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La CPNAE paie les étudiants qui se forment pour les fonctions critiques

Spots radio, site internet, affiches dans les écoles, la Commission paritaire nationale auxiliaire des employés (CPNAE)1 a lancé à la rentrée une grande campagnede communication (« Êtes-vous un âne ? »…) pour drainer les élèves et les étudiants vers les filières de formation supérieure quipréparent à trois métiers réputés en pénurie : assistant de direction, comptable et technicien (excepté en informatique).

28-07-2005 Alter Échos n° 148

Spots radio, site internet, affiches dans les écoles, la Commission paritaire nationale auxiliaire des employés (CPNAE)1 a lancé à la rentrée une grande campagnede communication (« Êtes-vous un âne ? »…) pour drainer les élèves et les étudiants vers les filières de formation supérieure quipréparent à trois métiers réputés en pénurie : assistant de direction, comptable et technicien (excepté en informatique).

« Avec primes »

La particularité de l’initiative est de proposer un incitant aux jeunes qui choisissent ces filières : une prime en trois parties échelonnées au long du parcoursde formation,

> 200 euros à la fin de la première année de formation réussie,

> 200 euros à la fin de la dernière année de formation réussie,

> et 350 euros au moment de l’embauche si le jeune trouve, dans les 12 mois de sa sortie des études, un contrat d’une durée d’au moins un an.

Soit un total de 750 euros. Les premières primes seront versées dès janvier 2004.

« Réactions »

Le lancement de la campagne médiatique de la CPNAE a provoqué quelques grincements de dents.
Du côté de l’enseignement de promotion sociale, le mécontentement est discret mais manifeste. On a pas mal investi ces dernières années dans le montage deformations pour demandeurs d’emploi avec le Cefora, le centre de formation de la CPNAE, mais le nouveau système de primes ne s’adresse qu’aux étudiants quifréquentent l’enseignement de plein exercice.

Du côté de la Fédération des étudiants francophones, on va dans l’autre sens : au lieu de vouloir étendre le nouveau système, on le refuse enbloc pour sa vision réductionniste des missions de l’enseignement. Les choix d’études ne peuvent pas être dictés par les acteurs économiques. Et deparler d’inéquité entre étudiants, de discrimination, et de dérive en termes de marchandisation de l’enseignement.

Justifications

Certes l’initiative de la CPNAE ne va pas sans ouvrir des questions sur le pilotage du système de formation professionnelle. Au lieu de nous y engouffrer, revenons sur les origines etles objectifs de cette initiative, avec Arnout De Koster, secrétaire de la CPNAE (et par ailleurs directeur du département des affaire sociales de la FEB). « Tout cela vient denotre dernière convention sectorielle, négociée en mai. Nous n’avions pas d’action « préventive » en matière d’emploi : ces primes auxétudiants constituent désormais ce volet. Notre objectif est d’amener les jeunes vers des choix d’études plus rationnels. Les études, cela ne se choisit passeulement en fonction de la famille ou des goûts, il faut aussi prendre en compte le marché de l’emploi. Nous jouons pour cela sur la visibilité des primes et la campagnemédiatique. Mais il y a d’autres actions en cours, pour améliorer les contacts entre les jeunes et les entreprises. On va dans les écoles sensibiliser les classes dedernière année sur les créneaux porteurs, on organise des contacts directs entre des jeunes et des professionnels confirmés, on s’organise pour que les jobistestravaillent sur leur futur métier dans le cadre de jobs d’étudiant, etc. »

Alter Échos – Il existe déjà des aides pour la formation professionnelle des jeunes. Qu’est-ce qui est nouveau ici ?

Arnout De Koster – C’est une première de soutenir le choix de métiers particuliers. Il y a déjà des campagnes liées à des secteurs, ou desdispositifs généraux, comme dans la construction, mais ici on va plus loin. Toutes les mesures existantes donnent des aides pour des études qui vont vers n’importe quelmétier, mais nous, ici, le secteur veut un retour sur son investissement dans la formation.

AE – Votre offre va rencontrer des milliers de demandes. Qu’est-ce que ces primes représentent comme budget ?

ADK – Aujourd’hui, il sort des écoles 5 000 gradués par an dans les trois métiers que nous avons retenus. En pondérant par la durée des études, lefait que 100 % des jeunes n’introduiront pas de demande ou que tous n’iront pas au bout de leur filière ou trouveront un boulot en dehors du secteur, nous avonsdégagé un budget de 2,5 millions d’euros par an. Vous allez me dire que c’est beaucoup ? Tout est relatif : si on regarde combien cela coûte de requalifier unchômeur sur l’un de ces métiers, il faut savoir qu’on est à 4 000 à 5 000 euros par an rien que pour financer la formation.

AE – Dans le dernier baromètre que vous faites annuellement avec l’Upedi sur les pénuries d’emploi, pour les employés, c’est le métier dedessinateur qui arrive en troisième position et non celui de technicien. Comment avez-vous choisi les professions en question ?

ADK – Nous avons travaillé sur des métiers qui posent durablement problème, qui sont en tête de classement dans nos éditions successives du baromètre. Il ya vraiment des pénuries durables, mais maintenant rien ne dit que d’ici trois ans – la durée d’un graduat en compta – le problème ne se sera pasrésorbé…

AE – Le secteur veut prendre ses responsabilités, mais vous ne pouvez donc pas « garantir » des emplois à ces jeunes diplômés ?

ADK – On ne garantit évidemment pas un job : on investit pour envoyer le message qu’il y a à tel et tel endroit des possibilités qu’on sous-estime trop. Lespartenaires sociaux donnent un signal politique : on prend nos responsabilités pour la formation, et on affirme notre confiance dans la qualité de ce que fait l’enseignement, dansson rôle crucial pour le marché de l’emploi.

AE – Là c’est le directeur du département des affaires sociales de la FEB qui parle, et plus seulement le secrétaire de la CPNAE ?

ADK – Oui, on peut dire cela. Je dis aussi cela en tant que citoyen !

1. Fonds social de la CPNAE, rue des Sols 8 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 512 93 36, fax : 02 514 59 94,
e-mail : info@sfonds218.be, sites web : http://www.sfonds218.be et http://www.etudesavecavenir.be

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