Le Samu social est mort au printemps 2001. Depuis, une nouvelle structure baptisée Casu pour « Centre d’action sociale d’urgence »1 a vu le jour. Une solution qui ne satisfaittoujours pas le secteur de l’aide aux sans-abri en attente depuis plus d’un an d’une réforme structurelle qui tarde à venir… Quant au Casu, faute de moyens, ilmenace purement et simplement de fermer boutique.
Lorsque le Samu a fermé ses portes au printemps dernier, on a alors beaucoup parlé de sa directrice et de ses administrateurs. Un an plus tard, peu de choses ont fondamentalementchangé : les locaux sont les mêmes, l’équipe, à la tête de laquelle œuvre toujours Pascale Pereita (après une enquête qui l’aurait totalementblanchie des reproches pécuniaires lancés par certains de ses administrateurs), est identique. Hébergement d’urgence, dispatching et maraude sont toujours pratiqués.En fin de compte, le 5, rue de l’Imprimerie à Forest n’aura fermé ses portes qu’un mois… Seul le nombre de lits a franchement diminué : une quarantainel’été, une petite cinquantaine pendant les mois de pointe. C’est que le but initial du Casu n’est pas d’héberger, mais, comme le précise le Moniteur du 23 août2001, « de mettre en œuvre tous les moyens qui seront à sa disposition pour répondre aux besoins des personnes en détresse sociale, morale ou psychologique et lutter demanière efficace contre ces situations ».
Les nouveaux fondateurs et administrateurs ? Six présidents de CPAS (Bruxelles-ville encore et toujours, Evere, Watermael-Boitsfort, Ixelles, Schaerbeek, Saint-Gilles), ainsi que deuxdélégués de l’Interhospitalière régionale des institutions de soins (Iris). Le président ? Yvan Mayeur, président du CPAS de Bruxelles-ville, quiavait échoué, avant la naissance du Samu, dans sa tentative de réunir l’ensemble des 19 CPAS bruxellois autour de cette idée.
Yvan Mayeur peste contre l’attentisme de certains ministres
Douze mois après l’enterrement du Samu et sa résurrection en Casu, seconde saga : irrité par l’immobilisme politique et à bout de ressourcesfinancières, Yvan Mayeur menace de fermer le Casu. C’est que, financé par la seule Cocof, le Casu n’a toujours pas vu venir ses subventions 2002 et racle les fonds detiroir. À terme, la fermeture concernerait 14 ACS et 12 « article 60 » (qui devraient toutefois pouvoir être recasés dans d’autres structures du CPAS bruxellois). « Si aucunesolution n’est trouvée d’ici au mois de mai, je vais devoir licencier le personnel… et fermer le Casu; or, l’urgence pour le logement ne se déclare pasqu’en hiver… », s’indigne le président du CPAS de Bruxelles-ville. Et de continuer en déplorant le silence médiatique autour de la problématique dessans-abri : « On a reproché à l’époque au Samu d’un peu trop aimer les médias; le Casu, afin de ne heurter aucune susceptibilité, s’est abstenu ence domaine. Résultat : plus personne ne parle des sans-abri. Or, le problème de l’urgence est loin d’être réglé. On oublie le rôle que joue le Casuà ce niveau. On a suffisamment de places existantes en Région bruxelloise (ndlr : environ un millier tous types d’institution confondus), c’est vrai mais pas pour lesdemandes d’urgence. Moi, si les pouvoirs publics décident de prendre cette question en charge, je ne demande pas mieux de dissoudre le Casu. Mais la réponse se fait attendre. On apromis une réforme du secteur de l’aide aux sans-abri qui reste manifestement bloquée chez nos ministres. C’est incroyable cet attentisme alors qu’il y a urgence, onperd du temps ! L’étude d’Andréa Rea pointait très clairement par exemple, le manque de logements de transit; seuls les CPAS de Bruxelles-ville et de Saint-Gilles enpossèdent mais ils saturent, il faut à tout prix en créer de nouveaux, on vient de perdre un an déjà ! » En colère, Yvan Mayeur n’épargne pas nonplus le secteur des maisons d’accueil « si prompt à faire la leçon », notamment sur la conception du travail social qu’a le Casu : « Sans vouloir mettre tout le monde dans lemême panier, il faut aussi dire que certaines maisons d’accueil n’effectuent aucun travail social, sélectionnent de manière outrancière le public qu’ellesaccueillent et adoptent une attitude pour le moins dogmatique sur la question. » Reste aussi l’épineux problème du passif de l’ex-Samu social quis’éléverait à une dizaine de millions de francs belges, qui va le payer ? “Certainement pas moi”, répond Yvan Mayeur.
