Le samedi 6 octobre, la Ligue des droits de l’homme1 organisait une rencontre-débat autour du thème «L’État social à l’épreuve de ladignité humaine»2. Cette activité s’inscrivait dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne. Les organisateurs sont partis du constatsuivant : le concept de l’État social actif fonde les discours économiques et sociaux de bon nombre de gouvernements des États membres et des instances européennes.En résumé, ils opposent à «la ‘passivité’ qu’engendre, dans le chef de ceux qui en bénéficient, un État providence tropgénéreux» le concept d’État social actif où sont mis en avant les «principes de responsabilisation des allocataires sociaux, d’activation deschômeurs, de conditionnalité de l’aide sociale, etc.».
Devant ces discours, la Ligue des droits de l’homme formule les questions suivantes : «Tout est-il à rejeter en bloc dans les discours et pratiques économiques et socialesque l’idéologie de l’État social actif engendre? Qu’en pensent les principaux intéressés? Comment le contexte européen influence-t-il le quotidiensocial en Belgique?» Afin de répondre à ces questions, des allocataires sociaux sont venus témoigner de leur vécu, de même que des intervenants du parcoursd’insertion. Parmi ces derniers, Frédérique Mawet, coordinatrice de la Mission locale de Forest, constate : «L’État social actif préfère changerles gens plutôt que de changer la machine qui produit l’exclusion. Il y a un déplacement des responsabilités : ce n’est pas à la sociétéd’inclure les gens, mais aux gens de s’inclure. (…) Dans une telle approche, la personne est considérée comme un élément, une force de travail, au lieud’être perçue comme un ensemble.» Dans l’ensemble, les intervenants ne s’opposaient pas à une forme de «contrepartie» en échange desallocations, à condition toutefois que celle-ci ne soit pas intrusive, ni moralisatrice.
Les dérives de «l’employabilité»
À ce sujet, Estelle Kreszlo, sociologue de l’ULB, a exposé quelle était «la réalité de l’accès aux droits vue de France, du Royaume-Uni,d’Allemagne et de Belgique». Dans un texte auquel elle a contribué3, sont décrites les dérives de l’employabilité à tout prix :
«… Guidée par l’obsession de la fraude ou de la faute, l’employabilité donne lieu à une exploration inquisitoriale des raisons‘fantasmatiques’ qui expliqueraient pourquoi un chômeur est sans travail ou un pauvre sans ressources, qui néglige de qualifier ses connaissances pour mieux qualifier son’être’. Pour toucher au plus près ces ‘êtres de chair et d’os’ qu’il s’agira de contrôler et parfois de punir pour mieux les aider(les ‘motiver’, les rendre ‘autonomes’)… (…) Quant à ceux à qui s’adresse cette sollicitude, ils sont nombreux à vivre dans la peur.Peur de révéler par exemple un détail de leur vie quotidienne qui causerait la suspension de leur maigre allocation. Une peur qui nourrit la méfiance de leursinterlocuteurs. À quoi s’ajoutent une grande culpabilité et une très grande souffrance ne trouvant plus dans les mots les moyens de s’exprimer. Vu d’en bas, onne sait plus si on a des droits, et si oui, comment y accéder.»
1 Rue de l’Enseignement 91 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 209 62 85, fax : 02 209 63 80, site Web : http://www.liguedh.org
2 Cette rencontre-débat était organisée avec le soutien de la Communauté française de Belgique, de la Région de Bruxelles-Capitale, de la CocoF, duministère wallon des Affaires sociales et de la Santé.
3 Catherine Levy (sous la coord.), «Europe vue d’en bas. Minima sociaux & condition salariale. Études transversales sur le droit et son application. La réalité del’accès aux droits vue de France, du Royaume-Uni, d’Allemagne et de Belgique», juin 2001, Recherche réalisée dans le cadre du programme TSER – DG XII.
Archives
"L'État social actif respecte-t-il la dignité humaine ?"
Baudouin Massart
08-10-2001
Alter Échos n° 106
Baudouin Massart
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