonage. »

Fort de cette première expérience, un second bus a été mis sur pied en février 2008, avec le soutien de la Loterie nationale et également des communes etd’associations. Il est actif sur les communes de Pont-à-Celles et de Courcelles. Ici, il est géré par une autre AMO de la Cité de l’enfance : Pavillon J.« Au 11 juin, il y avait eu 834 passages dans le bus, explique Patrick Monjoie de Pavillon J. Des actions collectives commencent à se développer. Il y a un projet d’espacepublic numérique mobile qui devrait voir le jour en septembre, avec une subvention fédérale. On participe aussi à des festivals où l’on fait de la préventionpar rapport à l’alcool. C’est un travail de mise en confiance qui se met en place. Il y a un besoin réel dans des quartiers parfois plus ruraux. »
Les éducateurs peuvent bénéficier d’une formation gratuite à la conduite de bus auprès des TEC. Mais le problème, ici aussi, c’estl’âge du matériel : 30 ans pour le premier bus et 18 ans pour le second. « Il faut assumer les pannes qui risquent d’augmenter au fil du temps, observe Alberto Mulas.Et il faudra envisager le remplacement des bus à terme. Les pouvoirs subsidiant devraient nous suivre. L’avantage des bus est qu’ils évitent de devoir mettre en place despermanences à différents endroits et de payer les frais de location qui y sont liés. »

Le graffage des bus participe également à leur visibilité et à leur appropriation par les jeunes. C’est aussi un moyen de prévention contred’éventuels actes de vandalisme.

Le Bus PMTIC de Sovalue

En novembre 1999, l’asbl d’insertion socioprofessionnelle Sovalue5 a lancé un « bus insertion » sur l’entité de Braine-le-Comte et les communesavoisinantes. Allant à la rencontre des demandeurs d’emploi, Sovalue leur offre une aide en vue de les orienter vers l’emploi et des formations qualifiantes. Après cinq ans,le bus a rendu l’âme et l’asbl a racheté un petit camion, qui peut accueillir jusqu’à neuf personnes. Rebaptisé Bus PMTIC, il met à disposition desordinateurs avec accès à Internet pour les chercheurs d’emploi et les aide dans la rédaction de c.v., de lettres de motivation et avec la simulation d’entretiensd’embauche. Il offre aussi des formations aux TIC de six jours, à raison de huit fois par an.

Sovalue est aujourd’hui confronté à la hausse du prix des carburants : « Au lieu de ramene
r le camion tous les jours, on le laisse sur place pendant plusieurs jours enespérant qu’il n’y ait pas de dégradation, explique la coordinatrice Pascale Racheneur. C’est encore un moindre mal. »

Le Bébé Bus du Gabs

Le Gabs (Groupe d’animation de la Basse Sambre)6 a, quant à lui, mis sur pied le Bébé Bus en 2003. Agréée par l’ONE, cette halte-accueilitinérante pour les enfants de 0 à 3 ans s’appuie sur une équipe de puéricultrices et d’éducatrices. Active sur les communes de Sambreville, Jemeppe-sur-Sambre etSombreffe, elle accueille douze enfants par jour (limite ONE) de manière régulière ou ponctuelle et commence à avoir une liste d’attente. Le Bébé Buss’adresse aux parents qui n’ont pas accès aux milieux de garde traditionnels et plus particulièrement aux demandeurs d’emploi, aux personnes en formation, aux personnes travaillantà temps partiel ou aux parents ou grands-parents désirant souffler ou retrouver du temps pour soi.

Né à la suite d’un appel à projets lancé par la Fondation Roi Baudouin sur les services de proximité, l’existence du Bébé Bus est aujourd’huimenacée car la Province est en train de réduire les subsides. « Une solution serait de faire financer l’ensemble au travers du nouveau décret sur le soutien àla parentalité et les modes d’accueil atypiques, explique Claudio Pescarollo. La ministre Catherine Fonck (CDH), en charge de l’Enfance, avait promis la création d’un groupe de travailqui n’a jamais vu le jour. Or l’enjeu est important pour beaucoup de parents qui reprennent une formation ou retrouvent un emploi et ne trouvent pas de place où mettre leurs enfants.L’avantage du Bébé Bus est que l’on travaille avec trois communes, qu’on dispose de la même équipe et qu’on n’a pas besoin de locaux, ce qui permet de sérieuseséconomies d’échelle. » Le projet est donc en sursis. Mais Jean-Claude Marcourt (PS), ministre de l’Économie et de l’Emploi, semble prêt à volerà la rescousse du projet. Par ailleurs, le Gabs a été contacté par la commune de Floreffe qui envisagerait de mettre sur pied un bus similaire avec les communes deFosses-la-Ville et Mettet.

Perspectives

D’autres bus existent : le Diabolomanque de la province de Liège est actif dans le cadre de la prévention des assuétudes dans les écoles, et le Webbus sillonneles provinces de Liège et de Luxembourg en vue de mettre l’Internet à portée de tous. La commune de Beaumont avait acquis un bus anglais à deux étages,malheureusement le gabarit a limité son action : il n’était pas possible de passer en-dessous des ponts ou d’aller dans les campings à la rencontre desrésidants permanents. Par ailleurs, de plus en plus de taxis sociaux commencent également à se développer et d’autres communes, services ou associationss’intéressent aux expériences de la Teignouse, du Gabs ou encore de la Cité de l’enfance.

1. La Teignouse :
– adresse : av. François Cornesse, 61 à 4920 Aywaille
– tél. : 04 384 44 60
– courriel : lateignouse@swing.be
– site : http://www.lateignouse.be
2. Logis social
– adresse : rue Montgomery, 24 à 4030 Liège
– tél. : 04 344 71 30.
3. Administration communale de Somme-Leuze, PPP (Cécile Guisse) :
– adresse : rue du Centre, 1 à 5377 Baillonville
– tél. : 086 32 02 66
– courriel : cecile.guisse@publilink.be
4. Cité de l’enfance :
– adresse : rue de Gozée, 706 à 6110 Montigny-le-Tilleul
– tél. : 071 92 39 59
– site : http://www.lacitedelenfance.be
5. Sovalue asbl :
– adresse : rue de la Station, 60 à 7090 Braine-le-Comte
– tél. : 067 55 78 78
-courriel : mail@sovalue.be
6. Gabs:
– adresse :
• rue des Glaces nationales, 142-144 à 5060 Auvelais
• rue Haute, 8 à 5190 Spy
– tél. : 071 78 42 71
– courriel : citoyennete@gabs.be

Baudouin Massart

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