Une note de politique générale contestée
Úmbiance dans le secteur… que la dernière note du collège réuni de la Cocom (Commission communautaire commune, qui gère l’aide bicommunautaire auxpersonnes) n’a certainement pas calmé, bien au contraire… Rétroactes.
En janvier 2001, le rapport final de la recherche sur la problématique des personnes sans-abri en Région de Bruxelles-capitale effectué par le Germe (ULB) sous la directiond’Andrea Rea2, est publié. Rapport dont les conclusions sont adoptées par le Collège réuni de la Cocom le 10 juillet 2001, avec le vote en première lectured’une note de politique générale et des propositions de réorganisation du secteur sans-abri rédigées à la suite de la recherche. La note de politiquegénérale est alors transmise au Comité de concertation (où sont entre autres représentés les associations du secteur – maisons d’accueil, asilesde nuit – les CPAS et Iris) avec demande d’avis pour fin août. Malgré les vacances, les associations du secteur s’acquittent de leur tâche et remettent àleur tour une note intitulée « Position du secteur par rapport à la politique de réorganisation du secteur sans-abri : complément d’avis relevé au cours desdernières réunions ». De leur côté, les CPAS, via la Conférence des présidents et secrétaires de CPAS, ainsi que la structure faîtièred’Iris remettent un document synthétisant leurs avis respectifs.
Dans l’avis remis par les associations, celles-ci marquent leur étonnement face au peu de cas fait des propositions formulées par la recherche et avec lesquelles ilsétaient en parfait accord. Non seulement, une série de propositions de l’étude y étaientûpassées sous silence mais en plus les propositions prenaientune tournure vague et générale. Enfin, certaines propositions très concrètes allaient à l’encontre de celles formulées par la recherche. Ainsi parexemple, la manière dont le centre de référence pour l’information et l’orientation qui a pour mission la gestion des places y était redéfini devenaitinacceptable pour le secteur sans-abri bruxellois. Ils apportèrent donc dans les mois qui suivirent de nombreux documents présentant leur point de vue afin qu’il soit inclus dansla seconde
note.
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Le centre d’information et d’orientation
Le deuxième objectif de la note de politique générale concerne la création d’un centre pour l’information et l’orientation et constitue une desprincipales pierres d’achoppement avec les associations du secteur sans-abri bruxellois. Voici le texte de la proposition :
« Ce centre serait doté d’un numéro d’appel de référence. L’utilité d’avoir un numéro d’appel de référence aété démontrée. Un service d’information et d’orientation 24h/24 doit être créé. Ce service ne doit pas être lié à unestructure d’accueil et d’hébergement. Il doit être un outil public, à la disposition des personnes sans-abri, de toute personne confrontée à unproblème en relation avec des sans-abri et des travailleurs sociaux. Il fonctionnera avec une petite équipe. Il faudra le doter de moyens ünformatiques appropriés dontcertains existent déjà. Ce service devra faire l’objet d’un accord de coopération entre la Commission communautaire commune, la Commission communautairefrançaise et la Vlaamse Gemeenschapscommissie. Cet accord définira la structure juridique, la composition des organes de gestion et les missions du centre.
