Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Economie

L’austérité menace les droits fondamentaux en Europe

Quelles sont les conséquences des politiques d’austérité sur la santé, l’éducation, le travail ou encore la justice ? C’est l’objet d’une étude européenne menée dans 7 pays de l’Union, dont la Belgique. Le constat est clair : plusieurs droit fondamentaux -dont l’éducation et l’accès à la santé- ont été touchés de plein fouet par les mesures d’austérité.

02-04-2015
20.000 personnes ont participé à la Grande Parade Tout Autre Chose ce 29 mars, pour dénoncer les politiques d'austérité et défendre des alternatives. (c) Lieven Soete, Flickr CC

Un rapport européen fait état des conséquences des politiques d’austérité sur les droits fondamentaux dans 7 pays d’Europe, dont la Belgique.

Quelles sont les conséquences des politiques d’austérité sur la santé, l’accès au logement, à la justice ou encore l’éducation ? C’est l’objet d’une étude réalisée pour la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen menée dans 7 pays de l’Union. Le constat est clair : plusieurs droits fondamentaux ont été touchés de plein fouet par les mesures d’austérité. Si la Grèce est le pays le plus durement touché, les 6 autres pays analysés – Belgique, Chypre, Espagne, Irlande, Italie et Portugal – sont également affectés.

Education menacée

L’éducation est directement touchée par les politiques d’austérité. Le nombre d’enseignement a été réduit si bien que « le ratio professeur-élève a diminué dans tous les pays sauf la Belgique », qui s’en sort plutôt bien en matière d’éducation, nous apprend le rapport.

«Parmi les 7 pays européens observés, seule la Belgique n’a pas réalisé de coupes significatives dans le budget de l’éducation»

En Grèce, Espagne ou à Chypre, on observe une réduction d’offre des transports scolaires, ou une diminution des structures pour les enfants plus « vulnérables » comme les enfants roms ou les migrants. Ainsi à Chypres, les cours de grec à destination des enfants migrants ont été drastiquement diminués. A ce titre, la Belgique perd des points en matière en d’éducation :  la Flandre a réduit son budget à destination des structures scolaires pour enfants handicapés.

Santé rabotée

Tous les pays sans exception ont pris des mesures qui détériorent l’accès à la santé, avec des conséquences particulièrement lourdes pour les femmes, les personnes précarisées et les migrants (relire notre édito L’austérité nuit gravement à la santé, AE n°378, 21 mars 2014). «La Belgique a pris des mesures pour alléger les difficultés sans supprimer des services », nuance le rapport. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays européens, dont la Grèce, l’Espagne ou le Portugal où la situation est alarmante : budgets des hôpitaux lourdement réduits, fermeture d’hôpitaux, réductions des soins de préventions,… En Grèce, «les accords du sauvetage de la dette du pays ont transféré le coût de la santé de l’État au patient, avec une augmentation importante des tarifs de consultations et des médicaments.» Avec des conséquences comme une augmentation du taux de suicide. Autre exemple cité par le rapport en Irlande où «les dépenses en santé mentale sont passées de 13 % à 5,3% des dépenses totales en 2010». Le rapport note aussi qu’en Belgique,

« de plus en plus de femmes sont incapables de payer les frais en matière de santé sexuelle et reproductive.»

Pensions sacrifiées

Les mesures d’austérité n’ont pas été sans conséquence sur le travail. Le rapport consacre un large chapitres aux mesures prises : licenciements, diminutions ou restrictions des allocations de chômage, menaces sur la sécurité de l’emploi,… Sans oublier les mesures touchant spécifiquement la pension:l’âge de la retraite a été augmenté dans tous les pays (aujourd’hui fixé à 65 ans, l’âge légal passera à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030 en Belgique) et leur montant réduit. 

Lire aussi: Gouvernement Michel : chronique des premiers pas:les faces cachées de la réforme des pensions, Medialab, 17 mars 2015 

Accès à la justice malmené

L’accès à la justice n’a pas échappé à la rigueur budgétaire. Notamment la baisse du budget de l’aide juridique, « environ 10 % entre 2012 et 2014 en Belgique », et la TVA sur les frais d’avocat en Belgique et en Grèce.

Droit au logement : la Belgique épinglée

Le rapport s’est penché sur le droit au logement en Belgique, Irlande Espagne et Chypre. Il dénonce en Belgique un manque de logements sociaux et une augmentation des saisies et des expulsions, chiffres à l’appui (issus d’une étude du Conseil supérieur du Logement) : les expulsions judiciaires auraient triplé en wallonie entre 2005 et 2014 passant de 5.529 à 14.234, mais trois jugements sur quatre n’aboutissent pas à une exécution de ces expulsions.

Lire aussi:notre interview politique de Paul Furlan, «Remettre du bon sens dans l’organisation du logement public», AE n°396, 3 février 2015 et Fil Infos, 1 avril 2015, Droit au logement : Bruxelles ignore tout de ses locataires ) 

 Le rapport se conclut sur des recommandations sur la marche à suivre dans le futur. Le rapport s’interroge aussi sur l’argumentaire utilisé pour justifier ces coupes budgétaires :

«L’argument central de promotion des programmes d’austérité à travers l’Europe a été de dire qu’ils étaient nécessaires pour surmonter les principaux déficits budgétaires publics, souvent considérés avoir été causés par des dépenses excessives en matière d’aide sociale durant la crise financière et économique.»

Et le rapport de souligner :«De plus en plus pourtant, de nombreux experts et organisations internationales s’ interrogent sur l’efficacité de ces programmes de consolidation et commencent à reconnaître que la crise financière , et les énormes plans de sauvetage des banques européennes, font partie des causes profondes de la situation de crise actuelle, et n’en sont pas l’une de ses conséquences ». Enfin, le rapport prévient aussi que «si certaines conséquences des mesures d’austérité ont été immédiates ou assez vite visibles, d’autres s’observeront seulement après plusieurs dizaines d’années».

Manon Legrand

Manon Legrand

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)