ýutre l’information et l’orientation, les missions de ce service seraient d’organiser la maraude de nuit et d’assurer la gestion des places disponibles. Le caséchéant, la direction de ce service disposerait d’un pouvoir de réquisition des places disponýbles, de contrainte vis-à-vis des associations n’ayant pasun taux d’occupation maximal afin de garantir l’hébergement des personnes rencontrées au cours de la maraude ou pour répondre à des situations de crise. Cetteréquisition ne peut mettre en danger les résidents du service concerné, par un antagonisme trop fort entre les bénéficiaires. »
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Il y a de la Rumba dans l’air…
Fin mars 2002, le Collège réuni adopte en seconde lecture la même note de politique générale qu’en juillet mais quelque peu remaniée. Et làproblème, les associations du secteur sans abri ne se reconnaissent pas, seuls quelques documents sont annexés à la note et on semble n’en avoir guère tenu comptedans les remaniements du texte. « La version finale et définitive de la note présente un secteur réorganisé de façon hiérarchique et pyramidale autour del’accueil d’urgence, avec au sommet de la pyramide un centre de référence pour l’information et l’orientation développant une fonction de coordination enayant pour principal bras droit, le comité des directeurs », dénoncent-ils. Et de poursuivre : « Il est à craindre qu’une telle gestion du secteur n’entraîne deschangements néfastes au niveau de la qualité du soutien apporté aux sans-abri et que la conception de la sécurité publique ne prime avec pour principalepréoccupation de vider la ville d’un public que l’on ne voudrait plus y voir. »
Plus fondamentalement encore, les associations craignent la tendance, qu’ils perçoivent de plus en plus, à s’orienter vers un système d’aide axé sur lesdisponibilités quantitatives plutôt que sur les disponibilités qualitatives et par là de ne plus faire un usage optimal de la diversité des services d’accueil.Une crainte qui s’exprime nettement lorsqu’il s’agit d’évoquer le fameux centre d’information et d’orientation. S’il correspond effectivement àune des propositions principales de la recherche, à savoir la création d’un organe de gestion des places disponibles indépendant de toute structured’hébergement, le Collège réuni, ou du moins les auteurs de la note de politique générale, lui ont rajouté un pouvoir de réquisition des placeset une activité de maraude. D’aucuns y voient là une façon peu discrète de refondre le Casu, ex-Samu, comme centre d’information et d’orientationpuisqu’il assure déjà le dispatching et la maraude, et devrait donc juste se défaire de l’hébergement d’urgence… De plus, l’approche selonlaquelle le problème des gens à la rue se résoudra par la gestion des flux et des lits disponibles dans les maisons d’accueil, témoigne, selon les associationsd’une profonde méconnaissance du secteur. “Notre approche du sans-abrisme n’est pas celle de l’urgence défendue par la note de politique généralemais bien une approche globale.” Bref, il est clair que la réorganisation présentée par la Cocom ne plaît pas et que certains en viennent à se demanders’ils ont encore réellement une place à tenir dans le Comité de concertation…
Du côté des ministres…
Chez le ministre Vanhengel3, en charge de l’aide aux personnes à la Cocom, on ne désire pas faire de commentaires pour l’instant… Chez le ministre Tomas4, lui aussichargé de l’aide aux personnes à la Cocom, on n’est pas d’accord avec la version présentée par les associations. « Ils nous accusent de lenteur mais nousavons dû attendre novembre 2001 pour recevoir tous les avis du Comité de concertation, s’insurge Marc Xhrouet, conseiller au cabinet Tomas. Ils nous ont hué quand on aprésenté la note de politique générale début juillet parce que c’était les vacances, puis il a fallu attendre l’élection du nouveauprésident de la Conférence des présidents et secrétaires des CPAS bruxellois pour que ceux-ci remettent leur avis… Qui est lent ? Certainement pas le ministre quisouhaite avancer au plus vite… Quant aux critiques formulées à l’égard du Centre d’information et d’orientation, le problème c’est que lesmaisons d’accueil veulent continuer à travailler selon leurs critères, or, si on veut un minimum réguler l’offre, on ne peut pas accepter que les maisonsd’accueil refusent systématiquement certains sans-abris alors qu’elles ont de la place. Maintenant, il n’est pas question non plus de mettre en danger le projet propreà chaque structure. C’est clair que nous n’imposerons jamais à un foyer de femmes battues d’héberger un sans-abri en pleine crise de boisson… Ensuite, ilfaut relativiser les oppositions à la formule proposée, le secteur n’est pas si uni qu’il veut bien le laisser paraître… Les CPAS, par exemple, sont souventconfrontés à des personnes qui se retrouvent du jour au lendemain à la rue et qu’il faut rapidement reloger, que font-ils quand on leur refuse l’hébergementdans une maison d’accueil, ils se retournent vers nous, en disant mais que fait le Collège ? Certaines maisons d’accueil, même si c’est une minorité, celaexiste, font passer de véritables entretiens d’embauche avant d’
;accepter ou de refuser d’héberger une personne, même si elles ont des places disponibles, cen’est pas admissible… D’autres encore hébergent certaines personnes durant plusieurs mois alors que chez leurs voisines le turn over est important. » Des propos quidénotent le malaise du ministre vis-à-vis d’un secteur qu’il subventionne ?
Quant à l’ordonnance-cadre censée réorganiser le secteur et attendue depuis de nombreuses années, elle se trouve actuellement à l’examen en Commissiondes affaires sociales. Le ministre Tomas pense qu’il faudra encore trois ou quatre mois, avec les vacances, pour qu’elle puisse être adoptée. « Notre volonté est demettre sur pied, le centre d’information et d’orientation avant l’hiver 2002… » En attendant, le dialogue, qui ressemble de plus en plus à un dialogue de sourds, est enpasse de se rompre…
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Une semaine pour découvrir le secteur ambulatoire et résidentiel du secteur bruxellois de l’aide aux sans-abri
Du 15 au 19 avril, 26 institutions ambulatoires ou résidentielles ouvraient leurs portes aux travailleurs du secteur de l’aide aux personnes sans abri des deux communautéslinguistiques.
Sous la houlette de l’Association des Maisons d’accueil (AMA)5û du Centre de documentation et de coordination sociale (CDCS), du Brusselse Welzijns-en Gezondheidsraad (BWR) et de lanouvelle Fédération bicommunautaire « Bico », cette édition fait suite à une première réalisée en 2001. Une trentaine d’organisationsrésidentielles œuvrant spécifiquement dans l’aide aux sans-abri avaient ainsi ouvert leurs portes aux travailleurs du secteur. Cette première édition, toutcomme l’édition 2002, poursuivait l’objectif d’améliorer la qualité de l’accueil des usagers en passant par l’amélioration de la connaissancedes différents projets et donc le renforcement des interactions entre professionnels du secteur. Ce type d’initiative répond également au souhait des travailleurs deterrain de rencontrer les travailleurs des autres institutions. En effet, ils n’ont pas, comme les coordinateurs et les directeurs de leur service, l’occasion de se rencontrer etd’échanger sur leurs pratiques au cours de réunions ou de comités de concertation.
Des portes ouvertes pour favoriser l’échange
Forte du succès de la première expérience, la seconde édition s’est centrée sur les services ambulatoires ainsi que sur une série de structures qui, sielles ne travaillent pas exclusivement avec un public sans abri, sont toutefois confrontées au quotidien à cette problématique. D’où la présence notamment deservices de santé mentale, d’un service social d’urgence hospitalière, d’un service d’accueil pour réfugiés, ou d’un service d’aide auxvictimes de la traite des êtres humains. Autant de services avec lesquels les institutions du secteur de l’aide aux sans-abri sont régulièrement amenées àentrer en contact. Au cours des différentes visites, une petite trentaine en tout, et en une heure et demie, différentes pratiques et projets pédagogiques ont étéprésentés laissant place par la suite à un moment d’échanges et de débat. Dans un souci d’organisation, la participation était limitéeà deux travailleurs par institution. Chaque participant recevait une fiche de présentation de l’institution visitée. En outre, les organisateurs avaient égalementprévu la présence de personnes bilingues afin d’assurer, le cas échéant, la traduction des visites.
Pour Florence Beauloye, de l’AMA, sortant d’une réunion d’évaluation de l’événement, le résultat de cette deuxième semaine estglobalement satisfaisant. En termes de chiffres, environ 300 visites ont été effectuées, parfois par les mêmes travailleurs, dans pas moins de 26 institutions. Selon notreinterlocutrice, cette nouvelle opération a permis des échanges plus concrets entre travailleurs et l’ébauche de solutions concernant la façon de faire appel àd’autres institutions. Au niveau organisationnel, si certains services étaient contraints d’organiser la visite en dehors des heures d’ouverture, d’autres ontmené les visites alors que l’institution était en activité. Dans ce second cas, il était alors possible d’échanger avec les usagers du service.
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1 Casu, rue de l’Imprimerie, 5 à 1190 Forest, tél. : 0800 99 340.
2 Rappelons que cette recherche était destinée à servir de support à la politique à mener à l’égard des personnes sans-abri, elle fait partied’un projet global visant à optimiser l’organisation des services s’adressant aux personnes sans abri dans la région de Bruxelles-capitale.
3 Cabinet Vanhengel, tél. : 02 209 28 11.
4 Cabinet Tomas, tél. : 02 506 33 11.
5 AMA, tél. : 02 513 62 25 – e-mail : ama@misc.irisnet.be, contact : Mme F. Beauloye.
Archives
"La réforme du secteur sans-abri bruxellois se fait attendre, la colère gronde…"
catherinem
29-04-2002
Alter Échos n° 119
catherinem
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